Sauver les naufragés
du Laconia

L'affaire du Laconia

le Laconia disparaît au fond de l’eau, et seuls subsistent quelques canots et des naufragés
par centaines, ballotés par les vagues. Prenant
pleinement la mesure du désastre, Hartenstein donne
l’ordre d’en recueillir le maximum.
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Bon appetit, mesieurs les Anglais !

Werner Hartenstein, l'homme qui coula le Laconia
L’homme qui vient de couler le Laconia, Werner Hartenstein, est un capitaine de corvette de trente-trois ans. Il commande le sous-marin allemand U 156, un beau bâtiment lancé en octobre 1941 et dont l’équipage est
composé uniquement de volontaires. Ils font une confiance aveugle à ce sportif toujours vêtu, même en pleine canicule, de façon irréprochable. Il suffit de considérer, sous la casquette blanche, son large front, son nez en bec d’aigle, ses yeux enfouis dans les orbites et ses joues creuses pour comprendre les raisons de l’autorité dont il jouit. Il a choisi sa voie au moment où le traité de Versailles ne laissait à l’Allemagne qu’une marine fantôme. Parmi les six cents qui se présentaient alors, on n’acceptait par an qu’une dizaine d’élèves officiers. Après avoir échoué en 1926, Werner a été reçu en 1928. Il a d’abord navigué comme simple marin. Après quoi, il est passé aspirant, puis officier.
L’U 156 a quitté Lorient le 15 août 1942. Mission : doubler le cap de Bonne-Espérance, gagner le canal de Mozambique et couler tout navire portant les couleurs de l’ennemi. Dans l’Atlantique, l’U 156 ne se sent pas
seul. Quatre autres sous-marins naviguent de conserve, ratissant en quelque sorte l’océan et nettoyant un secteur de mer sur 50 milles.
Le 12 septembre, à 11 h 37 (heure allemande), l’homme de garde du sous-marin, sur bâbord arrière, donne l’alerte : « Une fumée à droite, 230 ! »
Aussitôt, Hartenstein commande de passer de la vitesse de croisière (10 noeuds à 16 noeuds). Conformément aux instructions de l’amiral Dönitz, on navigue presque toujours en surface : « Ne plonger que pour assurer la
sécurité du submersible ou pour attaquer de jour. Plonger, c’est faire tomber la vitesse du bâtiment à 7 ou 8 noeuds. » Peu à peu, dans l’après-midi, on gagne sur le navire inconnu. À 15 heures, Hartenstein distingue nettement sa haute cheminée et ses superstructures : celles d’un paquebot ennemi, sans doute anglais. Un transport de troupes ? Peut-être. Dans ce cas, ce bateau est armé. On attaquera donc à la tombée de la nuit, à 22 heures, heure allemande. Soit à 20 heures, heure anglaise.
À 22 h 07, Wemer Hartenstein appuie lui-même sur le levier du tube lancetorpilles n° 1 et, vingt secondes plus tard, sur le levier du tube n° 3. Après quoi, flegmatiquement, il lance :
Bon appétit, messieurs les Anglais !

Les cris des malheureux naufrafés du Laconia

Pendant l'agonie de sa victime, le sous-marin allemand était resté prudemment à l'écart, loin du terrible tourbillon. Les hommes avaient assisté de loin à la mise à l'eau des chaloupes, ils avaient vu s'embarquer les femmes et les enfants.
Maintenant, ils contemplent les milliers d'épaves, poutres, pièces de bois, jonchant la mer et sur laquelle s'accrochent les malheureux naufragés. Ils entendent leurs cris, leurs appels. Soudain, un officier comprend un mot : Aiuto !
On crie en italien, remarque-t-il. Qu'est-ce que cela signifie ?
Faites-en repêcher quelques-uns, ordonne Hartenstein.
Deux hommes sont hissés sur le submersible, et se mettent à parler avec volubilité dans leur langue. Hartenstein comprend quelques mots. Il est atterré : plus de mille Italiens, prisonniers de guerre, se trouvaient à bord du navire coulé.
Il réfléchit à la situation. Par sa faute, quinze cents alliés de l'Axe vont trouver la mort. Bien qu'incompétent en politique, il sait qu'entre Hitler et Mussolini les relations ne sont pas toujours au beau fixe. Le torpillage du Laconia ne va pas arranger les choses.
Que décider? Recueillir les naufragés? Comment faire la discrimination entre amis et ennemis? Faudra-t-il éviter de sauver les femmes et les enfants et remettre à l'eau les Britanniques amenés par erreur à bord du sous-marin ?

