Faire d'Alger un nouveau Budapest était devenu l'idée maîtresse de Roger Degueldre (à gauche), obsédé par l'exemple de la révolte hongroise. Mais pour faire combattre Alger, les armes à la main et non dans les arrière-salles des bistrots, pour faire parler la poudre et non les langues à l'heure de l'anisette, pour passer de la « tchatche » au crime politique il fallait organiser la ville par îlots et quartiers, prendre en main les citadins, leur faire accepter une discipline rigoureuse, les mettre en condition pour qu'à l'heure choisie, de chaque balcon, de chaque toit, de chaque porte ou fenêtre un feu d'enfer s'abatte sur « l'ennemi », sur les représentants du pouvoir parisien.
Face au monde, Alger, et par là même toute l'Algérie, proclamerait sa volonté d'être libre, c'est-à-dire française et non F.L.N., comme cela ne manquerait de se produire si l'on suivait l'autodétermination et la voie de la légalité. Le gouvernement français et de Gaulle devraient alors céder devant la ville insurgée ou alors la reprendre maison par maison, quartier par quartier, au prix d'une répression digne de celle de Budapest.
Pour parvenir à discipliner cette population bavarde, vantarde, hâbleuse, il fallait lui montrer que la nouvelle organisation qui prenait sa destinée en main était forte, puissante, prête à tout. Il fallait donc passer à la violence. Les légionnaires du premier commando de Degueldre ne la craignaient guère. Depuis des années c'était leur compagne quotidienne. Dans leur esprit, la lutte qu'ils entamaient n'était que la continuation de cette chasse aux fells qui, hier encore, constituait leur devoir. Fells ou complices de fells. Il fallait les abattre. Quant aux membres civils de ce premier commando, leur conception de la lutte politique n'excluait pas le meurtre.