La traversée de la Bérézina
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ney pendant la retraite de russie

Les soldats cessent d'obéir, l'armée éclate en petits groupes. Au moment d'arriver à Smolensk, la température atteint — 27°, et la neige est de plus en plus épaisse. Dans la ville, les survivants ne découvrent que des magasins vides ! Il leur faut reprendre la route, la faim au ventre. « Dès lors le désespoir s'empara des coeurs et chacun, ne songeant qu'à sa propre existence, oublia l'honneur et le devoir », écrit Labaume.
Le maréchal Koutouzov juge le moment propice pour intervenir. L'ordre de marche donné par Napoléon fractionnait l'armée des survivants en quatre échelons se suivant à une journée d'intervalle. Les 16 et 18 novembre, Koutouzov tente de couper la retraite des Français à Krasnoïe. Mais il a sous-estimé l'énergie du désespoir : il est battu pour la seconde fois. L'arrière-garde, commandée par le maréchal Ney, est cependant coupée du reste de l'armée ; elle parviendra — réduite à 1 200 hommes épuisés — à rejoindre le gros des troupes à Orcha, le 20 novembre. La Garde, quant à elle, ne compte plus que 7 000 soldats et le maréchal Davout n'en a plus que 8 000. Au total, Napoléon ne dispose plus que de 35 000 hommes.

traversee de la berezina

Un nouveau coup du sort attendait les Français. La Bérézina, habituellement gelée en novembre, aurait dû être aisément franchissable. Or un dégel inopiné l'avait transformé en un torrent furieux et glacé. Et Napoléon avait ordonné, après avoir traversé le Dniepr à Orcha, de brûler tout le matériel nécessaire pour la construction des ponts. Par miracle, le général Éblé avait préservé des forges de campagne et quelques fourgons contenant le matériel adéquat. Par chance, le général Corbineau découvrit un gué non indiqué sur les cartes. Il restait à en éloigner l'armée de Tchitchagov par une manoeuvre de diversion; et à mettre aussitôt les pontonniers d'Eblé au travail.
Travaillant dans l'eau glacée, ses hommes réussirent à construire deux ponts qui furent achevés dans l'après-midi du 26 novembre. Le 2' corps d'armée du maréchal Oudinot y passa le premier, suivi par de l'artillerie. Le 27 novembre, Tchitchagov découvrit qu'il avait été joué et rebroussa chemin, alors que Wittgenstein surgissait de son côté. La Garde et l'Empereur avaient à peine eu le temps de traverser que déjà le plus important des deux ponts cédait. La panique s'empara des soldats, mais Éblé parvint à le reconstruire.
De nouvelles unités purent alors franchir la Bérézina, tandis que la menace russe se précisait : «A la vue de l'ennemi, raconte Labaume, ceux qui n'avaient pas encore passé se précipitèrent vers le pont : l'artillerie, les bagages, les cavaliers, les fantassins, chacun voulait traverser le premier. Le plus fort jetait dans l'eau le plus faible qui l'empêchait d'avancer, ou foulait aux pieds le malade qui se trouvait sur son passage. Plusieurs centaines d'hommes restèrent écrasés sous les roues des canons, d'autres, espérant se sauver à la nage, se gelèrent au milieu de la rivière, ou périrent en se plaçant sur des pièces de glace qui coulèrent à fondu. » Quand, le 29 novembre à 9 heures du matin, la division commandée par Girard eut traversé le fleuve, le général Éblé, pressé par l'arrivée des cosaques, fit mettre le feu aux deux ouvrages. Tous ceux qui étaient restés sur la rive opposée se virent condamnés : beaucoup se noyèrent, d'autres furent massacrés par les Russes. 10 000 soldats peut-être périrent ainsi.

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La retraite de Russie