Un quarteron de généraux en retraite
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A 17 heures, de Gaulle est entré dans le bureau de Geoffroy de Courcel, secrétaire général de l'Elysée, et lui a dit : faites venir la télévision.
Puis il est monté dans ses appartements pour se changer. Car à 20 heures c'est en tenue de général de brigade qu'il apparaît sur les écrans. Comme à chaque crise grave qui secoue la France de Gaulle rappelle au peuple qu'il est militaire et que c'est dans cet uniforme qu'il lança l'Appel du 18 Juin par lequel la France vaincue allait recouvrer son honneur.
Ce 23 avril 1961, au soir d'un beau dimanche de printemps, la population métropolitaine est massée devant ses écrans de télévision. En Algérie chacun tâtonne sur le cadran de son transistor pour parvenir à capter les grandes ondes des radios périphériques ou celles de Radio-Monte-Carlo qui est le poste métropolitain que l'on reçoit le mieux. Les 500 000 gaillards sont tous à l'écoute, et aussi leurs chefs, qu'ils soient fidèles à la République ou ralliés au putsch des généraux.
Dès les premiers mots, on se rend compte que de Gaulle est résolu à se battre et à vaincre par tous les moyens. Le choix des mots est révélateur.
« Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire, dit le Général d'une voix grave et décidée. Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire. »
Et c'est la condamnation sans appel des fauteurs de troubles, qu'ils soient généraux ou colonels.

Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit au désastre national...
Et voici l'Etat bafoué, poursuit le Général, la nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par qui ? Hélas ! hélas ! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être de servir et d'obéir.
Mais il n'est pas dans le caractère du Général de se lamenter longtemps. Voici la riposte :
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire.
Le ton est devenu d'une tension extrême, d'une violence rentrée qui subjugue et effraie à la fois la France à l'écoute de son chef. De Gaulle délie alors tous les soldats de l'obéissance à leurs chefs mutinés.
J'interdis à tout Français, et d'abord à tout soldat, d'exécuter aucun de leurs ordres. L'argument suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d'accepter leur commandement sous prétexte d'obligations opérationnelles ou administratives ne saurait tromper personne.
Voilà pour les généraux et colonels hésitants, pour les directeurs du G.G. et leurs adjoints. De Gaulle menace : L'avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois.
Le président de la République annonce alors à la nation la mise en oeuvre de l'article 16 et sa décision de prendre toute mesure « exigée par les circonstances ».
Par là même, je m'affirme, pour aujourd'hui et pour demain, en la légitimité française et républicaine que la nation m'a conférée, que je maintiendrai, quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce que me manquent soit les forces, soit la vie, et dont je prendrai les moyens d'assurer qu'elle demeure après moi.
Et après avoir affirmé à la face du monde sa force et sa détermination, le Général conclut par un bref appel au peuple qui aura une portée psychologique immense : Françaises, Français ! voyez où risque d'aller la France, par rapport à ce qu'elle était en train de devenir. Françaises ! Français ! aidez-moi ! »
dicours de de Gaulle
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La fin du putsch