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L'extrême droite
se déchaîne contre Blum

La victoire, en 1936,
du Front Populaire

Parce que Léon Blum symbolise à lui seul le socialisme et le
Front populaire, il sera l'homme le plus diffamé de France.
On imagine mal aujourd'hui la virulence d'une presse d'opinion qui n'hésitait pas à diffuser de fausses informations quand elle n'en appelait pas tout simplement au meurtre.

A mort Léon Blum

agression contre Léon Blum le 13 février 1936
Les vitres de la voiture volent en éclats. Au cri de « A mort Blum ! » une cinquantaine de jeunes militants du service d'ordre de l'Action française, des Camelots du roi, prend violemment à partie un véhicule à bord duquel ils ont reconnu, par hasard, Léon Blum. Ce 13 février 1936, soit deux mois avant la victoire du Front populaire, les monarchistes sont dans la rue ; ils enterrent l'un des leurs, l'historien et académicien Jacques Bainville. Massée aux abords du boulevard Saint-Germain, à cent mètres de l'Assemblée nationale, la foule attend le passage du cortège funèbre. Il est midi lorsque Léon Blum quitte la Chambre des députés et s'installe sur la banquette arrière de la voiture de son ami Georges Monnet, élu socialiste de l'Aisne.
A peine le véhicule s'est-il engagé dans le boulevard que les passagers prennent conscience du danger et tentent de bifurquer dans la rue de l'Université. Trop tard. Aux injures succèdent les coups. Léon Blum est frappé au visage et reçoit un violent coup de barre de fer à la tempe, au-dessus de l'oreille gauche. La chemise maculée de sang il veut se réfugier chez le gardien d'un immeuble qui, effrayé, se terre dans sa loge.
C'est au numéro 98 de la rue de l'Université que le chef de file de la SFIO échappe aux Camelots, protégé par des ouvriers travaillant à la réfection du bâtiment. Affaibli par l'hémorragie, Blum, alors âgé de soixante-quatre ans, passera plusieurs semaines de convalescence à Muret près de Toulouse dans la propriété de Vincent Auriol.
Cette blessure ne fut pas sans conséquence puisqu'elle empêchera le leader socialiste de participer activement à la campagne électorale qui le portera au pouvoir. « Je sais maintenant ce que veut dire le lynchage », écrira simplement Léon Blum.
L'émotion provoquée par cette agression est considérable, et trois jours plus tard 200 000 personnes manifestent, poing levé, du Panthéon à la Bastille, préfigurant la vague rose-rouge du mois d'avril. Au siège des Camelots du roi, les policiers retrouvent le légendaire chapeau noir, la cravate et le col de chemise taché de sang. A la demande du président du Conseil, Albert Sarrault, les députés y compris certains élus de droite votent la dissolution de la ligue d'Action française. Pour ses articles, Charles Maurras est inculpé de provocation au meurtre. Il sera condamné à huit mois de prison. L'émotion est d'autant plus vive que l'« odieux attentat » est perçu comme le prolongement d'une campagne de presse d'une incroyable violence. Blum est désigné à longueur de colonnes comme « l'ennemi public numéro un ».

L'élimination de Blum; une obsession

Charles Maurras contre Léon Blum
L'élimination de Blum est pour Maurras (gauche), qui exerce alors une sorte de magistère moral sur l'intelligentsia de droite, une obsession. En avril 1935, dans L'Action française, il trempe sa plume dans le venin « C'est [Blum] un monstre de la République démocratique. C'est un homme à fusiller, mais dans le dos ». Toujours dans L'Action française en octobre de la même année : « Vous avez quelque part un pistolet automatique, un revolver, ou même un couteau de cuisine ? Cette arme, quelle qu'elle soit, devra servir contre les assassins de la paix dont vous avez la liste ». Et le 15 mai 1936, Maurras récidive, malgré les sanctions dont il a été l'objet : « C'est en tant que Juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum [...] ».
La palme de l'abject revient à Jean Renaud, chef de la ligue Solidarité française, qui définit le 8 février 1936, soit une semaine avant l'agression du boulevard Saint-Germain, le programme de son mouvement s'il venait à prendre le pouvoir : « A 6 heures, suppression de la presse socialiste ; à 7 heures, la franc-maçonnerie est interdite ; à 8 heures on fusille Léon Blum [...] ». Et de fait la perspective d'un passage à l'acte amène Léon Blum à faire « vérifier les gonds et les portes » et à « réparer les vieilles serrures » de son appartement du quai de Bourbon comme en témoigne une facture de 1935 retrouvée par l'historien Han Greilsammer dans les archives du fonds Blum à Moscou. Éreinté par la presse d'extrême droite depuis ses premiers engagements en faveur de Dreyfus puis aux côtés de Jaurès, Léon Blum donne l'apparence d'un homme blindé qui méprise ses détracteurs.

