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Un climat de crise et d'émeutes

Emeutes du faubourg
Saint-Antoine
à Paris en avril 1789

Pâques sanglantes !

Début1789, Le royaume est confronté durement à ce mal chronique de l'Ancien régime: les émeutes de la faim.
Mais, en avril 1789, les autorités sont dépassées par l'intensité de la violence populaire.
Un peu partout le peuple se lance à l'assaut des greniers à blé, des abbayes et des négociants soupçonnés d'accaparer les grains.
C'est dans ce climat de panique autour des subsistances qu'éclate à Paris l'affaire Réveillon et qu'en Provence on réprime les révoltés du mois dernier.
Avec le pain, les émeutiers revendiquent un ordre nouveau. La violence, désormais, parle politique.

La France en feu, pouvait-on espérer que Paris échappât à la fièvre ?

crise en 1789
Les élections aux Etats généraux se déroulèrent, en mars et avril 1789, dans un climat de crise et d'émeutes qui mit en grand danger la paix sociale. L'exaltation provoquée par une consultation générale ne fut pas étrangère à la vague d'émotions qui agita toutes les provinces, mais la raison principale était ailleurs : les élections coïncidèrent avec une crise économique et frumentaire qui accentua la pauvreté des humbles, multiplia les chômeurs et les mendiants, fit gronder la colère et favorisa la révolte, qui prit, parfois, des formes ressemblant fort à une révolution sociale.
La hausse du prix du blé, due à une très mauvaise récolte, au printemps de 1789 (il atteignit des records en avril et mai, son niveau le plus élevé se situant dans la première quinzaine de juillet), provoqua des soulèvements populaires dans toute la France. La colère se nourrissait des espérances qu'avaient fait naître la convocation des Etats généraux, la promesse que les abus seraient supprimés, que les impôts baisseraient. Pourtant, le pain manquait, et des rumeurs se répandaient : on accusait des accapareurs, les fermiers des droits, les municipalités d'être responsables de la pénurie et de la cherté.
Les grands propriétaires furent menacés, les convois bloqués, les maisons des fermiers des droits et les greniers à blé pillés. Le sang coula même, parfois, et la révolte prit des allures de guerre sociale; pauvres contre riches. Face à ce soulèvement général, le gouvernement n'avait pas les moyens de rétablir l'ordre. Les troupes, insuffisantes, ne pouvaient pas être présentes partout et, divisées en microscopiques détachements, étaient inefficaces ; d'ailleurs, les officiers mécontents, les sous-officiers aigris par le blocage de leur carrière, les soldats solidaires du peuple affamé se montraient réticents, et l'on ne pouvait compter sur leur zèle.
La France en feu, pouvait-on espérer que Paris échappât à la fièvre ?

La proposition maladroite de Réveillon

paris en 1789
Depuis le début de la crise, la capitale s'était enrichie d'une multitude de chômeurs et de vagabonds, chassés de leur province par la faim. Ils étaient venus, s'illusionnant sur la possibilité de trouver du travail, grossir les faubourgs déjà grouillant d'une population misérable et grondante qui devait faire de Paris une poudrière.
Ici, à la misère s'ajoutaient d'autres sujets de mécontentement. Le règlement présidant aux élections écartait des urnes tous les Parisiens pauvres, qui furent également exclus de la représentation. Le peuple des déshérités semblait voué à l'oubli, et l'amerturne grandit dans les faubourgs et les districts ouvriers. Or, en juin, le prix du blé approchait son record historique.
Le faubourg Saint-Antoine, avec ses 40 000 ouvriers grossis d'une population d'immigrés misérables, était au bord de l'explosion. La nervosité était telle qu'il suffisait d'une rumeur ou d'une provocation pour déclencher un soulèvement.
Une imprudence alluma l'étincelle. Le 23 avril, un manufacturier du faubourg, Réveillon, patron généreux, qui avait montré l'hiver précédent ses préoccupations sociales en instituant pour ses ouvriers une allocation de chômage, fit une proposition maladroite, malgré la pureté de ses intentions. Son plan ne péchait que par sa naïveté car, dans l'atmosphère tendue qui alourdissait le faubourg, il passa pour une provocation. Son objectif était de faire baisser les prix pour restaurer le pouvoir d'achat de l'ouvrier, ce qu'il espérait obtenir en supprimant les taxes, en réduisant les salaires et en vendant moins cher les produits. Les salariés ne retinrent de ce dispositif que le point le plus sensible : Réveillon voulait réduire l'ouvrier à 15 sous (le salaire d'un manoeuvre était alors de 20 sous), et acculer le peuple à la famine. Aussitôt, la colère gronda, mais le faubourg resta calme.

