Les raisons d'une défaite

L'armistice
le 22 juin 1940

Aujourd'hui on est certain que de grossières erreurs de doctrine et de stratégie, ajoutées à des problèmes de transmission et à un mauvais moral des troupes ont précipité la défaite.
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Une erreur de doctrine

e désastre de 1940 ne tient pas à une disproportion écrasante des forces. Au 10 mai, la seule infériorité alliée repose sur l'insuffisance de l'aviation de bombardement. Insuffisance qui ne peut justifier cependant la rapidité de l'effondrement. A partir de 1943, l'armée allemande combattra sur tous les fronts sans soutien aérien et sous des bombardements de plus en plus violents. Ce handicap ne l'empêchera pas de résister encore pendant deux ans aux forces alliées. En définitive, la défaite de l'armée française tient tout d'abord à une lourde erreur de doctrine, ainsi qu'à une faute stratégique, qui n'a pu être abordée à l'occasion du procès de Riom. En dépit des informations de plus en plus précises fournies par les services spéciaux et le 2e Bureau, Gamelin et Georges, commandant le théâtre du Nord-Est, n'ont pas voulu admettre le déplacement du centre de gravité de l'offensive allemande, à l'initiative de Hitler et de Manstein. Dans le cadre de la manoeuvre Dyle destinée à porter les forces franco-britanniques sur la ligne Anvers, Bruxelles, Namur, le général Gamelin reste convaincu que le principal de l'effort allemand concernera le nord de la Belgique, à l'exclusion de l'Ardenne réputée infranchissable par les chars. Au total, l'offensive allemande va s'adresser au centre du dispositif français, le secteur le plus faiblement tenu avec des divisions de réservistes insuffisamment entraînés et mal équipés.
La rupture du centre obtenue les 14 et 15 mai de Dinant à Sedan est encore aggravée par une répartition défectueuse des divisions françaises et le manque de réserves. Il est déconcertant de constater qu'à l'heure du déclenchement de l'attaque allemande, près de la moitié des grandes unités françaises se trouvent immobilisées sur la ligne Maginot, sous prétexte que ces divisions sont « au contact » avec les troupes allemandes. Au départ pourtant, Gamelin, suivant les règles les plus élémentaires de l'art militaire tient en réserve en Champagne la 7e année de Giraud et les trois divisions cuirassées formées pendant l'hiver. Dans le but de soutenir les Hollandais, la 7e armée est d'abord transférée dans la région de Lille avant d'être envoyée dans le secteur de Breda dès le 10 mai. Devant l'évolution catastrophique de la situation, on s'efforcera de rappeler cette unité sans succès. Prisonnière des routes encombrées par les réfugiés ou par les troupes battant en retraite, la 7e armée ne pourra rallier et éviter l'encerclement.

Churchill médusé

Churchille en France en mai 1940
Le 10 mai encore, sans avoir de certitude sur le point d'application de l'attaque allemande, Gamelin commettra l'erreur cardinale de se séparer de ses trois divisions cuirassées réunies dans la région de Reims. Il se prive ainsi d'une force de 600 chars qui aurait pu agir énergiquement sur le flanc des panzerdivisions. Les trois divisions seront envoyées en Belgique dans des directions différentes et se révéleront incapables de procéder à une réaction d'ensemble.
Le 16 mai, lors d'une réunion dramatique au Quai d'Orsay, Gamelin est contraint d'avouer devant un Churchill médusé qu'il ne dispose pas de « masse de manoeuvre ». Comment ne pas être encore surpris par l'extraordinaire apathie du haut commandement français qui assiste, totalement inerte, à la marche irrésistible des panzers en direction de la mer.
De sa « thébaïde » de Vincennes, Gamelin affecte de considérer la lutte en cours comme « la bataille du général Georges ». C'est seulement le 19 mai, que le commandant en chef se hasarde, « sans vouloir intervenir directement dans la bataille » (formule pour le moins inattendue) à préconiser une contre-attaque lancée à la fois du nord et du sud pour tenter de couper le « couloir des panzers ».
La manoeuvre n'aura pas lieu. C'est à ce moment critique que Paul Reynaud se décide à remplacer Gamelin par Weygand rappelé du Levant. Décision inopportune. Si Joffre avait été limogé en 1914 au lendemain des premières défaites, il n'y aurait probablement pas eu la Marne. Après trois jours de vacances de commandement, Weygand ne fera que reprendre le plan de son prédécesseur, dans des conditions plus difficiles. Pour justifier cette apathie, on sera tenté d'invoquer l'âge du haut commandement. En réalité, on peut surtout se demander pourquoi, par comparaison avec les chefs allemands de la même génération, les généraux français avaient-ils si mal vieilli ?

Défaillances du renseignement et moral des Français

Le désastre tient encore à des défaillances du renseignement. Quand Weygand arrive à Paris, après un voyage de quarante-huit heures depuis Beyrouth, personne n'est capable de lui dire exactement où se trouvent les Allemands, à Amiens, à Abbeville ou sur la côte du Pas-de-Calais. C'est au cours de son voyage par avion à destination d'Ypres, où il espère rencontrer Lord Gort, le général Billotte et le roi des Belges, que le nouveau commandant en chef constate par lui-même que les avant-gardes blindées allemandes ont largement dépassé Abbeville et continuent leur progression en direction de Boulogne.
Reste le problème du moral. Celui-ci ne mérite pas les appréciations trop sévères ou élogieuses à l'excès dont il a été l'objet lors du procès de Riom. La défaite ne s'est pas identifiée à une débandade généralisée. Les exemples de belle résistance ont été nombreux. On le constate devant Dunkerque, sur la Somme ou sur l'Aisne, ou encore avec les cadets de Saumur ou avec la division coloniale devant Lyon. On ne trouve cependant pas cette extraordinaire capacité combative dont fera preuve le soldat allemand de la fin de la guerre, même confronté à une énorme coalition. En fait, à tous les niveaux, le moral apparaît terne. La mobilisation s'est déjà effectuée dans une atmosphère de résignation. Le rappel à l'arrière de centaines de milliers d'appelés spéciaux a contribué à renforcer une morosité générale, encore aggravée par l'inaction presque totale de la « drôle de guerre ».
La propagande allemande a eu encore un effet corrosif. Par la radio, des tracts, des banderoles, des hauts-parleurs installés sur le front, cette propagande n'a cessé de répéter que le soldat français ne combattait que pour les intérêts de l'Angleterre, pour les financiers de la City. En apportant des précisions troublantes sur les relèves d'unités, en citant les noms des commandants de division ou de régiment, cette action a contribué à accréditer la légende d'une 5e colonne.
moral des français en mai juin 1940

En définitive...

Le désastre de 1940 ne tient pas essentiellement à une disproportion de moyens. Il procède de lourdes erreurs stratégiques, du maintien d'une doctrine périmée reposant sur les enseignements de 1917-1918 et d'un affaissement du moral de l'ensemble du corps social. Il procède aussi d'une vision inquiétante du conflit.
A la déclaration de guerre, Gamelin est convaincu qu'il ne peut y avoir de décision sur le théâtre du Nord-Est, compte tenu de l'ampleur des effectifs et de l'importance des systèmes fortifiés. Aussi, se refuse-t-il à émousser l'instrument par des attaques inutiles. Il attend la reconstitution de la puissance britannique et l'intervention d'alliés. La décision ne peut dépendre que du blocus, d'une crise politique majeure en Allemagne ou de l'ouverture d'un théâtre d'opérations dans le Sud-Est européen. Tragique illusion...