La situation des conjurés était celle d'hommes traqués. Il était pour eux essentiel et urgent de neutraliser les informateurs de la police pour aveugler le système répressif, donc de s'assurer le contrôle de la population musulmane.
Pour ce faire, le premier réflexe fut d'instaurer un terrorisme implacable : tout informateur serait exécuté de façon spectaculaire et rituelle, par égorgement, si possible devant la population assemblée. De tels exemples ne tarderaient pas à museler tout le monde. Il serait en outre possible, par ce procédé, d'éliminer progressivement tous les musulmans fidèles à la France.
Cette réaction élémentaire, qui avait été celle des révolutionnaires irlandais, devait être appliquée par les Algériens avec des procédés auxiliaires qui devaient se révéler efficaces.
La prise en main de la population exploita le thème politique d'un retour à l'orthodoxie musulmane : interdiction de boire du vin et de fumer. Par ces méthodes, les révolutionnaires s'identifiaient aux traditions nationalistes les plus caractéristiques. En outre, imposant un comportement visible d'un ascétisme facile à suivre, mais marquant nettement les sympathisants et les adversaires, il permettait une pression généralisée sur l'ensemble de la population masculine. Comme il eût été impossible que cette discipline fût acceptée volontairement, elle fut imposée par un terrorisme mineur : les révolutionnaires coupaient le bout du nez des contrevenants après plusieurs avertissements ou amendes. Ce châtiment marquait définitivement d'opprobre les opposants et avait une portée psychologique considérable. Grâce à ce moyen de pression, l'existence du mouvement fut rapidement connue ainsi que sa présence invisible
Dans les douars perdus où les rebelles règnent la nuit, on pend les chiens et les hommes. Les chiens, pour qu'ils n'aboient pas à l'arrivée des groupes armés; les hommes, quand ils ont trahi la rébellion et la loi du silence.