L'horreur succéda au désordre

emeutes au faubourg st antoine
Le 28 au matin, des attroupements se formèrent dans le faubourg Saint-Antoine. Des ouvriers tanneurs venus de Saint-Marceau, et qui, en traversant la Seine, avaient débauché les ouvriers des quais, les clochards qu'abritaient les ponts et les salariés de la manufacture des Glaces de Reuilly, arrivèrent en renfort. Bientôt, le faubourg grouilla d'une multitude excitée, arrivée des quartiers proches de Saint-Paul et de Saint-Gervais, de Saint-Marceau, des quais, qui s'ajouta aux habitants de Saint-Antoine, mêlant ouvriers, chômeurs et délinquants attirés par l'odeur des rixes et du pillage.
La maison de Réveillon était le point de mire de cette population en colère, dont les éléments les plus déterminés rêvaient de brutalité. Cette maison, un bel hôtel qui avait appartenu à un riche financier, était située au carrefour de la rue de Montreuil et du faubourg Saint-Antoine et abritait la manufacture au rez-de-chaussée, Réveillon se réservant l'étage et les jardins. inquiet, le lieutenant de police dépêcha 350 gardes-françaises, qui ne purent empêcher les mutins de pénétrer dans la rue de Montreuil. Repliés devant la manufacture, les soldats la mirent en état de défense, la fortifièrent avec des instruments de fortune, échafaudages, chariots et poutres.
Mais il y avait, ce jour-là, courses à Vincennes, et les carrosses des amateurs, qui avaient traversé le faubourg pour s'y rendre, empruntèrent le même chemin au retour. La duchesse d'Orléans commit l'imprudence de passer par la rue de Montreuil. Son mari était si populaire, elle était elle-même un personnage si important que les gardes-françaises, intimidés, lui ouvrirent aussitôt un passage dans leur barricade.
Les manifestants s'engouffrèrent à sa suite dans cette brèche, et le dispositif militaire fut anéanti. Réveillon et sa famille n'eurent que le temps de s'enfuir en toute hâte par les jardins, et la maison, envahie, tut pillée. Les meubles furent brûlés, les glaces et les statues brisées. Le pillage dura deux heures et, lorsque les forces de l'ordre, tardivement dépêchées par le lieutenant de police, arrivèrent sur les lieux, l'horreur succéda au désordre.
Les pilleurs avaient pénétré dans les maisons voisines, étaient montés sur les toits et, de là, assaillirent les soldats, précipitèrent sur eux des cheminées et des gouttières, jetant des pierres et des tuiles. Il y eut 12 morts et 80 blessés parmi les forces de l'ordre et plusieurs centaines parmi les émeutiers. Avant même que la révolution fût commencée et que les Etats généraux se fussent réunis, les grandes journées meurtrières qui allaient marquer les années suivantes venaient d'être inaugurées.

Le cri Mort aux riches dominait la rumeur

paris en 1789
Cependant, l'excitation montait et l'indignation gagnait de place en place. C'est non pas à Saint-Antoine, mais au faubourg Saint-Marceau que, dans la nuit du 26 au 27, les premiers attroupements se formèrent. Ils grossirent dans la matinée, et, en début d'après-midi, un cortège de manifestants prit la direction de la Seine, en scandant des slogans funestes. Le cri Mort aux riches dominait la rumeur. En tête de la manifestation, deux hommes hardis brandissaient des mannequins : Réveillon et Henriot, un salpêtriez à qui l'on attribuait les mêmes propos qu'au malheureux manufacturier apparaissaient désormais comme les ennemis du peuple. Arrivés en place de Grève, les émeutiers brûlèrent les effigies devant l'Hôtel de Ville, puis s'ébranlèrent en direction du faubourg Saint-Antoine. En chemin, le ton enfla, les esprits s'échauffèrent, la violence grossit. La maison d'Henriot fut pillée, cependant que le malheureux parvenait à s'enfuir. Ce fut alors seulement que le lieutenant de police commença à s'inquiéter et mobilisa le guet et un bataillon de gardes françaises. Mais le soir ramena le calme et l'on crut l'incendie éteint. Le lendemain devait démentir cet excès d'optimisme.
bas
L'émeute, dite Réveillon n'a pas laissé grande trace, dans notre mémoire historique.
Sait-on par exemple qu'elle est la journée la plus meurtrière de 1789 ( certainement plus de 300), et qu'il faudra attendre le 10 août 1792 pour que Paris revive un épisode aussi sanglant. C'est que l'émeute Réveillon, pour être dramatique, n'en est pas moins un événement lourd d'ambiguïtés où personne ne tient le bon rôle ; à commencer par Réveillon lui-même, patron philanthrope, fort soucieux du bien-être de ses ouvriers, et qui méritait moins que personne d'être la cible de la violence populaire. Les gardes-françaises, ensuite, ces futurs héros de juillet, qui, ce jour-là, mitraillent sans rete nue les artisans du faubourg Saint-Antoine.
Le peuple enfin, qui, sur fond de crise des subsis tances, intervient au beau milieu des élections de Paris.