Un tout jeune caporal m’arrive tout seul, avec les deux mains arrachées au
ras des
poignets. Il regarde ses deux moignons
rouges et
horribles avec des yeux exorbités.
Je tâche de trouver
un mot qui le console et lui
crie : « Que fais-tu dans
le civil ? ». J’ai alors
la réponse navrante qui me serre le
cœur et m’empêche de rien ajouter :
« Sculpteur », dit-il ...
Pansements toute la nuit, souvent
en pleine obscurité, en « tâtant » les plaies. La
moindre lueur
de lampe électrique provoque une rafale de mitrailleuses.
Avec cela, nos mains sont sales, pleines de terre et de sang ;
où sont les lavages des plaies à l’eau bouillie et leur rasage
préconisé par les gens de l’arrière qui n’ont jamais entendu
siffler une balle ?...
Je rencontre dans l’obscurité un Poilu
d’un régiment voisin qui erre tout seul, en plein bled,
tombant à chaque pas et à bout de forces ; une balle lui a enlevé les deux yeux.