Adolf Galland
Général à 30 ans

Les as

En 1942, au plus dur de la guerre aérienne sur tous les fronts, un jeune colonel qui n'avait même pas trente ans fut nommé inspecteur de toute l'aviation de chasse du Reich. Cette promotion récompensait le plus prestigieux des pilotes de la Luftwaffe, Adolf Galland, dont le seul rival possible, son ami Mölders, venait de tomber « en plein ciel de gloire ».
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De la guerre d'Espagne à la campagne de France

Au printemps de 1935, Galland fut affecté à la célèbre escadre Richthofen, enfin reconstituée. Un 1er groupe était cantonné à Dôberitz et le 2e s'installa à Jüterbog. L'entraînement commença sur des appareils modernes, les Heinkel 51. Toujours épris d'acrobatie, Galland s'écrasa au sol au cours d'une exhibition et se retrouva à l'hôpital avec plusieurs fractures du crâne. Il l'écrira lui-même avec humour : « Au bout de trois mois, on m'avait refait un visage, seulement ce n'était plus le mien. »
A peine rétabli, le lieutenant Galland reprit les commandes d'un appareil. Et ce fut le second accident : commotion cérébrale et une bonne dizaine de coupures dans son nouveau visage. A l'hôpital, on retrouva son dossier et on découvrit qu'il était interdit de vol depuis son précédent séjour, ayant perdu la vision de l'oeil gauche. Mais le pilote apprit par coeur le tableau mural d'examen de la vue et prouva à l'oculiste stupéfait que tout allait désormais pour le mieux... Quant à son visage, il faudrait bien que l'on s'y habitue.
D'autres aventures l'attendaient. Transformés en « touristes », de nombreux aviateurs allemands gagnaient l'Espagne franquiste. Sous le commandement du général Sperrle, la Legion Condor aidait Franco à triompher de ses adversaires et formait surtout un véritable banc d'essai pour une prochaine guerre mondiale.
Galland, nommé « capitan » de l'armée rebelle, fut affecté au groupe de chasse, à Vittoria, et il ne tarda pas à commander la 3e escadrille, qui fut engagée contre les « Curtis » américains et les « Ratas » soviétiques de l'aviation républicaine. La Seconde Guerre Mondiale commençait ainsi au-dessus de la terre espagnole. Tandis que leurs camarades des autres escadrilles pilotaient des Messerschmitt 109, excellents pour la chasse, les pilotes de Galland durent se contenter de Heinkel 51 et jouèrent surtout le rôle d'aviation d'assaut, en soutien des attaques de l'infanterie nationaliste.
Les aviateurs allemands de la 3e escadrille se battirent à Santander et à Teruel. Arriva l'hiver de 37-38 et Galland marqua la nuit du Nouvel An par une course en auto à travers la montagne qui se termina dans un ravin. Pour la troisième fois, il fallut lui recoudre le visage... Il décolla pourtant à l'aube, la face couverte d'agrafes, pour attaquer une concentration de chars républicains.
Le général Franco avait déjà fait son entrée à Madrid quand le « capitan » Adolf Galland retourna en Allemagne, après avoir accompli plus de trois cents missions aériennes. Le lieutenant Werner Mölders lui succédait. Pour la première fois, les routes de deux pilotes prestigieux se croisaient.
Après avoir assisté à la gigantesque parade qui marqua le retour au pays de ses camarades de la Legion Condor, défilant à Berlin sous un vrai soleil espagnol, le lieutenant Galland affecté à l'aviation d'assaut s'envola avant l'aube du 1er septembre, à la tête de deux escadrilles d'avions d'assaut. Objectif : la Pologne. Cette guerre-éclair montra d'une manière éclatante que la collaboration étroite de l'armée de Terre et de l'armée de l'Air pouvait assurer en quelques jours une victoire foudroyante. L'expérience espagnole jouait à plein.
Nommé capitaine et décoré de la Croix de Fer, Adolf Galland retourna alors, cette fois définitivement, à l'aviation de chasse et fut affecté à la 27e escadre à Crefeld. Le 13 mai 1940, trois jours après l'offensive allemande à l'Ouest, il descendait son premier adversaire. Et cette victoire fut rapidement suivie de deux autres. Une carrière prestigieuse commençait.
Avec un de ses coéquipiers, Galland s'était attaqué à une formation belge de huit Hurricane à l'ouest de Liège. Les appareils allemands surclassaient tellement leurs adversaires que les vainqueurs durent avouer qu'ils n'étaient même pas fiers d'avoir triomphé aussi facilement. Ils avaient eu de la chance et, surtout, de bons avions.

