Arrestation de Degueldre
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A l'aube du 7 avril, un lieutenant de gendarmerie qui a procédé toute la nuit aux premiers interrogatoires obtient d'un des rescapés de l'Ouar­senis un renseignement qui lui paraît important. Un légionnaire déserteur, proche de Degueldre, se cache à Guyotville dans la villa Janine, près de la Madrague. Le lieutenant fait une descente. Le déserteur dort encore. On l'arrête. On saisit un colt, du matériel, des documents. Et le légionnaire parle. Il donne un nombre considérable de renseignements qui recoupent certaines informations que Lacoste possède sur les deltas. Le capitaine les fait exploiter sur-le-champ tout en poursuivant lui-même l'interrogatoire de Montagnon. De 8 heures à 15 heures les gendarmes effectuent une quinzaine de perquisitions.
Puis, à 15 h 30, une nouvelle série de renseignements se recoupent. Tous concernent Degueldre. Le cercle se rétrécit. De cent le nombre des possibilités tombe à vingt. Puis à dix. Il faut choisir. Lacoste brûle. Vingt des vingt-cinq escadrons de gendarmerie mobile sont mis en alerte. Parmi ces dix caches éventuelles plusieurs indiquent une même adresse : le 91, boulevard du Télemly. Le lieutenant de gendarmerie décide de faire une descente.
Il est 16 h 15 lorsqu'il arrive sur les lieux. L'immeuble portant le n° 91 se trouve dans un des lacets du Télemly. Il a une double issue, par derrière. Le lieutenant dispose de 90 hommes. Il fait encercler l'immeuble, fouiller chaque appartement et contrôler l'identité de tous les locataires. Il commence par le rez-de-chaussée. Quelques étages plus haut, dans l'appartement de deux jolies pieds-noirs, Pérez et Degueldre discutent avec le capitaine Branca, de retour des maquis, Jacques Achard et le capitaine Mura. Très vite, les hommes se rendent compte que l'immeuble est encerclé. Pérez qui a aménagé une cache derrière une penderie y fait entrer ses compagnons. Mais Achard et Degueldre refusent.
Achard quitte le premier l'appartement. Il passe sans encombre la vérification d'identité et se perd dans la ville.

Degueldre aborde à son tour les gardes mobiles qui surveillent la porte de l'immeuble.
Papiers. Voilà. »
Il possède une carte d'identité au nom de Joseph Esposito, inspecteur de l'enseignement primaire.
Degueldre va partir lorsque le lieutenant de gendarmerie sort d'un appartement du rez-de-chaussée. Il appelle :
Eh ! vous. »
Degueldre se retourne. Moi ? Oui. Vos papiers ?
Je viens de les montrer. Montrez-les encore. »
Le lieutenant n'a pas reconnu Degueldre mais les cheveux blond filasse sentent leur teinture à dix pas.
Vous êtes inspecteur de l'enseignement ?
Oui. Vous n'avez qu'à téléphoner à l'académie d'Alger pour vérifier. »
Degueldre est sûr de lui. Son identité n'est pas bidon. Joseph Esposito existe réellement. Et il est inspecteur primaire ! Manque de chance, le lieutenant de gendarmerie, natif d'Alger, a beaucoup d'amis dans l'enseignement. Il commence à poser des questions embarrassantes. Degueldre bredouille.
Sans savoir qu'il a Degueldre devant lui, l'officier sent que ce type n'est pas tranquille. C'est sûrement un O.A.S.
Venez avec moi. On va faire une vérification d'identité à Hussein-Dey. »
Degueldre est fichu. Il ne peut ni résister ni s'enfuir. Le terrain est truffé de flics. Alors il continue à jouer le jeu.
Je vous suis. Mais vous me mettez en retard. J'ai du travail, moi.
Ce ne sera pas long, monsieur Esposito. » A Hussein-Dey, Lacoste interroge Montagnon lorsqu'un gendarme lui glisse quelques mots à l'oreille. D'un bond, le capitaine se lève, abandonne son prisonnier et se précipite vers la petite villa mauresque dans la cour de l'Ecole de police où l'on a isolé le suspect. Lacoste reconnaît Degueldre au premier coup d'oeil. Il a trop regardé sa photo. Il lui a même fait subir toutes les transformations possibles. Avec barbe, avec moustache. Blond, brun. Avec lunettes, sans lunettes. Dans la petite pièce, Degueldre, assis sur une chaise, tempête.
Mais je vous dis que je suis Joseph Esposito, inspecteur primaire. Vous me faites perdre mon temps. » Lacoste se plante dans l'encadrement de la porte.
C'est pas à moi qu'il faut faire cela, dit-il. Vous êtes le lieutenant Degueldre. »

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