En ouvrant le journal L'Aurore, le 13 janvier 1898, les lecteurs découvrent un titre en énormes caractères qui barre toute la première page: J'accuse, Lettre au président de la République par Emile Zola.
Le texte de l'article est à la hauteur du titre: après avoir fait l'historique de l'affaire et mis en lumière toutes les irrégularités qu'elle comporte, Zola conclut : «[...] J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire [...].
J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice [...] d'une des plus grandes iniquités du siècle.
J'accuse le général Billot d'avoir eu en mains les preuves de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées [...]. J'accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s'être rendus coupables du même crime [...]. Je n'ignore pas que je me mets sous le coup de la loi sur la presse qui punit les délits de diffamation. Et c'est volontairement que je m'expose. J'attends. [...] »
C'est la curée contre Zola. Les représentants de la presse antisémite trempent leurs plumes dans le vitriol pour le vilipender. Leur rage est d'autant plus virulente que l'écrivain a atteint son but. L'opinion est fortement ébranlée: des écrivains, des savants, des artistes réclament la révision du procès de l'infortuné Dreyfus et rejoignent son camp. Seule fausse note, les amis socialistes de Zola, à l'exception de Jaurès et de Guesde, demeurent étrangement muets sous le fallacieux prétexte que Dreyfus est un bourgeois et que dans ces conditions peu importe qu'il soit innocent.