Si vous aimez ce site ne bloquez pas l'affichage des publicités... Merci !

Le sort et l'évacuation
des blessés

Le service de santé
de la Grande Armée

Parent pauvre d'une année sans cesse en mouvement, le service de santé présentera, pendant toute la durée de l'Empire, un mélange de grandeur, d'incompétence et de pénurie. Grandeur, car comment ne pas admirer ces médecins et ces chirurgiens qui opéraient des heures entières, sans moyens, sous des chaleurs torrides ou par des froids intenses, voire dans la neige! Incompétence, car ce service prestigieux sera desservi, selon le mot de Perey, par des "chirurgiens de pacotille" engagés dans le corps médical pour échapper à la conscription. Pénurie enfin, car le manque extrême d'hommes et de moyens entraînera la mort de milliers de soldats blessés qui ne pourront être soignés.

La règle: ne pas porter secours aux blessés

soldat de Napoléon blessé
Les blessés demeurent là où ils sont tombés, s'ils ne peuvent s'écarter du lieu du combat par leurs propres moyens : la règle est formelle. A la veille de chaque bataille, l'ordre du jour, commenté par les officiers au bivouac, ne manque pas de rappeler qu'il est interdit sur l'honneur de quitter les rangs au cours du combat pour porter secours aux blessés, et encore plus de les transporter à l'arrière. On a trop souvent vu des soldats compatissants se mettre à trois ou quatre pour porter des blessés vers une ambulance problématique... puis oublier de rejoindre ensuite leurs camarades sur la ligne de feu.
Ces malheureux doivent donc attendre que la bataille s'éteigne pour espérer un secours. La nuit tombée, leurs appels retentissent, auxquels répondent parfois des camarades cependant exténués, qui consentent à les rassembler auprès des feux allumés ici et là, jusqu'au lever du jour.

Evacuer les blessés de la Grande Armée

évacuation d'un soldat blessé au premier empire
Sur le terrain, le service de santé doit souvent se débrouiller seul et organiser ses ambulances et hôpitaux de campagne dans des abris plus ou moins élaborés. Les blessés les moins touchés s'y traînent par leurs propres moyens, ceux qui sont gravement atteints sont ramassés.
La pénurie de personnel spécialisé oblige les soldats à transporter les blessés, ce qui deviendra, par la suite, formellement interdit afin de ne pas dégarnir les rangs. Parfois, ce sont les musiciens du régiment qui font office de brancardiers, A Lützen et à Bautzen, on verra des civils transporter les malheureux blessés dans des brouettes et les conduire chez eux pour les soigner. Le transport, quand il est possible, est effectué à l'aide de branchages rapidement transformés en brancard, mais, le plus souvent, c'est le fusil qui sert de siège! Le blessé est ainsi transporté tant bien que mal jusqu'à l'hôpital de campagne.

Le comble de l'horreur à la sanglante bataille d'Eylau

Blessés à la bataille d'Eylau
Le comble de l'horreur sera sans doute atteint lors de La sanglante bataille d'Eylau, le 8 février 1807. Le service chirurgical est en pleine activité, installé sous des hangars: les chirurgiens sont couverts de sang, devant les portes s'amoncèlent, en un horrible tas, non seulement des cadavres, mais aussi des jambes, des cuisses et des bras coupés : on ampute beaucoup, à la Grande Armée ! Les infortunés blessés souffrent de la soif pas un verre d'eau à boire... Ils grelottent de froid: la paille est en quantité à peine suffisante et ils n'ont rien pour se couvrir...
Durant la bataille, Larrey opère sans arrêt; le froid est si violent que les instruments tombent des mains des aides qui le servent au cours des opérations. Le lendemain, la ville offrait un spectacle d'horreur, et Percy note: "Partout des excréments, du fumier; des centres de bestiaux des chevaux écrasés, des débris pourris et infects; chaque maison exhale l'odeur de la gangrène, on sent l'hôpital dans toutes les rues". On trouvait des amputés couchés dans l'ordure, au milieu des excréments de ceux qui ne pouvaient pas se lever. On leur distribua un peu de bouillon et du pain.

Opérer sur le champ de bataille

service de santé au temps de Napôléon 1er
L'ambiance qui règne dans les ambulances ou les hôpitaux improvisés ne laisse guère place à la pitié: tout est sacrifié à une rude efficacité dictée par l'urgence ainsi que par le manque de personnel et de moyens. Les blessés sont "accueillis" par les aides des chirurgiens qui hurlent: "Les bras à gauche, les jambes à droite"; en même temps, ils marquent, d'un coup de craie, le membre touché, à l'emplacement de la future amputation ou désarticulation! Les files s'allongent et chacun est examiné suivant son ordre d'arrivée.
Cependant il arrive parfois qu'un chirurgien s'occupe en premier des plus touchés...
Lorsque le chirurgien doit extraire un projectile, balle, biscaïen ou éclat de bombe, l'opération est effectuée à l'aide d'une sonde ou... d'un tire-fond, voire même... avec le doigt!
Les plaies infectées sont lavées à l'eau froide ou tiède dans laquelle on ajoute de l'acétate de plomb ou du vinaigre. L'hémostase (arrêt de l'hémorragie) est faite par ligature avec des fils cirés ou des fils de plomb. Les fractures sont réduites sur place et le membre touché est immobilisé par des attelles.
bas
Les infirmiers
Ne faut-il pas s'étonner de voir, comme à Eylau, des prisonniers requis pour évacuer les cadavres. Mêmes moyens empiriques d'ailleurs dans la péninsule :
à Vitoria, les infirmiers sont espagnols, et par conséquent fort sales. Ailleurs, à Lerma, près de Burgos, on n'a pas à déplorer la crasse des infirmiers : « Ce sont des êtres imaginaires. »
Mais ces infirmiers ne sont que les petites mains.
L'individu que le soldat redoute le plus, c'est le sous-aide, la pire espèce, celui qui, pour ne pas porter le sac et la giberne, se fait délivrer un brevet de chirurgien sous-aide après trois mois passés à l'Ecole de médecine. Ceux-là font à l'armée un cours pratique aux dépens des premiers venus. Et malheur au pauvre diable qui tombe sous la scie de ceux que Percy surnomme avec mépris les chirurgiens de pacotille.