Ainsi commencèrent entre la star et son metteur en scène les scènes de bataille en coulisse de Certains l'aiment chaud. Ce devait être une lutte à mort. Le public en entendit parler par les troupes du metteur en scène et par ceux qui avaient choisi le camp de Wilder, mais jamais par Marilyn. Elle était trop discrète. La véritable histoire du combat de Marilyn pour son personnage resta inconnue de tous.

Ce que Marilyn craignait tant était en train de se produire : Wilder forçait le trait. Il caricaturait Sugar. Mais Marilyn était déterminée : elle ne serait pas la petite poule à la Betty Boop qui joue les faire-valoir dans une histoire de travestis. Blonde, d'accord, idiote, d'accord. Mais pas une caricature : un portrait. Sugar existerait en trois dimensions, elle aurait un coeur, une âme, et quand elle serait drôle ce ne serait jamais sans raison, sans motivation.
La caméra se remit à tourner, le flacon tomba une nouvelle fois à ses pieds, et elle réagit avec un air chagrin et un petit rire embarrassé.
« Coupez ! Tu n'y es toujours pas, ma chérie. La bouteille tombe. Sue voit que c'est de l'alcool. Et tu prends peur. Tu as peur de ce qui risque de t'arriver. C'est une réaction très simple, ma chérie. »
Et Wilder de jouer la scène comme il voulait qu'elle la joue. Marilyn se mit à trembler et, sortant du wagon, se dirigea vers Paula Strasberg qui attendait dans l'ombre. C'était l'un de ces moments où chacun, sur le plateau, s'active à ne rien faire pour ne rien voir de ce qui est en train de se passer. Marilyn et Paula s'éloignèrent dans un coin du studio pour discuter à voix basse pendant vingt bonnes minutes tandis que Wilder, la script et Sam Nelson, l'assistant-réalisateur, échangeaient des regards inquiets.

Les problèmes commencèrent quelques jours plus tard dans le wagon-lit qui fonce vers la Floride tandis que les filles répètent Runnin' Wild avec Josephine (Tony Curtis) au saxo et Daphne (Jack Lemmon) à la basse. Au moment où Sugar achève sa chanson, un flacon de whisky caché sous sa ceinture tombe à ses pieds, face à la chef d'orchestre qui a strictement interdit la consommation d'alcool. Wilder voulait que Marilyn ait l'air terrorisé d'être ainsi prise en faute. Après plusieurs prises, il lui dit : « Marilyn, ma chérie, tu n'es pas assez surprise et affolée. »
On recommença et Marilyn prit l'air un peu plus surpris. « Coupez ! » lança Wilder, sans attendre la fin de la scène. « Essayons encore, ma chérie. Je veux que tu aies l'air très surpris, cette fois. Tu es inquiète, et Daphne (Jack Lemmon] vole à ton secours et se fait engueuler à ta place. C'est ça, le gag. Allons-y, encore une fois ! »