Fuites, suicides
et arrestations

Les blufs de Hitler

Le 12 mars 1938 Himmler arrivait à Vienne. Selon les principes nazis, l'épuration policière et la neutralisation de l'opposition politique devaient toujours être les premiers actes du gouvernement. Aussi la Gestapo fut-elle le premier visage de l'administration allemande qui apparut aux Viennois.
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La gestapo à Vienne

La gestapo à Vienne en 1938
Himmler (photo) et Schellenberg avaient pris l'avion avec Hess et divers membres de la Légion autrichienne. Un second avion chargé de SS les accompagnait. Dès quatre heures du matin, Himmler était à Vienne, premier représentant du gouvernement nazi. Peu après, Heydrich, venu dans son avion personnel, les rejoignit. La Gestapo installa son quartier général à Morzinplatz. Le chancelier Schuschnigg y fut détenu pendant plusieurs semaines et traité de la façon la plus inhumaine avant d'être interné dans le camp de concentration où il devait demeurer jusqu'en mai 1945. Dès le début d'avril, Himmler et Heydrich s'étaient préoccupés d'installer un camp en Autriche : ce fut Mauthausen dont la sinistre réputation s'étendit au monde entier.
Les locaux de la Gestapo abritèrent un autre détenu de marque, le baron Ferdinand von Rothschild, arrêté l'un des premiers et dont l'hôtel particulier, un palais situé Auf der Wieden, était occupé par les services du SD. Heydrich avait déclaré que le baron devait être considéré comme son prisonnier personnel. Ses repas lui étaient apportés par un traiteur viennois et l'on se perdit en conjectures sur les raisons de ces mesures de faveur. Il semble qu'il faut en chercher l'explication dans le fait que le baron était lié avec le duc de Windsor. Or, Hitler cherchait à séduire certains milieux britanniques. Il parait probable que les mesures de bienveillance appliquées au baron de Rothschild, ami de l'exEdouard VIII, s'adressaient à celui-ci par personne interposée.
Heydrich en profita cependant pour réaliser une fructueuse opération et obtint du baron l'abandon de tous ses biens en Allemagne en échange de sa liberté, c'est-à-dire l'autorisation de quitter le Reich librement pour gagner Paris.

Fuites, suicides et arrestations

L'épuration commença dans la matinée du 12 mars 1938 pendant que Schellenberg remplissait sa mission qui consistait à s'emparer des codes et des archives du chef du service secret autrichien, le colonel Ronge, avant les membres du service de renseignements militaires, l'Abwehr, qui n'arrivaient qu'avec les premières troupes.
A Vienne, la foule applaudit les « vainqueurs » cependant que les socialistes attendaient la suite des événements et que les Israélites, connaissant les mesures prises en Allemagne contre leurs coreligionnaires, fuyaient ou se suicidaient. De nombreux membres de l'ancienne classe dirigeante autrichienne en firent autant. Le nombre des victimes ne fut jamais publié, mais il est certain qu'il atteignit plusieurs centaines. Il faut y ajouter les nombreuses personnes assassinées par les tueurs nazis pendant les trois premiers jours de l'occupation.
Des centaines d'autres furent arrêtées et envoyées dans les camps de concentration, notamment le grand-duc Max et le prince Ernst von Hohenberg, fils morganique de François-Ferdinand. Quant aux socialistes et autres opposants de gauche, ils furent arrêtés en masse. A la mi-avril, on comptait près de quatre-vingt mille arrestations, à Vienne seulement.
Enfin, la Gestapo se manifesta par deux assassinats retentissants. L'un était assez inattendu. Le jour même de l'entrée des troupes en Autriche, des agents de la Gestapo enlevèrent le conseiller d'ambassade, baron von Ketteler, qui avait été le conseiller le plus intime de von Papen, alors ambassadeur d'Allemagne à Vienne. Au bout de trois semaines les eaux du Danube rejetèrent son cadavre. Bien que les mobiles de cet assassinat n'aient jamais été éclaircis, il semble qu'il fut une sorte d'avertissement « à la cantonade » adressé à von Papen que l'on soupçonnait de jouer le double jeu. Heydrich croyait que Ketteler était allé mettre certains papiers importants en sécurité en Suisse sur la demande de von Papen. Au même moment, von Papen fut relevé définitivement de ses fonctions à Vienne. Il devait, quelque temps après, être envoyé à Ankara. Faisant montre de son habituelle lâcheté, il n'avait pas davantage protesté pour l'assassinat de Ketteler qu'il ne l'avait fait pour ceux d'Edgar Jung et de von Bose, le 30 juin.
Le second assassinat surprit moins : le général Zehner, que le président Miklas avait voulu désigner pour succéder à Schuschnigg, tomba sous les coups des tueurs noirs qui ne lui avaient pas pardonné son opposition au putsch de 1934. Le matin du 12, le major Fey, qui avait pourtant joué un rôle considérable dans le putsch manqué de 1934, se suicidait après avoir tué de ses mains sa femme et son fils.

Jusqu'à la catastrophe finale

Le « gouvernement » Seyss-Inquart, constitué le 12 mars au matin, comprenait le Dr Ernst Kaltenbrunner, chef des SS autrichiens, ministre de la Sûreté, et le Dr Hüber, notaire et beau-frère de Güring, ministre de la Justice. Enfin, Seyss-Inquart, promu Reichstatthaller, fut flanqué de deux doublures placées par le Parti, le chargé d'affaires Keppler et le commissaire du Reich Bürckel, spécialiste de la mise au pas.
Désormais, le destin des Autrichiens était en bonnes mains.
Le 13 mars, à dix-neuf heures, Hitler fit une entrée triomphale à Vienne, accompagné de Keitel, chef de l'OKW. Le même jour une loi réunissait l'Autriche au Reich sous le nom d'Ostmark, « Marche de l'Est », mesure que Hitler annonça le 15 à la Hofburg de Vienne, en ces termes : « J'annonce au peuple allemand l'accomplissement de la mission la plus importante de ma vie. »
Ainsi, six millions d'Autrichiens furent liés au destin de l'Allemagne et durent le suivre jusqu'à la catastrophe finale. Et pour que la mise au pas fût complète, une ordonnance prise par Frick, ministre de l'Intérieur, le 18 mars 1938, autorisa le Reichsführer SS Himmler à prendre toutes mesures de sécurité qu'il jugera utiles en Autriche.
Si les services policiers avaient pesé dans l'affaire autrichienne, leur rôle allait être plus important dans la crise tchécoslovaque.
Le 20 février 1938, Hitler avait prononcé un grand discours au Reichstag. Après avoir insisté sur l'union indissoluble du Parti, de l'armée et de l'Etat, il avait affirmé que les Allemands n'étaient plus disposés à laisser opprimer dix millions de leurs frères vivant au-delà des frontières du Reich. L'Anschluss avait permis de ramener 6 millions 500 000 Autrichiens dans le sein de la patrie allemande, on pouvait comprendre que ceux qui manquaient étaient les Allemands vivant en Tchécoslovaquie.