Un état rayé de la carte

Les accords de Munich

Les accords de Munich signifiaient pour la Tchécoslovaquie sa condamnation à mort. La perte des Sudètes aiguisait également l'appétit des autres ennemis de Prague. La Pologne et la Hongrie s'emparèrent de 12 000 km2 de territoire tchèque. Les provinces de Slovaquie et de Ruthénie exigèrent et obtinrent une large autonomie.
Si vous aimez ce site ne bloquez pas l'affichage des publicités... Merci !

Une vague de soulagement

retour de Daladier apres les accords de Munich en 1938
Dans l'avion qui le ramenait à Paris, Daladier se sentait profondément déprimé. En abandonnant les Tchèques, la France trahissait un engagement solennel datant de 1924. Daladier s'attendait à être accueilli par des démonstrations d'hostilité. A son grand étonnement, la foule massée à l'aéroport et tout le long du parcours jusqu'à Paris lui fit une bruyante ovation (photo). Les imbéciles, murmura-t-il, ils m'acclament. Pourquoi ?
Chamberlain, lui, paraissait ravi. Il s'était attardé à Munich pour présenter à Hitler un document d'une seule page visant à garantir l'avenir. Il s'agissait d'une déclaration signée des deux hommes par laquelle ils affirmaient que les accords de Munich ainsi que l'accord naval de 1935 étaient «symboliques du désir de nos deux peuples de ne jamais plus se faire la guerre». Hitler semblait enchanté de signer mais, au fond, il était contrarié que Chamberlain l'eût aidé à remporter une victoire pacifique à Munich. Ce type m'a privé de mon entrée à Prague ! explosa-t-il.
A Londres, la foule s'était massée autour de la résidence du Premier ministre au 10 Downing Street, pour l'acclamer à son retour. Chamberlain apparut à une fenêtre, brandit l'accord avec Hitler et laissa éclater sa joie. Mes amis... voici venue d'Allemagne une paix dans l'honneur. Je crois que c'est la paix pour notre temps. La Chambre des Communes vota la confiance. Il partit alors pour l'Écosse prendre quelques jours de repos et pêcher le saumon dans la Tweed.
Une vague de soulagement se propagea à travers le pays. Toute cette nuit-là, les pubs furent emplis de bandes joyeuses, de gens heureux, enfin rassurés, qui se sentaient l'esprit délivré d'un énorme souci. Le matin suivant, la presse britannique fit une plus large place au document que Chamberlain avait signé seul avec Hitler qu'à celui qu'il avait paraphé avec Hitler, Daladier et Mussolini, ce qui eut pour effet de prolonger pendant plusieurs jours ce climat d'euphorie.
Mais, peu à peu, les détails des accords sur la Tchécoslovaquie commencèrent à être connus. Le sentiment de l'impasse dans laquelle l'Angleterre venait de s'engager ainsi que la honte de la mauvaise action qui avait été commise firent progressivement leur chemin dans la conscience du peuple anglais. Le démebrement de la « démocratie modèle » commença sur-le-champ. Le 1er octobre 1938, les troupes allemandes avaient envahi le territoire des Sudètes et, en moins de vingt-quatre heures, les revendications polonaises pour le retour de Teschen à la Pologne avaient été satisfaites. Les Tchèques n'eurent d'autre ressource que d'accepter. Puis, à la fin du mois, Hitler et Mussolini se mirent d'accord sur un nouveau tracé de frontière entre la Tchécoslovaquie et la Hongrie, opération qu'ils annoncèrent au monde comme étant l'a arbitrage de Vienne.