Repêcher les naufragés du Laconia

D'un autre côté, l'Allemand n'ignore pas que pendant les opérations de sauvetage il aura toutes chances d'être attaqué par un ennemi.
Rentré dans sa cabine, il médite longuement sur ce dilemme. Puis, il prend sa décision : il va repêcher les naufragés. Les ordres donnés, les hommes aussitôt s'affairent, ramassent au hasard les malheureux accrochés aux planches, délestant les canots chargés à ras bord. Le sous-marin s'emplit vite d'une extraordinaire cohue. Pendant ce temps, Hartenstein rédige un télégramme pour ses chefs.:
Le message arrive à Paris, résidence de l'amiral Dônitz. A son tour, Il passe par toutes les affres des hésitations. Doit-il ordonner à Hartenstein de continuer ce travail de sauvetage ? En ce cas, l'U 156 sera trop petit pour contenir tous les rescapés.
Dônitz peut envoyer d'autres sous-marins à l'aide de l'U 156 mais la manoeuvre ne sera pas sans danger. Quelle aubaine pour l'ennemi désireux d'attaquer tout ce groupe de submersibles affairés à leur tâche ! D'un autre côté, l'amiral voit mal Hartenstein abandonnant les malheureux maintenant qu'il a commencé son oeuvre d'humanité.
Finalement, Dônitz prend sa plume. Il fait téléphoner aux capitaines de corvette Schacht, Wurdemann, Wilamovitz, commandant respectivement l'U 507, l'U 508, l'U 456, d'aller aider leur camarade Hartenstein.
La nuit du 13 au 14 septembre s'est terminée. Maintenant les canots se sont éparpillés. Tassés sur des bancs étroits, glacés, affamés, les naufragés ont trouvé les heures terriblement longues. Mais leur sort est relativement doux par rapport à celui des malheureux cramponnés à des caisses ou à des poutres.
Repêcher les naufragés du Laconia

La réaction de Hitler

L'approche de l'U Boot de Hartenstein a provoqué quelque terreur parmi les Britanniques. Les Allemands n'allaient-ils pas mitrailler les canots? A leur grand soulagement, les naufragés voient que loin de leur vouloir du mal le commandant fait monter à son bord les plus mal en point. Maintenant 193 naufragés dont 21 Anglais sont à bord de l'U 156. Cela fait 250 êtres humains dans ce sous-marin fait pour contenir 60 hommes. En cas d'attaque sera-t-il capable de plonger ?
Hartenstein s'inquiète.
Par mesure de précaution il fait préparer une grande toile blanche de 4 mètres carrés sur la­quelle est cousue une croix rouge. Il envoie par radio un message en anglais dans lequel il indique qu'il n'attaquera pas les sauveteurs à condition de n'être pas attaqué lui-même. Enfin, Dönitz lui ayant demandé des précisions il télégraphie :
J'ai à bord 193 hommes. Des centaines de naufragés surnagent avec des ceintures de sauvetage. Propose neutralisation du lieu d'engloutissement.
Réflexion faite, Dônitz prévient l'amirauté italienne d'avoir à envoyer un bateau sur les lieux. En outre, une partie de la flotte française est ancrée à Dakar. Les Français iront eux aussi au secours des naugragés.
Mais que va dire Hitler de ces initiatives Dônitz n'est pas sans inquiétude. A ce moment, le téléphone sonne : c'est un des subordonnés du grand amiral Raeder qui appelle de Berlin.
Le Führer a pris connaissance de l'affaire du Laconia. Il est très mécontent et vous prie instamment, si vous continuez les opérations de sauvetage, de ne prendre aucun risque pour les U boote. Quant aux sous-marins, ils ont des ordres que je vous confirme : être toujours prêts à plonger.