Deux enfants illégitimes qui se marient et partent à la conquête du pouvoir en avouant franchement qu'il s'agit de prendre une revanche personnelle sur une société hostile, tel est le destin hors série d'Evita et de Juan Peron qui ont défrayé la chronique politique nationale 'et internationale il y a plus de trente ans.
En 1952, Evita Peron meurt des suites d'un cancer du col de l'utérus tandis que son mari, devant la menace d'une rébellion, part en exil en Espagne. Dix-sept ans plus tard, Peron, âgé de quatre-vingts ans et atteint d'une maladie des coronaires, ces artères nourricières du coeur, voudra revivre son rêve d'autrefois avec une nouvelle Evita, Isabel, qu'il fait nommer vice-présidente à temps pour qu'elle puisse lui succéder à sa mort due à un infarctus du myocarde. L'Argentine ne devait pas se remettre de ce nouveau règne de Peron et ce fut le début de la descente dans l'enfer de la dictature militaire
Humiliations et frustations
La rencontre d'Evita et de Juan Peron devient historique dans le cadre de l'Argentine ; c'est un coup du destin passionnant pour l'historien, peut-être moins pour l'économie de l'Argentine ! Evita va s'initier progressivement à la politique que lui inspire son amant puis mari âgé de près de vingt-cinq ans de plus qu'elle, et fera une campagne acharnée, utilisant tous les moyens de l'ancienne comédienne et de l'ancienne speakerine pour soutenir la candidature du général Peron qui sera brillamment élu le 4 juin 1946. Pendant cinq ans, Eva, femme du président de la République d'Argentine, va faire parler d'elle bien au-delà de ce que le public attend d'une femme de président. Elle va prendre sa revanche contre la société dont l'establishment continue de ne pas la reconnaître.
Hypomaniaque, sans cesse en mouvement, dépressive
lorsqu'elle ne s'agite pas, jouant la comédie et se jouant la comédie, jouissant de la revanche qu'elle prend à
l'âge de vingt-sept ans sur ses années d'enfance, faisant
payer cher à l'establishment ses frustrations et ses humiliations, Evita ne connaît plus de limites.
Elle est
totalement désinhibée, d'autant plus facilement qu'elle est comédienne, et qu'au théâtre tout est possible, même l'impossible. Socialement très motivée, Evita fait certainement un travail important pour les travailleurs, les sans-chemises, dans un élan paternaliste et maternaliste, qui peut faire oublier aux prolétaires argentins les tendances fascistes de son époux présidentiel.
En 1947, Evita Peron fait une tournée présidentielle triomphale en Europe où, à nouveau, les humiliations et les frustrations ne lui sont pas épargnées par l'establishment, mais elle prend une revanche éclatante en dévalisant les couturiers et les bijoutiers parisiens dans une attitude régressive et infantile tout à fait compréhensible dans sa philosophie « revancharde ».
Juan Perron
Peron ne fut plus le même, montrant par là combien sa femme avait joué un rôle dans sa popularité et dans sa motivation pour le pouvoir. Agé de cinquante-sept ans, Peron, certes, reste un homme actif, mais comme il n'est pas un homme sérieusement organisé sur le plan intellectuel et qu'il est victime de ses sautes d'humeur et de son caractère fantaisiste difficile à contrôler, il applique dès lors une politique du coup par coup ; il réussit surtout à se faire des ennemis dans tous les milieux, religieux, militaire, parlementaire et devant une rébellion qui s'annonce, Peron part en exil, d'abord en Amérique du Sud, puis en Espagne où il restera dix-sept ans avant de reprendre le pouvoir, dans des circonstances pénibles. Il est malade, souffrant de coronarite, il a près de quatre-vingts ans et lorsqu'il mourra en 1974, il voudra revivre son rêve de jadis avec une nouvelle Evita, Isabel (orpheline de père), qu'il fait nommer vice-présidente à temps pour qu'elle puisse lui succéder à sa mort, due à un infarctus du myocarde.
On ne répète pas l'histoire et Isabel Peron n'est pas
Evita Peron. Elle gouverne mal l'Argentine, se fait conseiller par son ami, le ministre des Affaires sociales, Lopez Rega, un homme tourné vers les sciences occultes et qui s'inspire de l'horoscope et des études parapsychologiques. Isabel Peron perdra graduellement ses pouvoirs au profit de l'armée qui fait son coup d'Etat le 24 mars 1976.
Ainsi se termina dans la maladie cancéreuse la carrière d'Evita et dans la maladie artérioscléreuse le vieillissant Juan Peron qui rendit certainement un mauvais service à son pays en reprenant le pouvoir à l'âge de soixante-dix-sept ans. Les médecins qui l'examinèrent à son retour d'Espagne et le déclarèrent « bon pour le
service » n'ont pas joué leur rôle.