La Mission C et les coups tordus de l'OAS
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Avec 110 hommes à Alger, 60 à Oran, 30 à Constantine et aidé des 30 gendarmes du capitaine Lacoste, le professeur Hermelin pouvait se vanter d'un bilan fort honorable. Entre le 5 décembre 1961 et le 20 février la mission C avait arrêté 604 membres de l'O.A.S. dont 69 tueurs et 62 plastiqueurs.
Ses membres, assistés de forces de gendarmerie mobile et de C.R.S., avaient effectué 5834 perquisitions, saisi 642 armes automatiques, 10000 munitions et un stock important d'archives.
Alors que les barbouzes étaient tombés comme des mouches sous les coups des deltas, Michel Hacq n'aura à déplorer que la mort de deux inspecteurs imprudents qui, sans se soucier des ordres impératifs, voudront aller seuls acheter leurs billets d'avion pour la métropole. Deux jeunes appelés détachés par la Sécurité militaire auprès de la mission C en qualité de chauffeurs seront également abattus par l'O.A.S. au cours d'une promenade dans les rues de Hussein-Dey.
Malgré un bilan positif et spectaculaire, ni Hacq ni Lacoste n'étaient parvenus en cette fin du mois de février à arrêter l'une des têtes de l'O.A.S. C'était pourtant leur objectif principal. Ils décidèrent alors de développer le travail de bureau. Plusieurs de leurs hommes ne s'occupaient désormais que du dépouillement des archives et de l'interrogatoire des prisonniers. Le recoupement des informations permettait seul de parvenir au sommet. Que pouvaient faire cent quarante hommes devant une population totalement hostile ? Ils ne pouvaient ratisser les 200 km2 de l'agglomération algéroise, ni contrôler les mille kilomètres de rues, encore moins perquisitionner dans les deux cent mille appartements ! Il fallait ruser, pénétrer la psychologie de l'adversaire, connaître ses habitudes. Le capitaine Lacoste y apporta toute son énergie.

Au début de l'année il avait arrêté un commando complet de légionnaires déserteurs dans une villa des Deux-Moulins. Les deltas, surpris dans leur sommeil, n'avaient opposé aucune résistance. Bien mieux Lacoste s'était aperçu que les légionnaires arrêtés se mettaient à table sans qu'on ait à les pousser. La plupart avaient été engagés dans cette aventure par leurs chefs. Alors ils avaient suivi. Arrêtés, ils ne faisaient aucune difficulté pour parler. Il faut noter qu'au cours de l'atroce combat fratricide qui opposa l'O.A.S. aux forces de police la quasi-totalité des membres de l'organisation arrêtés dénoncèrent leurs complices sans beaucoup de vergogne. Les inculpés de l'O.A.S. furent très rares à se plaindre des sévices de la part des gendarmes ou des hommes de la mission C. Les avocats des activistes le reconnurent volontiers bien que l'Action psychologique et de propagande de Susini fît courir les bruits les plus affreux sur les tortures subies par les membres de l'O.A.S. à l'Ecole de police de Hussein-Dey.
Au cours des interrogatoires le capitaine Lacoste avait remarqué que les légionnaires allemands étaient particulièrement coopératifs. La plupart n'avaient aucune conviction politique. Ils avaient simplement suivi Degueldre qu'ils admiraient profondément. Grâce à eux, Lacoste connut bientôt toutes les habitudes des deltas. Il sut tout de leur vie quotidienne. Bien mieux, il s'attacha un jeune déserteur allemand, depuis six mois dans l'O.A.S., qui l'accompagna dans les tournées d'information qu'il faisait à bord d'une anonyme 203 dans les quartiers activistes.
Le malheureux avait trouvé un autre patron aussi courageux, aussi téméraire, aussi prodigue de sa vie que le précédent. Alors il l'avait adopté et l'admirait. Le jour où Lacoste lui confia un P.M. pour participer à ses côtés à une opération d'envergure, il fut prêt à se faire tuer pour lui.

degueldre

Le capitaine comptait beaucoup sur sa connaissance du milieu des commandos Delta pour parvenir à arrêter Degueldre. Entre le lieutenant et le capitaine la lutte était ouverte. Elle faillit se terminer à un feu rouge dans le centre d'Alger, le dernier jour de février. Lacoste, qui changeait de voiture trois fois par jour et qui n'employait jamais deux fois les mêmes plaques, se trouva bloqué dans la circulation à côté d'une voiture où se trouvaient trois deltas dont il possédait la fiche de recherche. Les hommes se reconnurent. En un éclair, les mitraillettes apparurent. Lacoste et deux gardes du corps avaient été aussi rapides que les deltas. Portières contre portières, les deux véhicules n'étaient qu'à quarante centimètres l'un de l'autre. Les gendarmes en civil et les commandos O.A.S. se fixèrent des yeux, le doigt crispé sur la détente de leurs armes. La tension était insoutenable. Qui allait tirer le premier ? A bout portant personne ne pouvait échapper au massacre. Au feu vert, les deux véhicules démarrèrent, roulèrent pendant quelques mètres côte à côte. Puis la voiture de l'O.A.S. s'engouffra dans une rue latérale et disparut.
Le destin n'avait pas voulu que le capitaine Lacoste fût la 554e victime de ce mois de février dans les rues d'Alger. La lutte entre Degueldre (gauche) et Lacoste pouvait se poursuivre. Plus âpre que jamais. Le capitaine n'oubliait pas que sur 553 meurtres de ce mois le lieutenant était responsable de 302 attentats. Et Salan, à l'annonce de négociations secrètes entre la France et le G.P.R.A., venait de préconiser l'intensification du terrorisme !

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Terrorisme du désespoir