A Chaussin, la route est barrée par une perche à foin allongée sur deux tréteaux en travers de la chaussée.
Derrière, il y avait une sentinelle, avec une guérite qui nous dit : « Passe plus ! Fini, maintenant ! » Je lui demande pourquoi, et elle répète : « Passe plus ! Passeport ! » Un passeport pour rentrer chez nous, en France, vous vous rendez compte ? C'était le soir, on a attendu jusqu'au lendemain matin, et là je me paie de culot: « Le commandant m a dit que je pouvais passer, que c'était libre. » La sentinelle n'a pas cherché à comprendre comment j'avais pu voir son commandant, qui était de l'autre côté, et m'a dit : «Oui, oui !» Elle a levé sa perche à foin, et nous sommes passés.
Ça, c'était dans les tout premiers jours, mais ça n'a pas duré. La ligne a été solidement établie, et plus rien à faire pour passer en zone libre. Je me rappelle un dimanche, où des jeunes filles qui voulaient aller à Lons se sont fait refouler. Pas contentes, elles traitent la sentinelle de « cocu ». L'Allemand ne savait pas ce que ça voulait dire, mais il y avait le ton, vous comprenez ? et le rire des filles... Bref, le voilà à demander: « Kokii ? Was ? Was ? » Pour ne pas le laisser en peine, je lui ai expliqué, ce qui m'a valu un coup de pied au derrière...