Sus à Charette !
rideau
général hoche

Méfiez-vous, notre général. Voilà les Bleus !
Ce cri. poussé par des enfants. Charette va l'entendre sans cesse dans les semaines qui suivent, les quatre semaines qui aboutissent à sa capture.
Hoche (gauche), talonné par le Comité de Salut public, et plus encore exaspéré par cette guerre qui n'en est pas une et qui s'éternise, déploie des forces énormes pour traquer le fugitif. Il met le paquet : 32500 hommes répartis en cinq colonnes ratissent jour et nuit les clos et les champs entourés de fossés ou bordés de haies, perquisitionnent dans les fermes et les châteaux. interrogent. menaçent...
— Ne laissez pas reposer votre proie. insiste Hoche.
Tous les moyens sont bons pour attraper ce renard trop rusé, méme les pires :
— Faites déguiser quelques hussards et volontaires en paysans munis de cocardes blanches...
Sur l'ordre du général Hoche, l'adjudant général Jean-Pierre Travot a lâché son commandement des Sables pour diriger les recherches sur le terrain méme. Depuis le 18 janvier 1796. il suit le fugitif et sa troupe, on pourrait dire « pas à pas », réussissant a abattre quelques-uns des Blancs qui entourent Charette, mais ne parvenant pas à prendre la tête. Travot arrive toujours trop tard. Dans la paroisse de Maché (Vendée). que son gibier vient de quitter, il promet les 6000 louis d'or que l'on dit étre en possession du fugitif à qui le dénoncera.
Le 21 février, dans un château près du village de La Bégaudière, Charette lance son dernier ordre de rassemblement
De par le Roi. Il est ordonné à tous les hommes en état de marcher et de porter les armes. de se rassembler et de me rejoindre de suite sous peine de mort.
Les commandants de paroisses et les conseillers civils me répondront sur leur tète de l'exécution du présent ordre.
Le chevalier Charette

Un commandement bien impératif pour le proscrit qui ne dispose plus que d'un effectif très réduit, une centaine d'hommes dont la moitié à cheval, et qui fond jour après jour. Les défections, les trahisons se multiplient. Travot, sur dénonciation de paysans, s'empare des dépôts de poudre et de fusils de Charette. Au combat de La Begaudière, le chevalier vendéen réussit une fois encore à s'échapper, mais son escorte est décimée. Cette fois ce sont 400 grenadiers qui canardent les Blancs. Une trentaine reste sur le terrain, et des meilleurs : le frère de Charette, un de ses cousins, MM. de la Porte, Beaumel' c. le porte-fanion...
Travot envoie à Hoche un bulletin de victoire.
La noblesse, les émigrés, les chefs, ont fait les frais de cette journée, trente au moins ont été tués.
Au soir du 22 mars, le fugitif et sa petite bande trouvent un refuge dans la ferme du métayer Delhommeau, à La Pellerinière. sur la rive ouest de la rivière la Boulogne qui se jette plus au nord dans le lac de Grand-Lieu.
Il pleut et la nuit vient de tomber. Depuis le matin, ils n'ont cessé de marcher dans les petits chemins creux, car ils n'ont plus de chevaux. essuyant les coups de feu des chasseurs de montagne du commandant Gautier. Charette est blessé et tremble de fièvre. Ils sont là quarante-six, qui lui sont entièrement dévoués. Les cernant dans un périmètre terriblement restreint : douze mille hommes.

Charette traqué
Le lendemain. très tôt, dans [aube livide. Charette se réveille. Ses derniers fidèles sont allonges autour de lui son domestique Bossard et Pfeiffer, son garde du corps, un Allemand farouche et devoué comme un chien-loup, puis les survivants de son état-major : Samuel et Charles de l'Espinay de La Roche-Daveau, le chevalier de Gousinot, La Bouere... et puis l'épicier Joseph Renolleau. le bourrelier Pierre Morisseau. le forgeron Louis Sorin.
Charette a-t-il un pressentiment ? Il fait ses adieux a l'abbé Remaud, un prètre réfractaire qui le suit depuis longtemps :
— Vous me quitterez aujourd'hui. l'abbé. et vous passerez en Angleterre où vous direz a Monseigneur le comte d'Artois que je saurai mourir en chevalier français...
Il n'a pas le temps de finir...
— Les Bleus ! crie une sentinelle ou ouvrant brusquement la porte.
Il faut fuir. encore une fois. Courant a moitié courbe. Charette passe la Boulogne. Son petit groupe de tête se compose de Bossard et Pfeiffer du garçon meunier Jaunâtre et de Samuel de l'Espinay. Les autres suivent en peloton. [oreille aux aguets, le fusil à la main.
On arrive au hameau de La Guyonniére, un hameau tranquille.
— Allons, dit Charette, ils ne nous auront pas cette fois encore !
Il a parlé trop tôt. Sa présence aussitôt signalée. a déclenché un vaste mouvement d'encerclement. Fantassins et cavaliers convergent sur lui en provenance des Lucs au sud, de Montaigu à l'est et de Saint-Philbert au nord. A la sortie du village de La Guyonnière, qu'il traverse d'ouest en est, Charette tombe sur les grenadiers du général Valentin arrivant des Lucs.
Aussitôt, les Blancs se dispersent. Ils fonçent dans les chemins creux, sautent les haies. courent en ligne brisée, toujours talonnés par les grenadiers.

Charette est reconnaissable de loin avec son chapeau à panache blanc et à ganses d'or. Pfeif fer s'en rend compte. Il arrive par derrière, fauche le chapeau d'un geste du bras, s'en coiffe et met le sien sur la tête de son général. Puis il court comme un fou.
Il a vu juste ! Le tir se concentre sur la cible qu'il forme avec son panache. Atteint par trois balles, il culbute sur le sol. Des grenadiers s'élancent sur lui...
— C'est moi, Charette, dit-il.
Il meurt aussitôt. Le général Valentin accourt. Il exulte déjà ! Quel rapport triomphant il pourra faire à Hoche !
Il déchante immédiatement : ce n'est pas Charette qui gît à ses pieds. La chasse reprend.
Vers onze heures. Charette et les 35 hommes qui lui restent, prennent un peu de repos dans une ferme située au Sableau. Les habitants de la ferme ont disparu. Charette pose ses deux pistolets sur la table et coupe un morceau de pain. Il n'a pas le temps de le porter à sa bouche : des coups de feu claquent.

anecdote
accueil
Accueil
La mort des géants