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Qui est Léon Blum ?

La victoire, en 1936,
du Front Populaire

"L'homme de 36", est aussi l'homme des refus. Refus du communisme totalitaire, refus du fascisme et du nazisme, refus de la défaite de 1940 et de la collaboration. Retour sur une trajectoire exemplaire.

La rencontre décisive de sa vie : Jean Jaurès

Léon Blum et Jeau Jaurès
Il naît à Paris en 1872 dans une famille issue du judaïsme alsacien exerçant dans la capitale le commerce des rubans. Y règne une certaine aisance, l'harmonie, le goût de la musique. On célèbre décemment les fêtes juives. A l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, qu'il intègre à 17 ans, ce jeune homme très doué ne trouve pas sa voie. Sa désinvolture déplaît. On le prie de s'écarter: il ne sera ni Sartre ni Aron. Mais il y a rencontré un homme, Lucien Herr, le bibliothécaire, qui marquera sa vie. Cet intellectuel, alsacien lui aussi, ne lui donnera pas seulement la passion des livres, mais aussi et surtout ses premières leçons de socialisme. Et c'est Lucien Herr qui l'informe du caractère scandaleux des poursuites contre Dreyfus et se fit son mentor tout au long de la crise à laquelle Léon Blum consacrera quarante ans plus tard un très beau livre, Souvenirs sur l'Affaire.
Normalien manqué, c'est dans le droit que Léon Blum déploiera d'abord son grand talent, s'imposant au Conseil d'État comme un juriste non seulement compétent mais prestigieux. Certains de ses « arrêts » sont restés exemplaires. Ce n'est pourtant pas le droit qui lui apporte la notoriété, plutôt la critique littéraire, et surtout dramatique. Dans La Revue blanche, animée par les frères Natanson et l'étrange Félix Fénéon, virtuose de l'information en une phrase (elle-même laconique), Léon Blum devient l'un des grands critiques des premières années du siècle non sans s'attirer quelque duel...
Mais la rencontre décisive, en ce sens (on peut même dire, en général...) est celle qu'il fait de Jean Jaurès (gauche) à la fin du siècle, ce Jaurès dont les articles en faveur de Dreyfus l'ont bouleversé et dont l'autorité intellectuelle s'impose d'emblée à lui. Si fortes soient les sollicitations qui le tirent vers le théâtre et le droit (et l'amitié d'André Gide), c'est la pensée et le personnage de Jaurès qui dominent et orientent sa vie.
L'assassinat de Jean Jaurès, à la veille du déchirement du conflit de 1914, est pour lui comme celui d'un père : la foudre. Ceux qui viennent s'incliner devant la dépouille du tribun pacifique (Barrès, entre autres) saluent en lui, dressé devant le cercueil, l'héritier et le dépositaire des leçons du fondateur de L'Humanité. Ce qui n'empêchera pas Léon Blum de rejoindre les partisans de l'« Union sacrée » face à l'ennemi, impliquant son maître à penser, non sans excès peut-être, dans son ralliement.

Le congrès de Tours

Léon Blum dans un congrès
Cette fidélité à l'Union sacrée allait être une cause majeure de sa défaite au congrès de Tours, réuni à la fin décembre 1920 par le Parti socialiste, en vue d'une redéfinition et d'une reconstruction. En avril 1919, lors d'une réunion préparatoire, Léon Blum a constaté que si la majorité des militants reconnaissent bien en lui le meilleur disciple de Jean Jaurès et le seul digne de reprendre le flambeau, le « défensisme » et l'Union sacrée étaient quasiment mis hors la loi du parti. Les raisons d'estimer Léon Blum en ses diverses incarnations ne manquent pas. Mais peu sont aussi bonnes que celles qu'appelle son comportement lors de congrès.
Grâce à une majorité de « pacifistes » dont la vindicte était envenimée par ceux qui (tels Marcel Cachin et Paul Vaillant-Couturier) avaient déjà choisi de placer le Parti socialiste sous la férule du bolchevisme importé de Russie (représenté par de notoires délégués de Moscou, comme Clara Zetkin, avocate de la soumission aux « 21 conditions » posées par Lénine pour adhérer à la Ille Internationale), le disciple de Jaurès fit front.
Son intervention, où il dénonce déjà toutes les tares impliquées dans le programme de Moscou, et qui peuvent se résumer dans le mot de « totalitarisme », est d'une clairvoyance stupéfiante: relire son discours du 27 décembre, c'est déjà lire l'histoire terrible du bolchevisme, le supplice infligé à la démocratie au nom du « socialisme ». Peine perdue : le congrès avait, d'emblée, fait son choix; la guerre fut le mal, Lénine est le bien. Blum, traité de « scissionniste », ne peut que constater l'isolement où se retrouvent ses amis (Alexandre Bracke-Desrousseaux, Pressemane, et aussi Paul Faure et Longuet, pacifistes mais démocrates) et lui-même : ils ne peuvent que se retirer dans une salle voisine pour poser les bases de la reconstruction, très minoritaire, d'un Parti socialiste non inféodé au pouvoir bolchevique. Un parti désormais privé de la plupart de ses moyens d'action, à commencer par L'Humanité, passée sous le contrôle des majoritaires. Il lui reste à reconstruire ce qu'il appelle « la vieille maison ».

