Opération Oranie
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Dans son bureau du quartier Rignot, le général Challe, sa bouffarde au tuyau recourbé calée au coin des lèvres, observait l'immense carte d'état-major qui couvrait tout un mur. De la pointe de son crayon il repéra la zone qui allait de Saïda à Vialar et de Tiaret à Relizane puis hachura l'immense étendue qui comprenait les monts de Saïda et la moitié du massif de l'Ouarsenis. C'est là qu'il avait décidé d'appliquer pour la première fois les principes du plan qui devait débarrasser l'Algérie de ses fellaghas.
Challe n'avait aucun mépris pour ces rebelles qui tenaient en échec une lourde armée de près de cinq cent mille hommes. Et cette connaissance de l'ennemi lui avait permis d'établir un jugement important qui allait être à la base de tout son plan : sur un terrain déterminé et qu'il connaît bien le rebelle est individuellement très supérieur au combattant de l'armée française ; en dehors de ces limites il a la même valeur que les bons éléments français. La conclusion s'imposait : faire sortir le rebelle de sa zone naturelle et pour cela le traquer, l'enterrer, l'asphyxier dans une zone aussi large que possible pendant un temps aussi long que possible.
Challe avait résolu de commencer par le plus facile, l'ouest de l'Algérie où localement les fellaghas étaient dangereux  mais où la wilaya 5 dans son ensemble était la moins forte et le terrain peu propice à la fuite. Employant les troupes de secteur auxquelles il avait adjoint les troupes des réserves générales, il se donnait deux mois pour nettoyer l'Ouarsenis... Ce serait ensuite au tour de la Kabylie... si tout marchait bien.

En deux mois le succès était assuré. L'opération Oranie avait donné les résultats escomptés. Outre les troupes du secteur et celles du corps d'armée, Challe avait jeté dans la balance les unités opérationnelles, quinze mille à vingt mille hommes, rassemblant les corps de parachutistes affectés précédemment à d'autres zones. Sur une région où existait déjà une infrastructure de postes de pacification statiques il avait lancé ses unités opérationnelles travaillant sur renseignements et transportées avec une rapidité extraordinaire grâce à une flottille d'hélicoptères comme jamais opération n'en avait vu en action. En permanence, deux ou trois bataillons de réserve pouvaient être héliportés sur un point chaud. Il leur suffisait de cinq minutes pour être prêts ! Les résultats de cette mobilité étaient payants !
La situation était devenue intenable pour l'A.L.N. Non seulement l'armée quadrillait le terrain, sillonnant la région de poste en poste, mais encore les unités mobiles tombaient du ciel sur les crêtes de vallées isolées où les djounoud espéraient prendre quelques jours de repos. Il n'y avait plus de répit. Il fallait fuir. Et fuir en ordre dispersé car chacune des katibas de la wilaya 5 était marquée  par un commando de chasse, dont l'organisation était calquée sur celle des commandos parachutistes, et qui vivaient dans le djebel aux trousses des unités rebelles. Ces commandos de chasse, Challe les avait institutionnalisés dès le début de la mise en route de son plan. Ils étaient composés d'appelés et de harkis solidement encadrés.
Les commandos de chasse permettaient en effet aux troupes musulmanes de mener une guerre qui leur plaisait, sans encasernement, vivant en liberté avec leurs familles installées dans un poste et partant à la chasse aux fells dans une nature dont ils connaissaient les pièges et les caches. Au sein de ces commandos les harkis devenaient réellement efficaces. Il fallait en outre se servir de la population. Dès les premiers succès le commandant en chef avait développé la politique d'autodéfense.
Devant les résultats obtenus en huit semaines il avait décidé de lever l'opération à la fin du mois de mars. C'est là qu'était intervenue la dernière partie de son plan. L'opération par elle-même était terminée mais il laissait aux troupes de secteur une région à leur main.

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Puis Challe avait expliqué que non seulement il reprenait ses troupes de réserve générale devenues le rouleau de ce compresseur qui devait écraser la rébellion d'ouest en est, mais encore que chacun devait prélever sur ses troupes des effectifs qui viendraient grossir ces réserves générales.
Oh ! Les pleurs ! Les grincements de dents ! Pas morte, la vieille armée ! Chaque colonel, chaque général trouvait les meilleurs arguments du monde pour prouver au commandant en chef qu'il était à poil, qu'il avait tout juste de quoi continuer la lutte. En réalité, leur enlever des troupes, c'était attenter à cette dignité militaire qui veut que chaque officier qui se respecte ait un personnel nombreux. C'était ça le prestige. On jugeait le poids d'un général à l'ampleur de son entourage ! Mais Challe fut inflexible.
Le 18 avril Challe mettait en place le dispositif Courroie, contraction phonétique des mots Couronne (opération autour d'Alger) et Ouarsenis. Là encore il se donnait deux mois pour nettoyer le territoire de la wilaya 4. Il faudrait ensuite attaquer le gros morceau, les réduits kabyle et constantinois, les territoires des wilayas 2 et 3. Et cela avant la mauvaise saison.
Jamais en Algérie un commandant en chef n'avait montré une telle détermination dans la conduite de la guerre. Jamais non plus il n'avait obtenu en si peu de temps de tels résultats...

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