Les cardinaux noirs ...
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Le 31 mars 1810 eut lieu à Saint-Cloud la présentation officielle de la future impératrice. Le Sacré Collège y était au complet. Le 2 avril était fixé pour l'entrée publique à Paris et le mariage religieux. Ce jour-là devait marquer pour Napoléon le faîte de sa gloire et de sa fortune et rien ne fut donc ménagé pour relever le faste de la cérémonie.
A droite de l'autel dressé dans le grand salon du Louvre, transformé en chapelle, des sièges étaient réservés aux cardinaux. Le drame était là, atten­dant Napoléon. L'Empereur arrive, accompagné de son aumônier, l'archevêque de Malines, qui a retracé le récit de l'événement. Seize cardinaux manquaient à la cérémonie et cet espace vide semblait démesurément grandi, terriblement accusateur. Si trois se sont faits excuser (les cardinaux Despuiz, Dugnani et Erskine, trop âgés ou malades), les treize autres (Mattei, Pignatelli, Scotti, Della Somaglia, Consalvi, Brancadoro, Saluzzo, Galeffi, Litta, Ruffo, Oppizoni, Gabrielli, di Pietro) n'ont fait parvenir aucune raison de leur absence.
Napoléon reçut le coup comme un soufflet sur son orgueil. Après les invitations qu'ils avaient reçues pour assister au mariage religieux, les cardinaux s'étaient réunis chez le cardinal Consalvi pour conférer sur la conduite qu'ils devaient tenir. Le cardinal Della Somaglia déclara que, comme cardinal revêtu du titre de vicaire de Sa Sainteté, il n'assisterait, sous aucun prétexte, au mariage religieux parce que Napoléon et Joséphine avaient été mariés, et qu'il avait reçu et gardé l'acte déposé au vicariat de Rome. Sur les 27 cardinaux présents, 14 jugèrent prudent de ne point braver Napoléon ; les 13 autres se rangèrent à l'avis du cardinal Della Somaglia pour ne pas donner l'impression qu'ils acceptaient le divorce que leur conscience réprouvait. Le 3 avril les cardinaux se rendirent en corps aux Tuileries avec les sénateurs et les conseillers d'Etat. Après plusieurs heures d'attente un huissier parut et annonça que Sa Majesté ne voulait pas recevoir les 13 cardinaux absents à la cérémonie de la veille. Les prélats se retirèrent, mais ils ne trouvèrent ni leurs gens, ni leurs voitures. Par un sentiment de basse mesquinerie, Napoléon les avait fait renvoyer. C'est à pied, dans leurs soutanes rouges et leurs manteaux de cérémonie, que les princes de l'Eglise regagnèrent leurs hôtels où la « soll­citude » de l'Empereur les logeait.
La journée du 4 avril se passa dans l'attente. Vers le soir un billet de Bigot de Préameneu, ministre des Cultes, convoqua les cardinaux à son ministère pour le soir même à 9 heures. Ils connurent la sanction qui frappait la rectitude de leur conscience : leurs biens sous séquestre, les scellés apposés sur leurs meubles, toute pension supprimée, interdiction de porter la pourpre ni aucun indice de leur qualité cardinalice. Enfin, ils étaient placés sous la surveillance de la police.
Ce ne fie pas tout. Le 10 juin 1810, deux mois plus tard, un arrêté de police, exécutable dans les 24 heurs, les dispersait dans des villes assez distantes l'une de l'autre pour empêcher les « internés » de communiquer entre eux.L'exil des cardinaux noirs, comme on les appelait, commençait. Vie recluse et digne dans le dénuement le plus complet qui serait devenu tragique sans la charité des fidèles qui fondèrent bientôt l'« oeuvre des cardinaux noirs ».

Napoleon Bonaparte et les cardinaux
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