Dunkerque bombardé

Dunkerque
Opération Dynamo

Entrer à Dunkerque était déjà, non seulement dangereux, mais parfois impossible. Les réservoirs à pétrole, les entrepôts, les hangars, les installations des quais, tout brûlait. Dans la baie, d'innombrables épaves rendaient la navigation dangereuse. Les bombardements continuaient d'être extrêmement violents.
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De l'alcool mais pas d'eau

Deux choses allaient manquer très vite à Dunkerque : l'argent liquide et l'eau potable. Il n'y avait plus de fonds pour payer les travailleurs. Le sous-préfet Le Gentil tenta de s'en procurer à Lille où le préfet, aussi démuni que son subordonné, promit d'en faire chercher à Paris par avion.
Le manque d'eau, tout considéré, était beaucoup plus redoutable. Et ceci d'autant plus que l'alcool, lui, ne manquait pas, que ce fût dans les chais ou entrepôts de la ville ou dans les camions anglais abandonnés. Les bombardements, dont l'intensité allait croissant depuis le 18 mai, avaient mis hors d'état bon nombre de canalisations. Lorsque l'ennemi eut mis la main, le 24 mai, à Watten sur les installations qui alimentent la ville, ce fut la pénurie totale. On ne pouvait plus compter que sur les puits et les citernes. Or, il ne pleuvait pas ; les citernes étaient à sec.

Où était la chasse anglaise ?

La chasse anglaise à Dunkerque en 1940
Le bombardement du 27 mai consomma la destruction de la ville, entreprise depuis le 18. Cette date correspondait à la reprise de l'avance allemande après la pause ordonnée le 24. Toute la III Luftflotte du général Sperrle se déchaîna sur Dunkerque, tandis que Kesselring s'occupait d'Ostende, Zeebrugge et Nieuport.
De 7 heures du matin à 7 heures du soir, les bombardiers allemands passèrent de quart d'heure en quart d'heure, par vagues de trente à quarante, rasant les toits, creusant dans Dunkerque leurs sillons de flammes et de sang. La D.C.A. agonisait. Quelques pom-poms anglais faisaient encore entendre leur aboiement réconfortant, mais ils ne pouvaient tirer partout à la fois. Quant à la chasse... Au fait, où était-elle, la chasse ?
Ce qui avait survécu de la chasse française après les combats de Hollande avait dû se replier du fait de la chute successive de tous les terrains d'aviation du secteur. On ne pouvait plus compter que sur la chasse anglaise. Or, même en opérant des bases du Kent, les plus rapprochées, les Hurricane et les Spitfire n'avaient pas beaucoup de temps à perdre dans le ciel de Dunkerque pour réconforter les amis.
Mieux valait, bien sûr, intercepter à distance, mais évidemment hors de vue des défenseurs, les escadrilles ennemies qui se ruaient sur Dunkerque. Et les chasseurs anglais ne chômaient pas. En neuf jours, ils exécutèrent 2 739 missions au profit de Dunkerque et purent faire homologuer 262 victoires. Ge n'est pas rien.

Les bombes faisaient peu de dégâts

La plupart remarquèrent bien vite le peu de dégâts que les bombardiers allemands faisaient sur les plages ; en explosant, les bombes soulevaient d'énormes gerbes de sable, mais elles s'enfonçaient profondément et perdaient la plus grande partie de leur efficacité. Un abri sommaire, notamment s'il était garanti par un talus ou, mieux encore, par un vieux matelas, offrait une protection bien suffisante, sauf en cas de coup au but. Et, dans ces conditions, la confiance revint, peu à peu sur les plages. Les premiers hommes évacués avaient été, pour la plupart, les non-combattants ; mais pendant les jours suivants, les troupes qui restaient avaient toutes reçu le baptême du feu. A présent, les Stukas essuyaient non seulement le tir des canons des navires en mer, mais aussi celui des fusils des hommes entassés sur les plages.
Bombardement des plages à Dunkerque en 1940

15 000 bombes sur Dunkerque

Bombes sur Dunkerque en mai 1940
La journée du 27 mai a laissé un souvenir très vif. Les bombardements commencèrent à 7 heures du matin et durèrent jusqu'à 21 heures, par rafales de trente à quarante bombardiers se succédant tous les quarts d'heure. On a estimé à 15 000 le nombre des bombes de rupture de tout calibre qui furent lancées sur Dunkerque ce jour-là, et celui des bombes incendiaires est impossible à évaluer. Bientôt, la ville ne fut plus qu'un immense brasier. La D.C.A. n'en pouvait plus. Les pièces rendaient l'âme l'une après l'autre et les munitions commençaient à manquer.
A peine pansés et évacués, les blessés étaient remplacés par d'autres qu'il fallait soigner à leur tour. J'en vis mourir entre mes mains sans trace de lésion apparente. Pour d'autres, affreusement mutilés, nous ne pouvions faire plus qu'une piqûre de morphine, et celle-ci commençait à manquer...
Parmi les camions abandonnés dans la rue qui bordait la caserne un certain nombre étaient bourrés de munitions qui se mirent à brûler vers le soir. Il en sortait des flammèches dans toutes les directions et, bientôt, le feu se communiqua aux étages supérieurs du bâtiment. Cette fois, il ne restait plus qu'à évacuer. Tandis que des volontaires sortaient les caisses de munitions pour les précipiter dans la darse, nous commençâmes à charger nos blessés sur un camion qui se trouvait là. Je pus en récupérer un second dans une rue voisine et le ramenai entre deux haies de flammes.
Ce fut un curieux chargement : deux couches de blessés empilés les uns sur les autres sur la plate-forme du camion mais tout valait mieux que de périr dans cette fournaise. Faute de pouvoir traverser Dunkerque, nous décidâmes de gagner Zuydcoote par la route qui longe le canal de Furnes. Tout brûlait, la gare, la sous-préfecture... ce n'étaient partout que débris informes, cadavres d'hommes et de chevaux, squelettes de maisons dessinés par les bâtis des cheminées qui seuls avaient résisté à l'incendie. Dès la sortie de la ville, un invraisemblable fouillis de camions et de véhicules de toute sorte culbutés dans les fossés ou le canal par un service d'ordre implacable dans le souci évident de garder perméable cette « voie sacrée » de Dunkerque.
Miraculeusement épargné par les mitrailleuses des avions allemands qui ne cessaient d'arroser la route, je parvins à insérer mon camion indemne avec sa cargaison de chair souffrante, dans la file des ambulances qui faisaient queue à l'entrée de la salle de triage de Zuydcoote.
C'était une énorme chose que ce sanatorium édifié en lisière des dunes et où tout ce que le groupe d'armée du Nord comptait de groupes sanitaires et d'ambulances chirurgicales avait reflué au cours de la retraite. Trois équipes chirurgicales relevées toutes les quatre ou six heures opéraient jour et nuit dans trois salles d'opération différentes, sans parvenir, malgré ce rythme, à vider la salle de triage où les blessés s'accumulaient plus vite qu'on ne pouvait les soigner. Sept cents, huit cents malheureux, certains moribonds, attendaient là des heures sur leurs brancards qu'on pût s'occuper d'eux. Certains n'étaient arrivés qu'après des jours de transport, venus de Belgique, de Lille, de Cassel, de tous les points de ce front qui se rétrécissait de plus en plus.