Massacre de Melouza par le FLN
melouza

C'est en 1956 que le douar de Melouza, gros bourg assez riche au nord de M'Sila, était passé au F.L.N. Et cela à la suite d'une opération de représailles menée par l'armée française. Un capitaine avait été tué dans une embuscade tendue par un groupe rebelle. Un lieutenant-colonel avait appliqué une méthode qu'il perfectionnera plus près d'Alger. Il fit fusiller quelques suspects arrêtés à la suite de cette affaire, puis disposa leurs cadavres sur le toit d'un car auquel il fit parcourir les routes et pistes praticables de la région de Melouza. A titre d'exemple du sort qui attendait désormais ceux qui aideraient le F.L.N. et se rendraient ainsi responsables d'assassinat. Ce lieutenant-colonel s'appelait Antoine Argoud.
A partir de Melouza, le F.L.N. essaya de gagner à sa cause l'importante population des Beni-Illemane. Mais la population arabe qui voyait d'un mauvais oeil ces fellaghas kabyles lui imposer un impôt et une aide qui la désignerait immanquablement aux coups de l'armée, se rebella. Et avec quelle violence ! Successivement un officier F.L.N. et plusieurs sous-officiers furent donnés aux forces de l'ordre. Puis trois agents de liaison envoyés par la wilaya 3 à la wilaya 6 furent abattus. Un sergent et son secrétaire qui avaient demandé asile furent exécutés à coups de hachette.
La situation, qui devenait critique pour le F.L.N., provoqua la réaction du chef de la wilaya kabyle, Mohammedi Saïd. Il résolut de montrer sa fermeté et donna ordre au capitaine Arab d'encercler les villages du douar Beni-Illemane, de mesurer les réactions de la population et, en cas de riposte, d'en abattre les habitants. Arab, un ancien chauffeur de taxi parisien d'une cinquantaine d'années, réunit tous les hommes disponibles de sa région et se mit en route à la tête de trois cent cinquante hommes armés de fusils, pistolets mitrailleurs, F.M. et fusils de chasse.

femmes de melouza

A 2 heures du matin, le 28 mai 1957, Abdelkader Sahnoun, à qui le capitaine Arab a donné ordre d'abattre tous les hommes de Beni-Illemane, commence l'encerclement du douar à la tête de six sections de l'A.L.N. L'alerte est donnée à 8 heures alors qu'ils sont encore sur les collines avoisinantes. Au village, c'est l'affolement. Quelques hommes tentent d'organiser la résistance. Ils stoppent l'avance des hommes du F.L.N. Mais les munitions s'épuisent. A midi, le dernier défenseur armé tombe à l'entrée du village. Et c'est la ruée sauvage. De tous côtés les djounoud font sortir les hommes des misérables gourbis où, terrorisés, ils se sont réfugiés. Les femmes hurlent. C'est la panique. Les hommes qui résistent sont abattus. Une heure plus tard, trois cent quatre hommes du village sont rassemblés, misérable troupeau, accroupis sur la place de la mechta, mains sur la tête. Hébétés. A coups de crosse, au milieu des gémissements des femmes et des cris des enfants, les hommes du F.L.N. les obligent à se lever et les font avancer par un sentier de chèvres en direction de Mechta­Kasba, petit hameau d'une dizaine de familles, situé non loin du village... Abdelkader Sahnoun et le capitaine Arab ont décidé de frapper les esprits et de massacrer leurs prisonniers dans cette mechta.
A 14 heures, c'est l'arrivée à Mechta-Kasba, d'où les femmes et les enfants ont déjà été chassés par un groupe avancé. Une dizaine d'hommes ont été gardés et voient arriver la malheureuse caravane. Alors, tout va très vite. Dans ce petit village aux maisons basses faites de pierres entassées à tel point que, de loin, elles se confondent avec le paysage de rochers et d'éboulis, les hommes d'Arab entassent les trois cent quinze hommes dans les gourbis. Plus de trente par maison ! Et c'est le massacre, la folie sanguinaire. Au fusil, au couteau, à coups de pioche, les fellaghas taillent en pièces leurs prisonniers. Ceux qui tentent de s'échapper sont abattus d'une rafale de mitraillette. Des flots de sang s'écoulent maintenant des maisons transformées en abattoirs humains. Le massacre dure une demi-heure à peine. Aux cris, aux supplications, aux coups de feu, aux hurlements des djounoud déchaînés succède un silence pesant. Abdelkader Sahnoun réunit ses hommes. Il faut fuir. Maculés du sang de leurs victimes, les yeux égarés, ils regagnent la zone de leurs refuges.
A cette même heure, le capitaine Combette recevait le compte rendu d'une reconnaissance aérienne. D'après le rapport l'observateur signalait des mechtas qui brûlaient. Il était 17 h 30 lorsqu'il arriva avec une quinzaine d'hommes et un half-track aux premières mechtas du douar. Les femmes affolées couraient en tous sens, prononçant des paroles inintelligibles. Il fut très difficile de savoir immédiatement ce qui s'était passé. Vers 18 h 30 quelques hommes commencèrent à réapparaître. L'un d'eux, encore sous le coup de l'émotion, expliqua à Combette incrédule le déroulement du raid F.L.N. :

massacre de melouza

Les renseignements affluèrent dans la soirée. Le massacre s'était produit à Mechta-Kasba. Combette devait attendre des renforts avant de s'y rendre. Si tout était fini là-haut il était préférable de soigner les blessés signalés par des patrouilles dans de nombreuses mechtas et surtout de protéger la population terrorisée qui s'attendait à de nouvelles actions punitives du F.L.N. Combette consacra la journée du 29 à ces différentes tâches. Des hélicoptères évacuèrent les blessés les plus graves. Les infirmiers des unités engagées s'occupèrent des blessés légers. Dans le courant de la journée, recoupant les témoignages qui maintenant arrivaient en masse, Combette évalua le massacre à au moins deux cents morts.
Le 30, à 9 heures du matin, accompagné par deux pelotons à pied et par une cohorte de femmes folles d'inquiétude, il arriva à Mechta-Kasba. Une effroyable puanteur planait sur le village. Combette marqua un temps d'arrêt.

melouza

Les femmes, jusque-là maintenues par un cordon de troupes, se précipitèrent. Aussitôt des cris affreux retentirent. Hagardes, se déchirant le visage de leurs ongles, comme prises de folie, elles allaient d'une maison à l'autre, glissant dans des flaques de sang gluant, retournant les cadavres pour retrouver un fils, un frère, un mari. Le village n'était plus qu'un hurlement. Les soldats découvraient à leur tour le massacre. Dans chaque gourbi le même spectacle. Des corps affreusement mutilés, des cadavres dont le visage gardait l'empreinte d'une terreur indicible, et du sang partout, en mares, en plaques, en traînées, sur le sol et sur les murs. Et, flottant dans l'atmosphère, cette odeur lourde, chaude et fade, horrible, du sang et des corps en décomposition.

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