Les portes des camps à peine refermées, tous ces représentants d'une armée vaincue se trouvent soudain face à face avec la sanction : immatriculation, coupe des cheveux, fouilles, couchettes de bois avec paillasse de copeaux, murs hauts et nus. C'est la vie en pénitencier avec avenir inconnu : la durée de la peine n'a pas été fixée.
Tous ces militaires n'étaient déjà plus des soldats depuis le jour où ils avaient dû rendre leurs armes, mais, à leur arrivée dans les camps permanents d'Allemagne, ils s'aperçoivent qu'ils ne sont guère plus que des esclaves.

Au stalag XII C, des affichettes blanches sont placardées sur les murs : Il est absolument interdit aux prisonniers de guerre, y compris le personnel sanitaire et les prêtres, de s'approcher sans autorisation des femmes et des jeunes filles allemandes, ou d'entrer en relation intime avec elles. Toute contravention à cet ordre sera considérée comme un acte de désobéissance et punie de prison jusqu'à dix ans et selon la gravité du cas, même de la peine de mort.

A Kreusburg, en Silésie, l'interprète allemand a eu des textes analogues à mettre en français, mais son dictionnaire lui a joué de mauvais tours, et 800 officiers lisent avec étonnement l'ordre du commandant de l'oflag VIII A : le coït sera puni de la peine de mort !
Plus loin, dans les consignes pour la vie quotidienne, le même interprète prévient curieusement ses hôtes que :
Il est interdit de se coucher en grume sur les lits !
Nous voilà donc parfaits soliveaux : il n'y a plus que notre écorce de vieux chênes à enlever avant de nous poser sur les couchettes. L'histoire des prisonniers « en grume » obtient un joli succès. C'est inouï ce que cela soulage d'avoir d'aussi bonnes occasions de se f... de la tête de ses gardiens.
Et il faut honnêtement reconnaître qu'ils vont plus d'une fois nous gratifier de réactions bouffonnes. L'encadrement des camps de prisonniers n'a pas dû être prélevé, admettons-le , sur les plus malins et les plus beaux éléments de la Wehrmacht.