L'attente pour avoir un ausweis ...
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l'ausweis
Au début de l'occupation, les bureaux allemands avaient été submergés par un torrent de certificats médicaux, le plus souvent de complaisance. Toutes les Françaises avaient besoin de cures thermales, à Châtelguyon, à Royat, au Mont-Dore, à Cauterets. Toutes ces malades jugeaient la présence de leur fille indispensable et le médecin garantissait qu'une infirmière leur était nécessaire. Mensonges vite éventés. Au bas de presque chaque demande médicale, les Allemands se contentent de mettre cette formule qui ne laisse aucun espoir :
« Je vous prie d'aviser le demandeur qu'un laissez-passer ne peul lui étre délivré... nicht ausgeslelli werden kaon. »
Il faut donc aller plus loin dans le malheur ou dans le mensonge et se procurer ces télégrammes qui emporteront la décision allemande : maladie grave d'un conjoint ou de parents, inhumation, accouchement aux suites délicates, naissances prématurées, tout cela vrai ou faux (souvent faux), mais certifié conforme par la mairie du lieu d'expédition.
laissez-passer pour la ligne de demarcation
A Paris, il est nécessaire ensuite de se lever matin pour prendre le premier métro : celui des pêcheurs à la ligne. Mais ce n'est pas assez. Arrive-t-on rue du Colisée, où sont installés les services allemands, c'est pour se trouver en concurrence, dès 5 h 40 (le couvre-feu prend fin à 5 heures du matin), avec trois cents personnes installées là sur des pliants avec tricots, livres et mines de circonstance.
- Trois cents personnes bien décidées à exhiber frénétiquement leurs malades et leurs morts, à se frayer passage à coups de moribonds et de cadavres jusqu'à ces bureaux où des officiers ennuyés et polis examinent la qualité des péritonites et soupèsent la valeur des crises cardiaques.
Les trois cents deviennent cinq cents. Mais les Allemands n'accordent leur attention qu'à cinquante cas par matinée. Il faut revenir. Si l'on habite le quartier, ou si l'on se résigne à passer la nuit dans quelque couloir, on a chance d'obtenir satisfaction... sans être assuré d'arriver à temps pour l'enterrement.
A Tournus, où se trouve le bureau des laissez-passer urgents, c'est un rassemblement pitoyable de gens douloureux, émus, inquiets mais prêts à se battre pour atteindre plus vite la zone libre, qui commence quelques centaines de mètres plus loin.
Pour les personnages officiels : préfets, ministres de Vichy, l'ausweis n'est pas un droit : tout juste une grâce accordée à qui le mérite. Nommé ministre de l'Éducation nationale, Carcopino songe à rejoindre son poste à Vichy. Les Allemands lui font attendre dix-sept jours l'autorisation nécessaire. Xavier Vallat est-il, avec l'accord allemand, promu commissaire aux questions juives, on lui refuse ce laissez-passer permanent que l'amiral Darlan reste longtemps le seul ministre à posséder.
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La ligne de démarcation