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Vivre sous la dictature

La mort de Staline


Les dictateurs
du XXe siècle

Le 28 février 1953 au soir, quatre dignitaires partagent le repas du dictateur dans sa datcha de Kuntsevo, près de la capitale. Mais le lendemain, personne n'ose, ou ne veut, bouger en ne le voyant pas reparaître.

Des hypothèses dignes du roman policier

La mort de Staline a fait couler beaucoup d'encre
La mort de Staline, vraisemblablement le 4 ou le 5 mars 1953, a fait couler beaucoup d'encre et suscité d'innombrables hypothèses, souvent dignes du roman-feuilleton. Il est vrai que ce décès tombait à point pour beaucoup. En effet, lors du plenum du Comité central du 16 octobre 1952, Staline s'en était pris aux « capitulards » Anastas Mikoian et Viatcheslav Molotov dont la femme était d'ailleurs en prison depuis 1949. Il avait aussi demandé à être libéré de ses fonctions de secrétaire général et Constantin Simonov, présent, se rappelle la pâleur mortelle qui envahit alors le visage gras de Gheorghi Malenkov, numéro 2 officieux du régime : que le plenum acquiesce à cette proposition de Staline et ce dernier y aurait vu un complot organisé par Malenkov pour l'évincer... Mais le plenum refusa.
Beria non plus n'était pas tranquille. Depuis un an, Staline faisait emprisonner ses fidèles et avait organisé, en particulier contre lui, la provocation du « complot des blouses blanches » . En février 1953, enfin, le Guide suprême avait soumis à des intellectuels juifs soviétiques un appel à déporter tous les Juifs du pays au Birobidjan, la prétendue république juive autonome du fin fond de la Sibérie.
La mort de Staline soulageait tant de victimes désignées que certains n'ont pas pu résister à la tentation d'en faire un meurtre rocambolesque. Toutefois, la vérité est plus simple. Staline est mort de maladie et de ses propres machinations. Les souvenirs des membres de sa garde personnelle son intendant-adjoint ou ses chauffeurs, rassemblés et publiés par Alexis Rybine, donnent un récit fiable de ce dernier épisode.

Staline reste silencieux

Le samedi 28 février 1953 au soir, Beria, Malenkov, Boulganine et Khrouchtchev se rendent chez Staline, dans la villa de Kountsevo. Après un long repas, vers quatre heures du matin, le 1er mars, les invités quittent leur hôte qui monte se coucher. Mais, contrairement à son habitude, le chef ne donne aucun signe de vie alors que midi a déjà sonné. Les heures s'écoulent et l'anxiété des gardes croît. Enfin, à six heures et demie du soir, la lumière s'allume dans le bureau et la salle à manger. Staline reste silencieux. Or, sans y être expressément invité, nul ne peut pénétrer dans son appartement où, par précaution, tous les rideaux sont coupés à la hauteur du genou. A onze heures du soir, l'intendant-adjoint trouve un prétexte pour entrer : le courrier vient d'arriver du Kremlin. Il découvre alors Staline allongé sur son bras plié, conscient mais incapable de parler, et frigorifié. On prévient Malenkov, puis Beria qui appelle à minuit et demi en ordonnant : « Ne parlez de la maladie de Staline à personne et ne téléphonez à personne ! »

Staline mort de son excès de confiance

La mort de Staline
Le 2 mars, à sept heures et demie du matin, Khrouchtchev vient annoncer à la villa l'arrivée prochaine de médecins. Ceux-ci se présentent vers neuf heures et, les mains tremblantes, auscultent le patient qui est resté quatorze heures sans soins. Ils font une injection de camphre, appliquent des sangsues et pratiquent la respiration artificielle, sous les menaces de Beria qui ne cesse de les interpeller. Un spécialiste en réanimation, convoqué, ne reçoit pas la moindre directive. Rien d'étonnant si, dans la confusion régnante, personne n'a remarqué, semble-t-il, l'heure exacte de la mort de Staline, sans doute le 4 mars au soir. Il fallut aux héritiers politiques le temps de se concerter avant d'annoncer la triste nouvelle. Le 5 mars au soir, l'embaumeur officiel fut invité à se rendre dans un laboratoire près du Mausolée où le corps de Staline avait été transporté. Il venait à peine de succéder à l'embaumeur de Lénine, Sbardski, que Staline avait fait arrêter en 1952... pour espionnage.
Étrange faiblesse pour un homme que l'on décrit si rusé : liquider ses médecins à soixante-treize ans quand on souffre d'artériosclérose et d'hypertension ! Staline est mort de son excès de méfiance. C'était son dernier meurtre, le seul qui ait jamais été involontaire, le seul où l'assassin et la victime se sont enfin
retrouvés.

Fiche-lui la paix !

Beria à la mort de Staline
Quatre mois plus tôt, Staline avait fait arrêter les médecins chargés de le soigner pour monter la sinistre provocation des prétendus assassins en blouse blanche. Il avait même éloigné son secrétaire personnel, Poskrebychev, qui, aide-soignant de métier, s'occupait quotidiennement de lui auparavant. Il était seul. A trois heures du matin, le 2 mars, Beria et Malenkov arrivent en voiture et sans médecin. Beria trouve que Staline a l'air paisible. « Le camarade Staline est plongé dans un profond sommeil (...) Fiche-lui la paix », dit-il à l'intendant. Le 1 er mars, Staline venait d'être élu triomphalement avec 100% des voix dans les huit circonscriptions où il avait daigné se présenter aux élections pour les soviets locaux.
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Les derniers invités du "Petit Père des peuples"
Lavrenti Beria
Né en 1899, ce compatriote géorgien de Staline participe à la révolution de 1917. En 1921, il intègre la Tcheka, la police secrète soviétique, puis devient chef du NKVD. Il préside à toutes les grandes purges, a la haute main sur le goulag et supervise la mise au point de l'arme nucléaire. Évincé par Khrouchtchev, il est condamné et exécuté le 23 décembre 1953.
Gueorgui Malenkov
Ce descendant d'aristocrates, né en 1902, devient membre du bureau politique en 1941 et gagne la confiance de Staline. En 1953, il se pose en rival de Khrouchtchev et ne se prête pas à la déstalinisation. II reste pendant deux ans, président du Conseil des ministres. Exclu du PC en 1961, il finit sa carrière comme directeur de centrale électrique. II meurt en 1988.
Nikolaï Boulganine
Celui qui, en 1955, succède à Malenkov à la présidence du conseil des ministres est né en 1895. Promu maréchal et vice-premier ministre en 1947, il avance dans l'ombre de Khrouchtchev qui finit par le démettre de ses fonctions ministérielles, en 1958. Il est finalement exclu du Comité central en 1960. Il décède quinze ans plus tard.
Nikita Khrouchtchev
Né dans une famille de paysans en 1894, « Monsieur K » entreprend son ascension au sein du Parti dans les années 1930 grâce à Staline. À la mort de celui-ci, devenu Premier secrétaire du Comité central, il conduit la guerre froide face aux Américains, jusqu'à son éviction en 1964 par Leonid Brejnev. Ses obsèques auront lieu en 1971.