Un seul héros, le peuple
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Traverser le Champ-de-Manoeuvres, c'est changer d'univers, c'est passer sans transition du monde de deuil à celui de la gaieté. Au populeux quartier du Ruisseau, la célébration somptueuse de l'indépendance prochaine constitue, pour les cadres du F.L.N., autant l'occasion d'appeler les masses à encourager par leur discipline la nécessaire coopération avec les Européens d'Algérie et avec les Français que d'annoncer déjà la bataille de la reconstruction économique du pays.
Les Algériens se répandent sous les frondaisons illuminées d'une « piazza » à l'italienne, rythment du battement de mains ou du klaxon, s'ils sont motorisés, les certitudes de l'indépendance toute proche, agitent de petits drapeaux, engloutissent, aux buffets décorés de guirlandes de jasmin, des kilos de beignets à l'huile et de gâteaux au miel, vident des litres de jus de fruits et de thé à la menthe et applaudissent avec une égale bonne volonté les défilés des jeunes filles en uniforme et les discours des responsables politiques et les chants patriotiques.
Partout les drapeaux fleurissent aux balcons, se déploient aux terrasses, claquent au vent et au soleil. La journée de demain se prépare dans une fiévreuse activité. On essaie les dernières ampoules électriques, on plante les derniers mâts où flotteront les couleurs de l'indépendance, on peint en vert et blanc d'humbles manches à balai promus, pour un temps, au rôle plus glorieux de hampes à drapeaux. Les tissus vert et blanc dont les prix ont monté, ces derniers jours, au marché noir se débitent au kilomètre.
Les responsables du secteur distribuent aux futurs porte-drapeaux et membres du service d'ordre F.L.N. les pièces de leur nouvel uniforme : brassards estampillés au cachet de la Zone autonome d'Alger, chemises blanches, pantalons en tergal de couleur anthracite et casquettes de l'indé­pendance à étoffe verte et visière blanche. Les chemises viennent de Rouen, les pan­talons de Bordeaux, l'étamine des bannières d'une usine de teinture et d'apprêt de l'Ardèche et les casquettes enfantines arrivent tout droit — fructueuse commande — d'une fabrique des environs de Pau. Sur le plan économique, l'influence française est toujours plus que dominante.

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