L'embarquement
sur les plages

Dunkerque
Opération Dynamo

La Luftwaffe ayant détruit les installations portuaires, on improvise des points d’amarrage sur les brise-lames. Des plages, des jetées de camions
sont construites à marée basse. Le ciel, qui éclairait jusqu’à présent les succès allemands, change de camp : si la mer reste calme, les nuages
s’amoncellent et gênent les Stukas
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La peur, la faim, la fatigue

La peur, la faim, la fatigue, à Dunkerque en mai 1940
Les bombardements ininterrompus, la peur, la faim et la fatigue avaient complètement brisé les nerfs de quelques-uns. Depuis des jours, ils vivaient dans une ambiance que seuls les esprits les plus solides et les moins imaginatifs pouvaient supporter sans trop de peine.
Au début des opérations d'embarquement, on ne trouvait plus trace de discipline au sein de certaines unités qui avaient éclaté au cours de la retraite. L'ivrognerie fit des ravages à Dunkerque. Un certain nombre de boutiques et d'entrepôts bombardés furent pillés. Les hommes arrivaient sur les plages encombrés d'un bric-à-brac invraisemblable allant des caisses de cognac aux cartouches de cigarettes, des jouets et des bicyclettes aux postes de radio. Et, une fois sur place, ils ne cherchaient guère à coopérer avec ceux qui faisaient de leur mieux pour essayer d'organiser les choses. Au reste, il arriva souvent qu'il n'y eut pas d'organisation du tout. Des milliers d'hommes erraient d'un groupe à l'autre, à la recherche d'un visage ami, d'un officier chargé de l'embarquement qui leur donnât des instructions et leur dît où former une queue.
Dès qu'ils avaient trouvé un bâtiment en mesure de les emmener, ils n'étaient que trop enclins à se diriger comme des automates vers lui, en pataugeant dans la mer, avec l'espoir que la marine s'occuperait du reste.
Une fois embarqués, les hommes se sentaient incroyablement soulagés.
Certains, pourtant, ne connurent pas cette joie. Au fur et à mesure que s'écoulaient les heures et que passaient les jours, leur tension nerveuse s'exaspérait. Affamés, assoiffés, morts de fatigue, affolés par le vrombissement des « Stuka », les sirènes des navires, le fracas des bombes, le staccato des mitrailleuses, les jurons et les cris des hommes, ils s'effondrèrent.

Une idée géniale

Embarquement sur les plages de Dunkerque en mai 1940
Caboteurs, canots de sauvetage et yachts s'approchaient aussi hardiment que possible du rivage mais, dans bien des cas, c'était encore trop loin. Les hommes entraient dans l'eau, essayaient de nager, mais leurs lourds uniformes mouillés les entraînaient au fond.
Certains improvisèrent des embarcadères avec des carcasses de camions, des épaves et des débris de toutes sortes rejetés par la mer. Le lieutenant Davies, qui commandait un dragueur de mines, l'Oriole, eut le 29 mai une idée géniale. Il pointa son étrave sur l'une des plages situées au nord de Dunkerque, fit redresser la proue au maximum et mit en avant toute à la vitesse de 12 noeuds. Quand il se sentit talonner, il mouilla deux ancres à l'arrière. Près de 3 000 hommes entrèrent alors dans l'eau, montèrent sur l'Oriole et passèrent sur les autres bateaux, qui avaient assez de fond pour pouvoir l'aborder en poupe. Dans la nuit, en pleine mer, tout le monde tira sur les amarres pour déhaler le dragueur. Il rejoignit l'Angleterre avec à son bord 700 rescapés, parmi lesquels les infirmières d'un hôpital de campagne.
Certains bateaux possédaient des canots de toile pliables, grâce auxquels des milliers de soldats purent s'échapper. Ils pagayaient avec les crosses des fusils et écopaient l'eau avec les casques. Malheureusement, les lames faisaient chavirer ces embarcations légères; il y eut beaucoup de noyés. Ceux qui avaient la chance de pouvoir se hisser à bord des navires sauveteurs n'étaient pas au terme de leurs épreuves. La mort les guettait du ciel. Plus de 700 hommes avaient enfin réussi à s'installer, à leur grand soulagement, sur le pont et dans les cabines du dragueur de mines Gracie Fields lorsqu'un bombardier piqua droit dessus. La tuyauterie éclata dans la salle des machines. Personne ne put y descendre pour arrêter les moteurs. Son gouvernail bloqué, le Gracie Fields se mit à tourner en rond à la vitesse de six noeuds. Deux remorqueurs et un autre dragueur parvinrent à l'accoster et tournèrent avec lui, le temps d'évacuer les survivants.

