Invasion de la zone libre ...
rideau
Le 11 novembre 1942, à l'aube, les chars allemands franchissent la ligne de démarcation et se ruent vers le sud. Ils pénètrent dans les villes, occupent les points stratégiques, désarment les garnisons de l'armée d'armistice. Les habitants de Montluçon, de Clermont-Ferrand, de Saint­Etienne, à l'heure du petit déjeuner, regardent progresser dans le jour sale les colonnes motorisées de la Wehrmacht et des Waffen SS. Ils voient les feldgendarms avec leur plaque métallique sous le menton, régler la circulation en agitant leur bâton à disque.
Tous les villages, toutes les villes de France (sauf Toulon), auxquels l'armistice avait évité le spectacle humiliant de la force allemande, sont désormais dans la guerre. Celle-ci n'aura plus seulement comme visage le ravitaillement difficile, l'absence du fils ou du mari, et, çà et là, les bombardements. Les carrefours vont se couvrir de poteaux indicateurs aux lettres gothiques, le drapeau à croix gammée va flotter sur certains édifices, les uniformes verts vont déambuler dans le Midi qui depuis douze siècles n'a pas vu d'envahisseur germain.
Du haut de leurs tourelles, les guerriers blonds voient des Français pleurer et détourner la tête. Ils en voient qui les regardent simplement, en silence, craintifs et curieux, admiratifs parfois. Les enfants, eux, trouvent cela bien distrayant.
L'armée (l'armistice a vécu. Le général Bridoux, ministre de la Guerre, a intimé l'ordre aux unités de rester dans leurs garnisons. Seul, le général de Lattre commandant sa division de Montpellier a refusé d'obéir. Il tente avec quelques hommes de prendre le maquis. L'expédi­tion échoue piteusement. Il est immédia­tement arrêté et envoyé à la prison militaire de Toulouse.
11 novembre 1942
A 5 h 30, Rochat, secrétaire général aux Affaires étrangères, avait reçu la lettre de Hitler au Maréchal annonçant l'entrée des troupes allemandes en zone sud. Le débarquement allié en A.F.N. et l'armistice qui y a été signé rendent caduque la convention d'armistice. Ce n'est pas sa faute à lui, Hitler. Il est bien obligé de se prémunir contre les prochains objectifs de l'invasion anglo-américaine qui sont la Corse et le Midi de la France. A l'entendre, le grand coupable est Giraud. Et s'il est obligé d'agir ainsi, ce n'est pas contre le Maréchal. D'ailleurs, vous pourrez, monsieur le Maréchal, vous et votre gouvernement, vous déplacer désormais librement... dans toute la France.

A 10 h 30, le maréchal von Rundstedt, commandant en chef des armées allemandes de l'ouest, arrive en grand uniforme à l'hôtel du Parc. Il est grand, mince, il a de la gueule. C'est un militaire de la vieille école. Mais il est si discipliné et Hitler a eu tant de fois raison contre lui, qu'il ravale ses sentiments à l'égard du caporal autrichien.
Au maréchal Pétain qui le reçoit revêtu de son uniforme bleu horizon de Verdun, il annonce l'invasion de la zone libre.
la zone libre
Le chef de l'Etat lit aussitôt une protestation : J'ai reçu cette nuit une lettre du Führer m'annonçant qu'en raison (les nécessités militaires il était dans l'obligation de prendre des mesures qui ont pour effet de supprimer, en fait, les données premières et les fondements de l'armistice. Je proteste solennellement contre ces décisions incompatibles avec les conventions d'armistice.
Ce texte a été rédigé entre 6 h 30 et 9 h 50, au terme d'une réunion orageuse dans le bureau du Maréchal où se trouvaient, outre ce dernier, Weygand et Auphan, Menetrel, Rochat, Platon. Alors que celui-ci déclarait qu'il valait mieux ne pas se presser de protester, Weygand exaspéré lui avait lancé au visage :
Amiral, c'est effroyable, vous êtes la honte de la France.
Rundstedt a écouté d'un air ennuyé. Il empoche sans mot dire le texte que lui tend le Maréchal. Il ne s'oppose pas à sa diffusion par radio.
invasion de la zone libre en 1942
La protestation est retransmise plusieurs fois dans la matinée. A midi, elle est assortie d'une nouvelle déclaration de Pétain :
Français, je croyais avoir vécu les jours les plus sombres de mon existence. La situation d'aujourd'hui me rappelle les mauvais souvenirs de 1940... Je salue avec douleur les militaires... et tous ceux qui tombent pour l'honneur de l'Empire et la sauvegarde de la patrie... Français de la Métropole et de l'Empire, faites confiance à votre Maréchal qui ne pense qu'à la France.
Au début de l'après-midi, les Allemands occupent les postes d'émission et interdisent la diffusion des protestations.
Pétain n'a plus qu'une fiction de souveraineté.
Dans Vichy, Allemands et italiens s'installent. La Gestapo sous l'autorité de Geissler dresse ses premières listes de suspects, prépare des arrestations.
Dès le 12, Vichy reçoit une gifle qui en dit long sur l'indépendance qui lui reste : le général Oberg téléphone à Bousquet l'ordre de Himmler de faire arreter Weygand ( à gauche ) par la police française. Bousquet refuse sèchement. On décide de mettre l'ancien généralissime à l'abri à la préfecture de Guéret. Il s'y rend avec une petite escorte de protection donnée par Laval. Au crépuscule, entre Vichy et Guéret, en pleine campagne, une Mercedes bloque la route. Une deuxième voiture arrive par derrière. Des SS portant grenades et mitraillettes et des policiers en civil surgissent, s'emparent de Weygand tout en lui notifiant son arrestation par ordre du Führer. L'ancien commandant en chef se retrouvera dès le lendemain, prisonnier en Allemagne.
Les protestations de Pétain et de Laval seront de nul effet. Le chef de l'Etat, ulcéré, songera un moment à se retirer, mais ce ne sera qu'une velléité.
anecdote
accueil
Accueil
Gouvernement de Vichy