Le Transvaal
les boers
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Voortrekker Monument
Les traces du folklore ne s'effaceront certes pas toutes du jour au lendemain. Le Voortrekker Monument, par exemple. Erigé sur les hauteurs de Pretoria, immanquable depuis l'autoroute de Johannesburg, ce sarcophage de granit, construit en 1936, haut de 40 mètres et large d'autant, évoque davantage l'apartheid que l'épopée des pionniers. Les bas-reliefs, d'un néoclassicisme glaçant, sont édifiants : on y voit le «Voortrekker inconnu» repousser du fusil les sagaies des guerriers noirs acharnés à stopper la civilisation.

Les plaies cicatrisent d'autant moins facilement que le pouvoir blanc, selon l'inusable règle consistant à diviser pour mieux régner, a exacerbé les rivalités ethniques tout au long de l'apartheid. Les Blancs afrikaners, eux non plus, n'oublieront pas. Aujourd'hui encore, la mentalité du laager imprègne bien souvent le Transvaal rural, celui des petites villes tirées au cordeau et des fermes immenses : au centre, il y a toujours le Blanc. L'esprit du luger ? Il est fait de méfiance instinctive vis-à-vis de l'étranger, de rugosité atavique au changement, de mysticisme dévoyé. Radio-Pretoria, la station pirate des nostalgiques de l'apartheid, en est l'illustration poussée jusqu'à la caricature.
L'antenne se dresse en plein Veld, proche d'un bled surchauffé du nom de Donkerhoek, à l'est de Pretoria. Jeunes et vieux, des Afrikaners tels qu'on les rêve, cuisse épaisse et cuir tanné, gardent, revolver au poing, des studios retranchés derrière un entrelacs de barbelés et de miradors ! Mais le nouveau pouvoir veille, si bien que la «résistance» menée par Radio-Pretoria, la Voix des Afrikaners (Ons Eie Stem), consiste surtout à passer des airs folkloriques.

Au siècle dernier les Voortrekkers, ancêtres boers des Afrikaners, ont cru voir dans cette steppe jaunie par l'hiver austral leur paradis. Sans doute le dépit d'avoir dû abandonner aux «British» la riante colonie du Cap avait-il égaré leur jugement. Edéniques, vraiment, cette chaleur aveuglante, cette poussière étouffante dans laquelle s'enfonçaient jour après jour les fermiers hollandais, juchés sur leurs chars à bœufs ? Chariots qu'à la nuit tombée, ils disposaient en cercle, formant le laager, le camp retranché qui les protégerait des raids de tribus hostiles ou des bêtes sauvages. Des bêtes sauvages, surtout.
En cette première moitié du XIXe siècle, l'intérieur des terres est vide ou presque, dépeuplé par les guerres tribales africaines. Venus des collines du Natal, les Zoulous ont déferlé en vagues conquérantes. De la rivière Tugela aux monts Drakensberg, les fameux régiments du roi Shaka, les Impis, ont fait le vide devant eux. Et plongé le territoire de la future Afrique du Sud dans le chaos, les tribus décimées s'éparpillant en des migrations anarchiques. Voilà qui a facilité le Grand Trek des Boers vers leur Hinterland, entre 1834 et 1854. Mais chez les Noirs, cette période connue sous le nom de «difaqane» provoquera un traumatisme encore sensible.

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