Les coques de noix

Les petites embarcations assuraient la navette entre les plages et les gros navires mouillés en eau profonde. La diversité de ces embarcations était extraordinaire : bateaux de sauvetage, chaloupes, canots minuscules, remorqueurs de rivière, bateaux de pêche français et belges, bateaux de plaisance, dragueurs d'huîtres de pleine mer, yachts, chalands de la Tamise et même le bateau-pompe de ce fleuve, qui prenait la mer pour la première fois de son existence !... Allan Barrel, qui vécut l'évacuation à bord d'une de ces petites embarcations a raconté son expérience...
« Nous regardions ce qui ressemblait à des milliers de bâtonnets alignés sur la plage et nous fûmes stupéfaits de les voir se transformer en une foule grouillante. Je pensais en ramasser 70 ou 80 et filer. Avec le soleil derrière moi, j'estimais pouvoir toucher un port ou l'autre de la côte est. Nous chargions quand je me rendis compte que ce serait égoïste de partir alors que plusieurs destroyers et autres grands bâtiments attendaient au large d'être approvisionnés en hommes par de petits bateaux. Je décidai donc que c'était à nous de le faire. Nous pouvions transporter soixante hommes assis, soit, avec ceux qui restaient debout, environ 80 soldats britanniques, épuisés, souvent pieds nus, parfois vêtus de leur seul pantalon, mais encore assez en forme pour grimper à bord des destroyers. Nous fîmes autant de voyages qu'il en fallut pour remplir ce navire...»
La navigation était extrêmement difficile, à cause des épaves, des bateaux renversés la quille en l'air, des torpilles, et des soldats qui essayaient de se comporter en marins pour la première fois de leur vie. Ils faisaient avancer leurs coques de noix jusqu'à mon bord en utilisant les crosses de leurs fusils en guise de rames. Beaucoup criaient qu'ils coulaient. Je ne pouvais pas les aider...
Pourtant, et en dépit de toutes les difficultés, à la fin de la journée, 53 823 hommes avaient regagné l'Angleterre, soit 6 500 de plus que la veille.

Courage, panique et solidarité

Courage, panique et solidarité pendnat la bataille de Dunkerque en 1940
On ne pouvait espérer que dans cette masse de 350 000 hommes, il n'y eût que des héros ou des hommes parfaitement maîtres de leurs nerfs. Un petit chaland anglais signale, le 29 mai, qu'il a eu ses deux moteurs noyés parce que les soldats français l'avaient envahi si précipitamment que l'eau embarquait à force. Ce fut pire dans le cas de l'Eve, un petit canot à moteur qui avait déjà fait six voyages ; il périt au cours du septième, envahi par la mer à cause de sa surcharge. Il n'y eut qu'un seul survivant. A côté ce cela, les rapports anglais signalent des détachements français qui refusent d'embarquer sans ordre de leurs chefs ou de se séparer de leurs armes...
Il faut retenir surtout la magnifique solidarité qui ne cessa de jouer en faveur des bateaux coulés. Au secours du Sirocco coulé, ont accouru trois bateaux anglais et un polonais. L'avant-veille, c'était notre Cyclone qui, déjà surchargé recueillait 158 Anglais d'un dragueur coulé devant lui. Le 1" juin, la malle Prague, anglaise, appareillée de Dunkerque à 9 heures du matin avec 3 000 hommes de notre corps de cavalerie, est attaquée par douze bombardiers et continue sa route avec une forte gîte et une machine hors de service. Le destroyer Shikari l'accoste en marche, lui prend plus de 500 hommes et deux autres bateaux anglais viennent le remplacer.
C'est à des équipages de cette classe que l'on doit de n'avoir, en dépit de la masse des bateaux coulés (près de 200 au total) perdu après embarquement qu'environ 5 000 hommes sur 350 000.