Les doryphores ...
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Ces manifestations bruyantes, et, à l'époque peu efficaces, de la présence des occupants marquent moins les esprits, le coeur, l'imagination que la cohabitation, au sens le plus large et le plus strict du terme, des civils français et des soldats allemands.
Elle a pris un aspect banal, quotidien, auquel les Français qui n'appartiennent ni à la Résistance ni à la collaboration réagiront de façon contradictoire et paradoxale. Pour la masse non engagée de la population, qui s'est attendue à voir les envahisseurs repartir aussi vite qu'ils sont venus, la prolongation de leur séjour change l'attitude de curiosité presque indulgente du début en impatience, agacement, puis, finalement, en hostilité.
La pénurie, les difficultés, leur sont mises à charge. Au « ils ont tout » admiratif et envieux qu'a suscité le déploiement de leur équipement et de leur matériel, succède « ils nous prennent tout ».
les envahisseurs allemands à Paris
les doryphores à Paris de 1940 à 1944
Dans les campagnes, leur appétit pour les pommes de terre et la couleur de leur tenue les font surnommer les doryphores. Indication sémantique sur les sentiments des Français à l'égard de leurs commensaux indésirés. Le Boche péjoratif de 14-18 ne se retrouve guère que dans la bouche des anciens — le maréchal par exemple.
Les autres se servent de termes ironiques, quasi amicaux: Frisé, par antinomie, Fritz ou Fridolin. Mais qu'il est pénible de rencontrer, dans les rues écartées de Paris, ou dans celles d'une petite ville, des soldats allemands déambulant, seuls ou à deux, aux heures de sortie, du même air ennuyé qu'ont tous les soldats du monde en balade — comme chez eux —, ou attablés dans un café ; échangeant des plaisanteries avec les habitués — dont ils sont.
officiers allemands à Paris
A Paris, les militaires de passage se comportent en touristes, prennent des photos, dévalisent les boutiques de cadeaux. Il faut avoir le courage d'aborder ici un sujet délicat. Les crânes tondus de la Libération en portent témoignage, Hiroshima mon amour nous le rappelle. Des Françaises, qui ne sont pas des professionnelles, ont des liaisons avec des Allemands comme nombre de prisonniers français ou d'hommes du S.T.O. en ont avec des Allemandes dont les maris sont devant Moscou ou avec Rommel.
Ce qui se passe au niveau du café ou de la ferme se retrouve dans les « salons ». Idéologie, opportunisme, affairisme, snobisme dévoyé : des « gens du monde » fréquentent des officiers allemands. Le plus souvent, ceux-ci se mettent en civil pour faire oublier leur qualité de vainqueurs. C'est sans doute ce tact qui enthousiasme un jour une femme du monde qui s'exclame, en s'adressant à des Allemands : Nos amis les ennemis ?
Ce sont là malgré tout des exceptions rarissimes; l'immense majorité des Français vit parallèlement à ces hôtes indésirés.
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