L'embellie est de courte durée

Très vite vont s'accumuler revendications et sabotage patronal limité cependant par les « accords de Matignon », qui permettront une certaine cohabitation entre le patronat éclairé et le gouvernement, et le vote rapide des deux textes qui donnent son sens et sa popularité au cabinet Blum: ceux qui établissent la semaine de 40 heures et les « congés payés ». Changer la vie? Ce vieux rêve des organisations sociales, le Front populaire de juin 1936 l'a réalisé, pour un temps. Les paysans ont vu la mer, les « loisirs » (confondus avec le sport) relèvent désormais de la responsabilité gouvernementale, confiés à l'excellent Léo Lagrange.
Mais ce ne sont pas seulement les résistances patronales et politiques qui vont abréger cette « embellie » (pour reprendre le mot de Blum) c'est aussi, au-delà des Pyrénées, le soulèvement déclenché par le général Franco. Ce conflit entre une république qui, pour modérée qu'elle soit en 1936, est l'homologue de celle de Paris, et le nationalisme armé, préfigure ce qui pourrait advenir en France. Et si, se refusant aux sommations des communistes, de la gauche de son parti et de nombreux démocrates comme Pierre Mendès France et Pierre Cot, Blum refuse de se porter au secours de ses amis de Madrid, c'est pour partie parce que ses alliés anglais l'en détournent ; c'est surtout pour ne pas importer au nord des Pyrénées un conflit que rêvent de reprendre à leur compte bon nombre de militaires et de militants politiques français. D'où cette tragique, humiliante « non-intervention » qui permettra à Franco et aux siens, armés par Mussolini et par Hitler, de prendre pied à la frontière méridionale de la France alors que la réoccupation de la Rhénanie par Hitler (avant l'instauration du gouvernement Blum) et les rodomontades de Mussolini avaient manifesté l'imminence de l'entrée en guerre des puissances fascistes.

Blum parvient enfin au pouvoir

Léon Blum dans son bureau
Seize ans. C'est ce qu'il lui faudra, en dépit de la vague nationaliste qui submerge le pays pendant une décennie, en dépit des divisions internes du parti désigné par les quatre lettres SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière) et de la pression implacable qu'exerce sur lui le parti de Cachin, puis de Maurice Thorez, pour mettre les rescapés du grand orage de Tours en mesure de réformer profondément la société française.
Ce qu'il se donne pour objectif, à travers les péripéties de la politique des partis et de la lutte des classes, ce n'est pas la conquête du pouvoir, qui implique le recours à la violence et des pertes humaines, mais son « exercice », qui relève de la pression sociale et électorale, et de la stratégie parlementaire.
La « lutte des classes » ? Il ne saurait l'exclure, tant elle est intégrée au socialisme jauressien. Mais sa démarche est profondément démocratique. Quand il est privé de son mandat de député parisien par un concurrent communiste expressément chargé de cette mission, il trouve à Narbonne un électorat fidèle.
Il pratique les alliances avec les diverses forces de gauche dont s'excluent jusqu'en 1935 ses « camarades » communistes, et soutient, sans y participer, le gouvernement du « bloc des gauches » dès lors que son chef radical, Edouard Herriot, amorce une politique sociale à l'intérieur et pacifique à l'extérieur.
Mais ce n'est qu'en 1936 que le meilleur disciple de Jaurès parvient enfin à l'exercice du pouvoir, à l'issue de la victoire électorale du Front populaire, le 3 mai.
bas
1872- Naissance de Léon Blum à Paris.
1896- Devient membre du Conseil d'Etat.
1902- Adhère au parti socialiste français de Jaurès.
1914- Entre dans le gouvernement d'Union sacrée.
1920- Refuse l'adhésion de la SFIO à la Ille Internationale communiste, au congrès de Tours.
1940- Refuse les pleins pouvoirs à Pétain, le 10 juillet. Il est arrêté le 15 septembre.
1943- Détenu à Buchenwald, il est transféré vers l'Italie et libéré en 1945.
1950- Décède à Jouy-en-Josas.