Jouvet... Un homme du Maréchal !
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Louis jouvet en 1941

Les Allemands lui font les yeux doux en ne lui offrant rien moins que la direction de la Comédie-Française... en même temps qu'ils lui interdisent de jouer Giraudoux et Jules Romains, la Staffel Propaganda jugeant Knock «anticulturel»! Jouvet refuse de se plier aux exigences de l'occupant, et se débrouille pour partir en zone libre où il vivote avec une partie de sa troupe en organisant une tournée théâtrale dans le Midi de la France et en Suisse. Au mois de juin 1941, bénéficiant du blanc-seing du gouvernement de Vichy, qui finance son entreprise, il embarque avec sa troupe à Lisbonne à destination de l'Amérique du Sud, emportant avec lui pas moins de trente-quatre tonnes de matériel. Un départ considéré comme une fuite par certains, et jugé suspect par d'autres. On s'explique mal en effet que les Allemands aient pu donner leur accord à l'organisation de cette tournée mise sur pied par le « juif » Marcel Karsenty. Pourtant, Jouvet n'a fait aucune concession. Il a habilement joué sur les deux tableaux. D'une part, il assure Vichy qu'il ira porter la bonne parole de la culture française en Amérique latine et, d'autre part, il fait croire aux Allemands qu'il rentrera en France sitôt sa mission de six mois accomplie.

Mais son périple n'est pas du goût des Américains qui, dès qu'il pose le pied à Rio de Janeiro, commencent à surveiller étroitement ses moindres faits et gestes. Chaque jour ou presque, des rapports émanant d'agents de l'American Intelligence Service ou du FBI arrivent à Washington où, ici, on note qu'il a fait des déclarations propétainistes, que là, il s'est moqué des Américains, qu'ailleurs il «se pourrait qu'il appartienne à la 5e colonne » ou encore que « derrière son chef, certains membres de sa troupe sont des partisans déclarés du gouvernement de Vichy et des apologistes nazis» ! Tout au long de ce voyage, qui le mène au Brésil, en Argentine, en Uruguay au Mexique en passant par la Colombie, Haïti ou Cuba, il pâtit de cette suspicion au point que les Américains lui interdisent de fouler le sol des Etats-Unis et veillent à ce que tout déplacement par voie aérienne soit contrôlé. Même le soutien du général de Gaulle, en 1943, ne change rien à l'affaire ! Pour les Américains, Jouvet est un homme du maréchal. Force est pourtant de reconnaître aujourd'hui, même si parfois Louis Jouvet fut maladroit dans ces propos, qu'il ne joue nullement à ce jeu-là. Pour lui, une seule chose compte : «Faire du théâtre, par plaisir et en toute liberté.»

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Louis Jouvet