Six mille avions dans le ciel d'Angleterre

Galland et Hitler
A sa septième victoire, Galland reçut la croix de Fer de lie classe. Il n'avait combattu jusqu'ici que des Hurricane, des Morane, des Bloch ou des Potez. Au-dessus de Dunkerque, il rencontra pour la première fois des Spitfires de la RAF. Dure surprise.
L'armistice avec la France survint après sa treizième victoire. Mais la guerre n'était pas finie. Elle commençait.
Vers la mi juillet 1940, l'escadrille que commande Adolf Galland, dès lors promu major, s'installa sur les terrains du Pas-de-Calais. Le maréchal Kesselring lui remettait la croix de chevalier quand deux Spitfires surgirent brusquement, comme pour participer à leur manière à la cérémonie.
La bataille d'Angleterre commençait.
Du 24 juillet au 8 août 1940, ce fut la deuxième phase d'une bataille acharnée au-dessus du territoire britannique. Dès son premier combat contre un « Spit », Galland avait compris qu'il venait de rencontrer un redoutable adversaire.
« Chasse libre au-dessus du sud-est de l'Angleterre », tel était le seul ordre que recevaient les pilotes de la Luftwaffe pour leurs deux ou trois sorties quotidiennes. Leur autonomie de vol ne leur laissait guère qu'une vingtaine de minutes pour se battre. En des duels acharnés, s'affrontèrent alors les meilleurs aviateurs du monde.
Les escadrilles des deux camps surgissaient en formations espacées et étagées, selon une tactique imaginée d'abord par les Allemands en Espagne. Les Britanniques bénéficiaient du « radar » tandis que leurs adversaires devaient compter sur leur vue et sur leur instinct de chasseur.
Le combat se déroulant au-dessus du territoire anglais, les appareils de la RAF endommagés parvenaient à gagner leur base et les pilotes qui sautaient en parachute regagnaient rapidement leur escadrille. Leurs adversaires, eux, n'avaient d'autre espoir, à l'issue d'un combat malheureux, que la mort ou la capture.
Les meilleurs pilotes de la Luftwaffe disparaissaient ainsi l'un après l'autre et le moral baissait parmi leurs camarades.
Nous pouvions compter nos chances de survie sur les dix doigts, explique Galland. Élémentaire et implacable, le calcul des probabilités permettait à chacun de prévoir la date à laquelle il serait à son tour porté disparu au-dessus de la Grande-Bretagne.
Galland et son camarade Mölders furent un jour convoqués chez Gdring, pour recevoir une nouvelle décoration. Le maréchal du Reich leur demanda :
Quels sont vos voeux?
— Je voudrais que mon escadrille soit équipée de Spitfires, répondit Galland.

Goering fut si stupéfait de cette insolence qu'il ne trouva même pas la force de réagir et prit rapidement congé des deux pilotes qui regagnèrent le Pas-de-Calais aussitôt.
La troisième phase de la bataille d'Angleterre dura du 8 août au 7 septembre 1940. Les bombardiers allemands virent leurs missions entravées par le faible rayon d'action de la chasse. Ils pouvaient juste atteindre Londres.
Le 7 septembre, commença la quatrième phase de la bataille. Goering lui-même vint assister à l'envol de mille appareils de sa Luftwaffe. C'était le premier d'une quarantaine de raids sur la capitale britannique.
Les fameux Stukas subirent des pertes terribles. Et les chasseurs étaient de moins en moins nombreux à regagner leur terrain d'envol. Beaucoup, à bout d'essence, tombaient à la mer tandis que d'autres parvenaient à atterrir sur les plages, au prix d'une forte casse.
Après avoir participé à de nombreux combats, Galland apprit, le 24 septembre, qu'il serait le troisième soldat allemand à recevoir les feuilles de chênes sur sa croix de Chevalier et que cette distinction lui serait remise à Berlin par Hitler lui-même. Leur seul ennui est que cette nouvelle s'accompagnait, selon l'usage, d'une interdiction de vol opérationnel.
L'aviateur, interrogé par le Führer, exprima toute son admiration pour ses adversaires de la RAF. Ils palliaient l'infériorité de leurs appareils par leur tenacité et leur courage. Adolf Hitler approuva le nouveau décoré et exprima son respect pour les Anglais, en dépit de la guerre à mort qui opposait les deux peuples.
Puis ce fut la réception chez Gôring où le chef de la Luftwaffe se montra effondré par le rapport quotidien des pertes aériennes du Reich.

