Le combat se mène sur plusieurs fronts. Les grands couturiers parisiens défendent leurs créations contre les regards indiscrets de la concurrence étrangère. Certains livrent bataille contre les contraintes surannées et proposent des modèles qui s'inscrivent dans les grands courants artistiques et novateurs de l'époque. Paul Poiret est de ceux-là. Il n'a que 23 ans lorsque, en 1903, travaillant alors chez Worth, au sommet de la haute couture parisienne, il dessine son premier manteau d'inspiration orientale. Volant bientôt de ses propres ailes, Poiret va révolutionner la mode avec une palette chatoyante, telle qu'on n'en a pas vu depuis longtemps. Ses audaces provocatrices le conduiront, en 1911, à la jupe persane et à la jupe-pantalon.
Paul Poiret en a dessiné plusieurs modèles que décrit Michel Psichari, le chroniqueur de mode de l'Illustrateur : « Le vêtement type se compose d'une sorte de large pantalon en satin souple tombant jusqu'aux pieds, sur lequel une jupe est harmonieusement drapée. Tantôt la jupe, à peine fendue, ne laisse apercevoir que l'extrémité inférieure du pantalon et l'on a presque l'illusion d'une robe ordinaire. Tantôt la jupe, simplement serrée aux chevilles, s'arrondit en amples bouffants. Tantôt, plus osée, elle s'ouvre sur les côtés, assez haut pour provoquer les regards indiscrets. L'art de disposer les étoffes, d'en régler les plis et les chutes, permet des combinaisons multiples. Elles n'ont de limite que la convenance et le goût. » Nous sommes loin, ajoute le rédacteur enthousiaste, de la jupe-culotte que portaient, il y a quelque dix ans, les ferventes de la bicyclette à l'époque où ce sport était considéré comme élégant. Opinion tout à fait opposée dans Fémina : « Regardez, s'écrie une rédactrice indignée, comment on ose nous affubler ! Un pantalon de zouave étriqué et serré aux mollets par des chaussettes russes ! Quand on pense que les femmes turques sont en train de s'en débarrasser pour adopter les modes européennes ! » L'accueil est, dans l'ensemble, d'abord prometteur. Des élégantes se montrent en jupe-pantalon lors de réceptions mondaines et de jeunes beautés font sensation en l'exhibant à Auteuil et au bois de Boulogne. Mais ce n'est qu'un feu de paille, un événement fugitif de la vie parisienne.
Attentive aux critiques, l'industrie du corset propose des modèles à la fois séduisants, confortables et hygiéniques. Ainsi le corset Dorise, si l'on en croit son fabricant, la maison Claverie, convient-il à toutes les tailles et à tous les âges. Son système de baleines souples mais indéformables conserve aux organes et aux mouvements leur entière liberté, et assure une perfection souveraine des formes ainsi qu'une taille longue et onduleuse sur des hanches affinées. Tel autre modèle, appelé « Peau de Suède », convient aux personnes sensibles, car il supprime toute constriction de l'estomac et des hanches, et laisse entièrement libres les fonctions digestives et respiratoires. Mme Desbruères n'est pas en reste : grâce à son « fourreau-corset de la Faculté », les rondeurs excessives du corps humain disparaissent et l'incohérence de la musculature s'efface ou se dissimule, au point que les chairs semblent pétries et remaniées. Mais les femmes sauront-elles résister au corset-pantalon de Mme Bellanger, assorti de cuissardes en tissu élastique et descendant juste au-dessus des genoux ?