Héritier de François I", Henri II est décédé le 10 juillet 1559 des suites d'une blessure reçue lors d'un tournoi onze jours auparavant. Pendant ces quelques jours, le roi présente un tableau clinique évolutif très bien décrit par deux consultants de grande classe, Ambroise Paré et André Vésale, et résultant d'une plaie de l'oeil sans fracture de l'orbite, d'une accumulation de sang, un hématome, situé dans l'occiput gauche, enfin d'une zone d'atteinte cérébrale à ce niveau. Paré et Vésale, qui ont parfaitement analysé la symptomatologie et suivi avec rigueur l'évolution de la blessure, puis détaillé les lésions anatomiques constatées à l'autopsie, ont-ils laissé passer l'heure de l'intervention chirurgicale et mal posé l'indication ? Si leur démarche paraît le plus souvent proche de la pensée médicale actuelle, leur manque d'audace chirurgicale peut prêter le flanc à la critique. On peut regretter le manque de hardiesse d'Ambroise Paré qui a laissé évoluer la formation de l'hématome ; mais pouvait-il prendre le risque d'une telle intervention dans les conditions médico-chirurgicales du XVI° siècle ? Nous ne le pensons pas. Jusqu'au début du XX° siècle, l'ouverture de la dure-mère lors de semblables interventions était jugée extrêmement dangereuse vu le risque d'infection méningée. Aujourd'hui Henri II aurait probablement survécu, mais ce n'est pas absolument certain...
Le tournoi fatal
Mais revenons au 30 juin 1559. Ce jour-là, il fait chaud, terriblement chaud. Catherine et Diane voient Henri pénétrer dans la lice. Le roi arbore, comme d'habitude, les couleurs de la femme qu'il adore depuis tant d'années, les couleurs de Diane, blanche et noire, ainsi que les deux initiales H et D étroitement enlacées... Les deux femmes s'étonnent.
Comment? Le roi, amant de l'une, mari de l'autre, désire encore combattre alors qu'il a déjà ébranlé le duc de Savoie sur sa selle, puis résisté avec courage à l'assaut du duc de Guise? Mais Henri veut disputer une troisième course. La reine Catherine lui fait cependant demander d'arrêter la rencontre: «C'est justement pour vous que je veux combattre, lui fait-il répondre galamment.»
Son adversaire, le capitaine de la garde écossaise, le comte de Montgomery, souhaite, lui aussi, interrompre le combat. C'est un ordre ! lui rétorque le roi. Et pourtant, le cheval d'Henri porte le nom de Malheureux... N'est-ce pas là un présage ? Le coeur de Diane bat à grands coups. A-t-elle lu dans Les Centuries de Nostradamus cette prédiction concernant la fin d'Henri II et où le mot «duelle» rime avec mort cruelle?
Les deux adversaires foncent une seconde fois l'un vers l'autre. Mais la lance de Montgomery s'est brisée lors de la première rencontre. Le capitaine aurait dû prendre une autre arme. Il semble n'y avoir pas pensé. Au grand galop, les deux cavaliers se ruent pour un ultime assaut. Tous voient avec horreur le tronçon de la lance glisser sur le casque royal, ouvrir la visière et pénétrer dans l'oeil du roi. Henri chancelle puis vacille, tandis que les plumes noires et blanches de son casque se mêlent au panache noir et blanc dont est également coiffé Malheureux. Le cheval s'arrête de lui-même au bout de la piste. Le roi, cramponné au cou de sa monture, tombe dans les bras de ses écuyers.
Une clameur d'effroi monte de la foule. Dans la tribune, les deux femmes se sont levées, bouleversées... Livides, elles quittent leur place le coeur battant et descendent vers la lice. Quel spectacle !
La blessure du roi est atroce. La lance est entrée par l'oeil droit et sortie par l'oreille ! Montgomery sanglote. Henri trouve encore le courage et la force de lui dire: «Ne vous souciez pas... Vous n'avez pas besoin de pardon... Vous avez obéi à votre roi comme un bon chevalier...»
Le blessé est transporté au château voisin des Tournelles. Avec courage, Henri exige de gravir à pied le grand escalier. On le soutient...
Le mariage de Marguerite
Le roi se sait perdu. Son corps ruisselle d'une sueur de mort... et il exige que soit célébré le mariage de sa soeur Marguerite, union prévue par le traité de Cteau Cambrésis. La cérémonie ressemblait mieux à un convoi mortuaire et à des funérailles qu'à tout autre chose, car, au lieu de hautbois et violons, ce n'étaient que pleurs, sanglots, tristesse et regret; et pour mieux représenter un enterrement, ils s'épousèrent un peu après minuit, en l'église Saint-Paul, avec torches et flambeaux.
Tandis qu'Henri II agonise, Diane (à gauche) demeure cloîtrée chez elle. Catherine a interdit l'entrée de la chambre royale à sa rivale et, le soir du 9 juillet, la reine lui a même envoyé un messager: Madame, je vous suis envoyé par Madame Catherine. La reine désire que vous lui remettiez les pierreries de la Couronne.
Très noblement, Diane se redresse et demande: Le roi est-il mort ? Non, Madame, mais on croit que Sa Majesté ne passera pas la nuit.
— Je n'ai donc pas encore de maître !» Elle en aura un le 10 juillet. Ce matin-là, à une heure de l'après-midi, le roi expire. Il avait seulement 40 ans et un peu plus de 4 mois.