Après Udet et Mölders, un nouveau chef

A la fin du mois d'octobre, la cinquième phase de la bataille d'Angleterre s'était soldée par un nouvel échec : la Luftwaffe avait perdu plus du quart de son potentiel et surtout ses meilleurs pilotes étaient tombés.
Les combats aériens se poursuivirent sporadiquement jusqu'en avril 1941. Et le centre de gravité de la guerre passa du front de l'Ouest au front de l'Est.
Depuis février 1941, beaucoup de formations se trouvaient repliées en Allemagne occidentale et les pilotes survivants avaient même bénéficié de quinze jours de sports d'hiver.
Tandis que quelques-uns de ses camarades participaient à la grande opération aéroportée sur la Crète, Galland rongeait son frein à Brest, en mission de protection des cuirassés de la Kriegsmarine. Sa seule distraction avait été une virée clandestine au-dessus de l'Angleterre lors d'un vol vers Le Touquet. Il avait quand même eu le temps de descendre trois Spits au passage... malgré que son cockpit fût encombré de homards et de bouteilles destinés à célébrer l'anniversaire d'un de ses chefs.
Lors d'une conférence à Paris, Goering annonça à Galland et à Môlders l'imminence de l'attaque contre l'URSS. Les aviateurs étaient stupéfaits : l'Allemagne allait désormais combattre sur deux fronts, ce qui était, leur avait dit naguère Adolf Hitler lui-même, la pire des situations.
Tandis que Mölders partait vers le front de l'Est, Galland devait continuer à se battre contre la RAF. A la mi-juin, son escadre, la 26e, fêtait sa 500e victoire. Elle devait doubler ce score à la fin de l'année.
Le 21 juin 1941, à la veille de l'attaque allemande contre l'URSS, Adolf Galland célébrait à sa manière le solstice d'été aux commandes de son Messerschmitt. En deux sorties, il abattit trois appareils britanniques. Il détenait désormais 70 victoires. Son avion endommagé, il fut obligé à un atterrissage de fortune « avec du plomb dans l'aile ». Il repartit aussitôt pour un nouveau combat. Les « Spits » se firent encore plus agressifs. Le fuselage en partie arraché, les réservoirs crevés, atteint d'une blessure à la nuque et d'une autre au bras, Galland se résigna à évacuer son appareil en flammes. Le siège éjectable ne fonctionnant pas, l'officier essaya de se hisser hors du cockpit. Il y parvint à grand-peine, se lança dans le vide, ouvrit son second parachute et se retrouva dans le marécage.
Le soir, il apprit qu'il venait de recevoir les glaives qui s'ajoutaient aux feuilles de chêne sur sa croix de chevalier. Mais le Führer renouvelait son interdiction de vol à celui qui était désormais le soldat le plus décoré de toute l'armée allemande.
En célébrant cet événement avec ses camarades, le soir même, la tête bandée, une cheville foulée et un bras traversé, Adolf Galland n'avait qu'une idée : reprendre l'air au plus vite.
Sur le front de l'Est la bataille faisait rage dès le lendemain. A la tête de ses chasseurs, Werner Mölders y remportait victoire sur victoire. Sur le front de l'Ouest, les pilotes d'Adolf Galland avaient l'impression d'être oubliés... Pourtant, ils livraient une bataille plus difficile à chaque sortie. Leurs adversaires se montraient de jour en jour plus agressifs et plus résolus. La RAF commençait à surclasser la Luftwaffe.
A chaque décollage, avouera un jour Galland, j'avais peur, terriblement et lamentablement peur.
Cela ne l'empêcha pas d'enfreindre l'interdiction de vol et de se heurter à des Spits au-dessus de Saint-Orner. Au retour, après avoir reçu dans son appareil un obus de 20 m/m il fut obligé, une fois encore, de se faire recoudre le cuir chevelu...
Après le suicide d'Ernst Udet et la mort de Werner Môlders, le major Galland fut appelé par le maréchal Goering, à l'issue de la cérémonie funèbre :
Maintenant, c'est votre tour, lui dit-il. Je vous nomme commandant en chef de la chasse allemande.

