Coventry, une ville écrasée
sous les bombes

Londres sous les bombes

Pendant des mois, les Britanniques résistent sans faiblir au Blitzkrieg, aux inlassables vagues d'avions allemands qui viennent les écraser sous les bombes. La destruction de Coventty dans la nuit du 14 au 15 novembre 1940 est l'un des épisodes les plus dramatiques de cette phase de résistance solitaire.
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Coventry, ville martyre

Coventry, ville martyre en 1940
De la mi-septembre au milieu de novembre 1940, la capitale britannique est la cible exclusive des bombes allemandes. Les Londoniens prennent l'habitude d'être réveillés brutalement par les alertes, chaque nuit ; ils se précipitent alors vers les abris souterrains ou cherchent refuge dans le métro. Brusquement, le 14 novembre, les bombardiers allemands changent de cible. À la tombée de la nuit, une première escadrille franchit la côte, puis, dépassant la capitale, s'enfonce cette fois vers l'intérieur et remonte vers le nord. Parvenue au-dessus de Coventry à 19 h 15, elle y allume plusieurs incendies, pour indiquer l'emplacement des cibles aux avions suivants. Ceux-ci ne tardent pas à arriver : en tout, 509 bombardiers allemands, venus de France et de Belgique, sont envoyés sur la cité anglaise, où ils déferlent par vagues successives jusqu'à 6 h du matin.
Au lever du soleil, le bilan est de 554 morts. Presque toutes les usines sont touchées, une maison sur huit est détruite et les deux tiers des immeubles sont endommagés. Au centre de la ville, 40 hectares sont entièrement rasés : un gigantesque incendie a ravagé la cathédrale et le vieux quartier qui l'entoure. Les Allemands, quant à eux, n'ont perdu qu'un seul avion, abattu par la D.C.A.

Héroïsme... ou découragement ?

Bobardement de Coventry en novembre 1940
Avec ses 240 000 habitants, Coventry est un grand centre industriel. Mais, en comparaison de Londres, c'est évidemment une cible beaucoup plus limitée ; le caractère massif du raid aérien donne donc l'impression d'une destruction totale. L'opinion publique est traumatisée. Le quotidien anglais The Times du 18 novembre titre « Boucherie à Coventry » et le néologisme « to coventrize » est inventé ce jour-là pour désigner l'« acte de détruire complètement par bombardement ». La ville martyre devient le symbole de la barbarie allemande, la « Guernica » des Anglais, puisque sa destruction ressemble à celle subie par la petite ville basque, dont le bombardement par des avions allemands au cours de la guerre civile espagnole fut immortalisé par Picasso. À en croire la presse et les discours officiels de l'époque, la population de la ville martyre subit l'épreuve avec un admirable héroïsme.
C'est un nouvel exemple du fighting spirit (l'esprit de combat) de cette admirable nation, qui trouve son symbole dans le courage de son chef, le Premier ministre Wiston Churchill. La vérité, telle qu'on la connaît aujourd'hui, est un peu différente. Totalement surprise, la population de Coventry apparaît surtout dépassée par les événements. Les modestes moyens préconisés par la défense passive (blocage des fenêtres par des coussins...) se sont avérés dérisoires en comparaison de l'ampleur du bombardement et l'organisation des secours est complètement paralysée par la coupure des canalisations d'eau, du téléphone et des voies ferrées. Une enquête secrète du Mass Observation, l'organisme chargé par le gouvernement britannique de suivre l'évolution de l'opinion publique, indique un profond effet de choc se traduisant, le lendemain du bombardement, par le départ de 50 000 à 100 000 habitants, qui vont se réfugier dans les environs.

Pourquoi Coventry ?

La réaction de la population amène à se poser la question de la finalité du bombardement. À Londres, tous s'accordent à penser que les Allemands ont surtout cherché à démoraliser la population. Cette raison est valable pour Coventry, où les ravages humains sont effectivement terribles. Les Anglais l'affirment aussitôt et, pour cette raison, ils obtiennent à la fin de la Seconde Guerre mondiale que le bombardement de Coventry soit inscrit parmi les crimes contre l'humanité imputés aux responsables du Reich.
En l'occurrence, cependant, la réponse n'est pas si simple. Coventry, centre industriel essentiel dans la production de guerre anglaise (on y trouve des usines d'aviation, de construction de tanks, de mécanique de précision, etc.), apparaît comme un objectif militaire digne de ce nom. Son bombardement, alors, est susceptible de se justifier selon les «lois» de la guerre, quel que soit le nombre des victimes. L'attaque de la ville prélude d'ailleurs à une série d'opérations visant les autres cités industrielles des Midlands, dans les semaines qui suivent. Est-ce le signe d'une inflexion de la stratégie allemande sur l'Angleterre?
L'important est que les Anglais ne le comprennent pas ainsi ; d'autant moins que, par la suite, Londres (qui ne saurait être regardée comme un objectif stratégique) continue à être bombardée... La rancœur, la haine, inexpiables, s'accumulent de la sorte au cours des années de guerre et, avec elles, l'esprit de vengeance. Un bombardement en appelle un autre : en 1945, les 135 000 morts de Dresde, bombardée par les avions anglais et américains, viennent « venger » les 554 victimes de Coventry...

Dresde

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ne sont pas les seuls à utiliser l'arme du bombardement aérien contre les grandes villes et les civils qui s'y trouvent. Sans même avancer l'exemple des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, qui peuvent être considérées comme des cas à part, la destruction de Dresde, les 13 et 14 février 1945, est infiniment plus meurtrière que celle de Coventry.
C'est à partir de 1943 que les Alliés commencent à bombarder massivement les villes allemandes. Il s'agit autant de détruire le potentiel économique du Reich que de saper le moral de la population. Les Américains s'y sont longtemps opposés, croyant pouvoir mener une guerre « propre » grâce à l'aviation. Mais, en 1944, et surtout en 1945, les derniers scrupules tombent.
Dans la nuit du 13 au 14 février, 1400 Lancasters anglais sont lancés en deux vagues contre la capitale de la Saxe et, dans la journée du 14, 450 forteresses volantes américaines assènent à celle-ci le coup de grâce. La tactique consiste à déclencher une « tempête de feu » grâce aux bombes incendiaires. Dans une ville surpeuplée à cause de l'affluence des réfugiés fuyant l'avance, à l'est, de l'armée soviétique, les pertes sont considérables. Les progrès réalisés depuis 1940 dans le domaine des armes de guerre relèguent alors Coventry au rang de péripétie : le bombardement fait 135 000 victimes, c'est-à-dire 250 fois plus que dans la ville britannique, deux fois plus qu'à Hiroshima.