Une voix dans le désert

Au cours des années 30, Winston Churchill n'occupait aucun poste au gouvernement. Beaucoup pensaient qu'il avait entièrement « vidé son carquois » et qu'il n'était plus rien que l'enfant terrible de la politique anglaise. Bien peu avaient compris la signification des mises en garde en face de la montée de Hitler et du national-socialisme. Plus Hitler accumulait les succès et moins la voix de Churchill trouvait audience. Même après Munich, lorsque les Anglais se réjouissaient, Churchill ne se laissa pas abuser. Au cours d'une allocution à la Chambre des communes, il proclama :
« Je ne reproche pas à notre loyal et généreux peuple qui était prêt à faire son devoir à quelque prix que ce fût, qui n'a jamais fléchi sous la tension de ces derniers jours, je ne lui reproche pas cette explosion de joie spontanée, et toute naturelle, ce cri de soulagement qu'il a poussé en apprenant que l'épreuve si redoutée ne lui serait pas imposée pour l'instant ; mais le peuple anglais doit savoir la vérité. Il doit savoir qu'il y a eu des négligences grossières et de grandes faiblesses dans l'organisation de notre défense ; il doit savoir que nous venons d'essuyer une défaite sans avoir fait de guerre et que les conséquences de cette défaite nous accompagneront longtemps ; il doit savoir que nous acons couvert une terrible étape de notre histoire, quand l'équilibre de l'Europe a été bouleversé... et ne croyez pas que ceci soit la fin. C'est seulement le début de l'expiation. C'est seulement la première gorgée, l'avant-goût de la coupe d'amertume qui nous sera offerte jour après jour, tant que nous n'aurons pas recouvré assez de santé morale et de vigueur martiale pour nous relever et reprendre, comme jadis, notre place à la pointe du combat pour la liberté. »

Hitler n'était plus un gentleman

Le Dr Benès donna sa démission de président de l'Etat tchécoslovaque et alla résider en Angleterre. Malgré cet exil, il pouvait se considérer comme l'un des moins défavorisés parmi ses concitoyens. Durant l'hiver qui suivit — 1938/1939 — le démembrement de la Tchécoslovaquie s'aggrava : Hitler multipliait les causes de discorde entre les différentes nationalités qui avaient, jusque-là, vécu en bonne intelligence et élargissait le fossé entre Tchèques et Slovaques. Mais d'autres voix que celle de Hitler se faisaient maintenant entendre et les Anglais eurent rapidement mauvaise conscience de ce qu'ils avaient laissé s'accomplir. Les Allemands perdirent leur popularité et la Tchécoslovaquie se vit entourée d'une aura romantique semblable à celle de la « courageuse petite Belgique », entre 1914 et 1918. De nombreux Britanniques se rendirent compte, avec amertume, que les forces à opposer éventuellement à l'Axe venaient d'être amputées d'un million de soldats bien entraînés et qu'elles perdaient l'avantage d'un système de fortifications efficace. De plus, les usines Skoda allaient maintenant produire des chars pour les dictateurs.
Le 14 mars 1939, encouragée par Hitler, la province de Slovaquie se déclara indépendante et se sépara de la Tchécoslovaquie. Le même jour, les troupes allemandes, parties de leurs bases en territoire sudète, pénétraient dans Prague, mettant ainsi la main sur la Bohême et la Moravie. Le jour suivant, avec un cynisme qui dut choquer même ceux qui avaient coopéré avec lui, Hitler acceptait le protectorat de Slovaquie, une Slovaquie dont l'indépendance n'avait finalement duré que vingt-quatre heures ! C'est ainsi qu'un Etat moderne fut rayé de la carte du monde pour plusieurs années.
Le 17 mars, ses yeux s'étant enfin dessillés, M. Chamberlain accusa ouvertement Hitler d'avoir manqué à sa parole. Hitler n'était plus un gentleman ; il est même probable qu'il n'en a jamais été un...
Invasion de la Tchécoslovaquie en mars 1939

Les conséquences des accords de Munich

Aux termes de l'accord de Munich, Hitler obtenait en substance ce qu'il avait demandé à Godesberg, et la commission internationale, s'inclinant devant ses menaces, lui accorda bien davantage encore. Le règlement final du 20 novembre 1938 obligeait la Tchécoslovaquie à céder à l'Allemagne 28 600 kilomètres carrés de territoire, où habitaient 2 800 000 Allemands des Sudètes et 800 000 Tchèques. Dans cette zone se trouvaient toutes les importantes fortifications tchèques, qui constituaient jusqu'alors la ligne de défense la plus formidable d'Europe, à l'exception peut-être de la Ligne Maginot.
Mais ce n'était pas tout. Le système des communications, ferroviaire, routier, télégraphique et téléphonique était entièrement bouleversé. Selon les chiffres officiels allemands, le pays démembré avait perdu 66% de son charbon, 80% de sa lignite, 86% de ses produits chimiques, 80% de son ciment, 80% de ses textiles, 70% de son fer et de son acier, 70% de son énergie électrique et 40% de son bois d'oeuvre. Une nation industrielle en pleine prospérité se voyait du jour au lendemain découpée et réduite à la faillite.