Général Jacques Pâris de Bollardière
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Le 27 mars, le général Jacques Pâris de Bollardière, responsable du secteur de l'Atlas blidéen, fait sensation en annonçant par voie de presse en quelles circonstances il a été amené à renoncer à son commandement. Ancien des Forces françaises libres, parachuté dans le maquis en 1944, il acquiert la conviction, au spectacle des atrocités nazies, que la torture est le propre des régimes totalitaires. Lors de la campagne d'Indochine. où il s'illustre à la tête de ses parachutistes, il fait passer en cours martiale un sous-officier qui a tiré dans le dos d'un porteur viet­namien: même dans un conflit non conventionnel on ne déroge pas, sous son commandement, au code de l'honneur et aux règles de la guerre. En Algérie, le général de brigade de Bollardière crée, en 1955, les Bérets noirs. Ces commandos paras d'élite, qui comprennent aussi de turbulents rappelés de l'armée de l'air formant une demi-brigade, mettent en application la pacification par le dialogue et le contact permanent avec la population du bled ou des environs d'Alger. Il leur arrive souvent de passer la nuit chez l'habitant, en le respectant. Tout en poursuivant les unités de l'Armée de libération nationale (ALN), c'est bien du rétablissement de la confiance qu'il s'agit, de sorte que le nombre d'attentats et d'attaques diminue de façon indiscutable dans la zone confiée aux vingt commandos: sept tués au total pour les deux brigades sous le commandement du général de Bollardière.

Max Lejeune

Cette « méthode Bollardière » qui n'emploie la force que si elle est strictement nécessaire, vaut à son auteur de défiler à Alger à la tête de ses hommes le 14 juillet 1956. Mais sa conscience d'officier chrétien et d'ancien de la France libre l'empêche de couvrir l'emploi de la torture. Estimant que les sévices n'ont jamais empêché une rébellion de se développer, il précise à ses officiers qui l'interrogent sur l'opportunité d'employer des méthodes fortes au moment où la 10, DP contrôle Alger : La Gestapo n'a jamais em­pêché la Résistance d'exister. Le 18 février 1957, il signe une directive proscrivant toute forme de torture dans son secteur.
Constatant qu'en Algérie l'impuissance des autorités civiles et militaires à mettre sur pied un système qui soit simplement efficace face au défi d'une guerre révolutionnaire, Bollardière refuse de cautionner, même par son silence, des méthodes qui remettent en cause le fondement des valeurs morales qui ont fait la France. Sentant qu'il n'est pas soutenu par Max Lejeune, secrétaire d'Etat aux Forces armées, lors d'une inspection le 10 février 1957, il demande, le 8 mars suivant, à être relevé de son commandement afin d'être muté. Il n'a pas accepté, la veille, une directive très ferme du général Massu qui lui intimait l'ordre de donner la priorité aux actions de police sur celles relevant de la pacification. A la tête du corps d'armée d'Alger, le général AIlard le convoque et tente, en vain, de le faire revenir sur sa décision.
Incompris de ses chefs , ayant sollicité une permission de trente jours en métropole, il décide de prendre un risque aux conséquences très importantes: franchir l'invisible barrière du devoir de réserve en rendant publiques les causes de sa désapprobation. Il s'en ouvre donc le 27 mars dans une lettre à L'Express dans lequel Jean-Jacques Servan-Schreiber, qui a servi sous ses ordres avant de retrouver son poste de rédacteur en chef, raconte son expérience de lieutenant en Algérie. Bollardière écope de soixante jours de forteresse. Il devient la conscience qui dérange au moment du tournant de la bataille d'Alger, parce qu'il pose la vraie question comme le montre le titre de son livre-manifeste publié en 1972, Bataille d'Alger, bataille de l'homme. Condamné ensuite à l'ostracisme et à l'exil, Bollardière est allé jusqu'au bout de ses idées sachant qu'il sacrifiait sa carrière.

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Tortures et bavures