La wilaya 4 du colonel Sadek
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Si M'hamed
Les sous-officiers élus par les soldats, une discipline librement consentie parce qu'établie en commun, la fraternité prônée et vécue réellement, l'alphabétisation pratiquée entre deux opérations militaires, la libre discussion instaurée en permanence, et tout à l'avenant, voilà une région militaire (wilaya) qui avait de quoi étonner! C'était la wilaya 4, qui groupait tout l'Algérois, y compris Alger après la bataille. Au mois d'avril 1957, 5 000 hommes la composaient. Bien entendu, ils n'étaient pas tous rassemblés, mais répartis dans de nombreux secteurs, eux-mêmes cloisonnés, mais partout les mêmes règles, le même style.
Le colonel Si Sadek (de son vrai nom Slimane Dehilès) dirigeait la wilaya 4 depuis qu'Ouamrane était parti pour Tunis en mission et y installait le C.C.E. en fuite. Sadek était une des personnalités les plus originales de l'A.L.N. Grand, maigre, le regard rieur contredisant les traits sévères du visage comme taillé à coups de serpe, rusé à l'extrême, abordant tous les problèmes par le biais de l'humour. Cet autodidacte pouvait tout aussi bien réciter (ou plutôt interpréter avec saveur !) des poèmes de Si Mohand que des tirades entières de Victor Hugo ou encore de longs morceaux de l'Iliade et de l'Odyssée; sachant que son accent kabyle faisait merveille dans ce genre de texte il en rajoutait .Combattant de la première heure, il était aux côtés de Krim Belkacem quand celui-ci forma les premiers maquis.
Son adjoint politique, Si M'hamed, Ahmad Bougarra (gauche) pour l'état civil, né vingt-sept ans plus tôt à Affreville, était grand, athlétique, sérieux, respecté, c'est lui surtout qui imprima sa personnalité à la wilaya 4. Politiquement, il était déjà très avancé si on le compare aux chefs politiques des autres wilayas. Pour lui si la djihad (guerre sainte) avait été un moteur nécessaire et efficace lors du soulèvement, il était temps d'y substituer la lutte pour la reconnaissance de la dignité.
L'adjoint militaire était Si Lakhdar (gauche), un maçon qui avait dû sa rapide promotion à son courage. Il avait animé les fameux commandos zonaux avec Ali Kodja. Toutes les guerres de ce type voient émerger, des deux côtés, des hommes dont la détermination au combat, le courage ou... l'inconscience entraînent vers des actions exceptionnelles d'audace et d'efficacité. Ali Kodja et Si Lakhdar faisaient partie de ces hommes-là. Le responsable du renseignement était Omar Oussedik, doyen de l'état-major. Depuis longtemps connu sous le nom de Si Taleb, ancien ouvrier d'usine, syndicaliste, clandestin, élégant, énigmatique, peu disert, marxisé. Si Salah, le responsable des liaisons (qu'un étrange destin mènera, en pleine guerre, face au général de Gaulle à l'Elysée), un géant (1,90 m) sympathique, la parole facile, des yeux bruns intelligents, dont la réserve pouvait passer pour de la timdité, était le modèle du désintéressement et de la passion vraie.
L'état-major comprenait aussi Azzedine, chaudronnier sans culture politique mais très à l'aise dans les bagarres. Ce n'était pas une âme ni une conscience, mais qu'aurait été l'ALN. sans bagarreurs comme lui ? Il y avait, enfin, Boualem Oussedik qui, lui aussi, était un homme de valeur. A vingt-deux ans il quittait l'Université pour rejoindre le maquis. Étudiant brillant il avait collectionné les diplômes et avait sérieusement étudié le marxisme. Le. colonel Si Sadek l'avait chargé de la propagande. Il était en quelque sorte le chef des commissaires politiques.
Cet état-major tenait beaucoup à l'égalitarisme; les officiers et sous-officiers ne portaient pas d'insignes distinctifs sur leur uniforme, qui était le même pour tous. Même solde aussi, I 000 francs (de l'époque) par mois, mais la femme du combattant recevait 2 000 francs par mois si elle habitait la campagne et 5 000 si elle habitait la ville.
wilaya 4
L'arrivée de cadres, d'intellectuels, de chefs de réseau (brûlés dans la capitale), d'étudiants avait permis un encadrement tout à fait exceptionnel et permis de créer un style wilaya 4. Chaque action, chaque embuscade, qu'il y eût eu réussite ou échec, faisait l'objet d'une critique, puis d'une autocritique. Aucune décision importante n'était prise par un seul chef. Pour la moindre embuscade il fallait l'accord du commissaire politique. La devise était tout le monde est nécessaire, personne n'est indispensable.
Ce qu'apprenaient d'abord ces intellectuels, c'est que, dans ce combat inégal à plus d'un titre avec l'armée française, la force de l'A.L,.N. résidait dans l'extraordinaire endurance de ses hommes, leur frugalité, leur mobilité. Cependant, cette wilaya n'aurait pas pu tenir si longtemps ni enregistrer tant de succès si elle n'avait compté que sur son organisation intérieure originale, la personnalité de ses chefs, la vaillance de ses djounoud. Il lui fallait aussi l'eau du poisson c'est-à-dire l'appui des populations. La coordination entre L’ALN et le peuple était assurée par un imposant réseau de mousshilin. Ces auxiliaires civils étaient des partisans opérant là où ils résidaient. Leurs taches étaient multiples : sabotages des voies de communication, transport des munitions et des blessés, renseignements sur les mouvements de l'adversaire, etc. En outre, la wilaya 4 faisait fonctionner en permanence des écoles de cadres, des services sanitaires, des services sociaux pour les veuves et les orphelins, en plus des services de propagande, d'information, de logistique et de politique.
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