Guerre sur tous les fronts

L'as allemand Galland et Goering
Cette promotion s'accompagnait du grade de colonel, mais le célèbre aviateur ne quitta pas sans regret la tête de son escadre. Le 6 décembre, pourtant, il dut prendre l'avion pour Berlin où un bureau l'attendait au ministère.
Galland, qui n'avait désormais d'ordres à recevoir que de Goering et de Hitler lui-même, se mit aussitôt au travail, assez mal accueilli par l'état-major de la Luftwaffe et son chef Jeschonnek.
La guerre faisait rage aussi en Afrique, où l'Afrika Korps commençait à subir de durs revers. Parmi les renforts envoyés par la Luftwaffe, le plus jeune capitaine de l'armée allemande, Hans Joachim Marseille, allait remporter cent soixante-huit victoires en moins d'une année, établissant ainsi un record absolu !
Sous les ordres de Galland, qui était, à trente ans, le plus jeune major général de l'armée allemande, se trouvait douze escadres de chasse : quatre à l'Ouest, cinq à l'Est et trois au Sud. Un nouveau front était en train de naître dans le Reich lui-même soumis aux bombardements de jour des Américains et aux bombardements de nuit des Britanniques. Malgré l'incroyable sacrifice des pilotes de la chasse de nuit, les alliés allaient irrésistiblement surclasser leurs adversaires.
Le général Galland lança alors dans la bataille de nouveaux chasseurs : les FockeWulf 190. Désormais les troupes du Reich reculaient sur tous les fronts.
Dans le ciel allemand, il fallait désormais faire face non seulement aux bombardiers alliés, mais aussi aux chasseurs à long rayon d'action. Galland, lucide, se vit traiter par Goering de « défaitiste tremblottant ». Il venait de perdre à nouveau un frère au combat et blémit sous l'insulte, dont le maréchal du Reich préféra s'excuser quelques temps plus tard. Il lui promit même la production, par les usines allemandes, de mille nouveaux chasseurs chaque mois. A la fin de l'été 1943, allait enfin sortir le Messerschmitt 262, le premier chasseur à réaction, que Galland lui-même avait piloté lors des essais.
Pourtant, rien ne pouvait plus arrêter les appareils de l'Us Air Force et de la RAF. Le terrible bombardement de Hambourg au mois de juillet fut un véritable cataclysme ! Le nom même de Hambourg résonnait désormais aussi lugubrement que celui de Stalingrad. Et les chasseurs de la Luftwaffe n'avaient pu empècher ce drame ! Le Führer retira sa confiance à Goering et, par delà le maréchal du Reich, à toute son armée de l'Air.
Berlin devenait désormais la cible principale des attaques aériennes alliées. Et Galland écrivait dans un rapport personnel destiné au Führer : « Nous sommes arrivés à un point où un effondrement complet de la chasse allemande est à craindre. »
Aors d'une sortie (clandestine, puisqu'il était toujours « interdit de vol ») le général parvint à descendre une Forteresse Volante mais, pris à son tour en chasse par quatre Mustangs, il fut obligé de fuir à toute vitesse, entouré par les sillages des balles traçantes. Sa tournée d'inspection en plein ciel faillit s'achever tragiquement et il n'eut plus que la ressource de tenter un atterrissage de fortune près de Berlin.
Au mois de janvier 1945 l'inspecteur de la chasse fut limogé par Goering après un véritable mouvement de révolte des principaux responsables de la chasse. Adolf Hitler lui-même intervint cependant pour que Galland reprenne son poste, l'autorisa à voler de nouveau et lui confia le commandement personnel d'une escadrille de Messerschmitt 262 à réaction. Mais ces avions révolutionnaires devaient se battre à un contre cinquante ! La mort de Walter Nowotny marqua tragiquement cette aventure des chasseurs à réaction dans les derniers mois de la guerre. Pour les pilotes de chasse du Reich, il était désormais trop tard.
Le 26 avril 1945, le lieutenant-général Adolf Galland décollait de Riehm, près de Salzbourg, pour sa dernière mission de combat. Il attaqua des Marauders alliés mais fut pris à partie par des Mustangs. Il réussit avec peine à regagner son terrain, bouleversé par un terrible bombardement. Quinze jours plus tard, à l'approche des premiers chars alliés, les pilotes de l'escadrille Galland faisaient sauter leurs derniers Messerschmitt à réaction.
La guerre était finie.
Les aviateurs allaient devenir des prisonniers, tandis que les explosions se succédaient aux explosions, les incendies aux incendies. Sabotés par leurs pilotes, les appareils de la Luftwaffe disparaissaient au milieu des gerbes de flammes. C'est dans un véritable décor de Crépuscule des dieux wagnériens qu'Adolf Galland achevait sa carrière militaire. Il avait trente-trois ans.