Tous les moyens sont bons. Surtout le mensonge

Carricature de Léon Blum
Pierre Gaxotte écrit : « D'abord, il est laid. Sur un corps de pantin désarticulé, il promène la tête triste d'une jument palestinienne ». Bertrand de Jouvenel l'accuse d'avoir « turquifié la France ». L'objectif est d'ôter sa légitimité à l'homme en faisant croire qu'un étranger, un apatride, gouverne la France. Tous les moyens sont bons. Surtout le mensonge, Selon Le Charivari de juin 1936 : Blum serait natif de Bessarabie et son vrai nom serait Karfunkelstein. Une légende fabriquée par un journal bulgare, Zora, et qui fut propagée à l'envi par les feuilles antisémites.
Pour une fois Léon Blum prit sa plume, deux ans plus tard, pour mettre un terme à cette affabulation qui était systématiquement reprise dans la presse : « Je suis né à Paris, le 9 avril 1872 ; Français de parents français [...] Aussi loin qu'il est possible de remonter dans l'histoire d'une famille plus que modeste, mon ascendance est purement française ». (Le Midi socialiste, 1938).
A l'époque le matraquage sur BlumKarfunkelstein fut tel que cette contrevérité fut malencontreusement reprise par un dictionnaire en 1960 : Blum (Léon Karfunkelstein dit Léon).
Tout comme la tumeur qui voulait que le leader de la gauche fût propriétaire d'une vaisselle d'argent (ou d'or). La légende était si tenace que les organisateurs d'une exposition sur l'argenterie demandèrent, semble-t-il de bonne fois, à Léon Blum s'il acceptait de prêter sa collection...

Agent de Hitler puis de Staline

Affiche de l'extreme droite en 1936
Ses ennemis n'auront de cesse de contester sa nationalité et son patriotisme, de combattre ses idées en stigmatisant ses origines. Candidat dans sa circonscription de Narbonne aux élections législatives de 1936 ses adversaires font de l'antisémitisme leur principal argument : « La ville de Narbonne est-elle encore en France ? Narbonne la Rouge est devenue un coin transplanté de Palestine où les marchands ont réenvahi le Temple... Citoyens de Narbonne, comment pouvez-vous supporter la tyrannie de cet homme d'une autre race », peut-on lire dans Le Courrier de Narbonne, ce qui n'empêchera pas Léon Blum d'être réélu pour la troisième fois. Les journaux d'extrême droite, Je suis partout, L'Action française, Le Charivari, Candide, L'Ami du peuple, Gringoire, dont les tirages avoisinent les 500 000 exemplaires chacun, n'ont pas attendu son arrivée à Matignon pour stigmatiser le « gentleyoutre », « l'abominable métèque » ou la « jument palestinienne ».
Favorable au rapprochement franco-allemand il est, au début des années 30, « l'agent d'Hitler » dépeint au mieux comme un naïf pacifiste par Le Charivari qui le caricature en bergère (« la nouvelle Germania ») pour finalement dénoncer le traître prêt à brader la France aux Allemands. Relayant les éditoriaux des redoutables Henri Béraud dans Gringoire et Léon Daudet dans L'Action française, les caricaturistes affûtent leurs fusains. En une de L'Ami du peuple daté du 19 mai 1935, un jeune soldat français marche sur un excrément représentant Léon Blum et s'écrie : « Ça porte bonheur ! » .
Avec l'arrivée au pouvoir du Front populaire, le leader des socialistes devient cette fois-ci « l'agent de Staline ». Dans la revue satirique Rire, une caricature campe à « l'hôtel Maquignon » un Staline dominateur qui dicte sa politique à un Léon Blum transformé en une secrétaire apeurée. Lorsque la guerre civile espagnole éclate, il est « Blumencita ». Toutes ces caricatures, de même que les éditoriaux qu'elles illustrent, tablent sur un antisémitisme qui va redoubler de virulence dès lors que la gauche accède au pouvoir.
Blum va devenir « l'homme le plus insulté de France » selon l'expression de Jean Lacouture. Le jour de son investiture, le 7 juin 1936, L'Action française titre : « La question juive à la Chambre » et Léon Daudet dans son éditorial considère que « le peuple français n'est mûr ni pour le Talmud ni pour le knout ». Cette nomination à la présidence du Conseil, la plus haute fonction gouvernementale, choque nombre de Français. C'est la première fois qu'un juif accède au sommet du pouvoir, la première fois qu'un marxiste entre à Matignon, et également la première fois que le chef du gouvernement est soutenu par les communistes. Sur sa seule personne Léon Blum cristallise tous les fantasmes d'une frange de l'opinion publique, largement entretenus par la presse d'extrême droite. La politique du Front populaire serait l'émanation d'un « complot judéo-maçonnique ». Blum n'est pas français, c'est le « Juif errant ». Florilège : pour Louis de Launay, Blum est « grand maigre, un peu voûté, les yeux vifs regardant volontiers par-dessus son lorgnon, avec le nez busqué et les pommettes de sa race ». Sous la plume d'Henri Béraud c'est le « dromadaire », pour Maurras le « chameau ou chamelle », « la dormeuse parfumée du quai de Bourbon », « le juif névropathe ».
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ROGER SALENGRO : DEUX FOIS INNOCENTÉ
Le 18 novembre 1936, Roger Salengro se suicide au gaz dans son appartement de Lille, ville dont il était maire. Depuis l'été, le ministre de l'Intérieur est l'objet d'attaques incessantes de la part des journaux de droite et d'extrême droite qui accusent Salengro d'avoir déserté en octobre 1915 alors qu'il était agent de liaison au 233° régiment d'infanterie. Passé à l'ennemi, il aurait été acquitté par un conseil de guerre, mais à l'issue d'un pourvoi contre un premier jugement qui l'aurait alors condamné à mort par contumace pour désertion face à l'ennemi.
La réalité est tout autre. Pour tenter de ramener le corps d'un soldat français il était parti en avant des lignes françaises après autorisation de son supérieur. Fait prisonnier par les Allemands, il fut traduit en conseil de guerre conformément au règlement et déclaré non coupable. Malgré l'avis de la commission présidée par le général Gamelin et le vote de la Chambre des députés, rien n'y fait, Gringoire, « la feuille infâme », ne désarme pas. Dans un article du 6 novembre resté célèbre, intitulé
L'affaire Propengro , Henri Béraud écrit . On a blanchi Salengro, le voilà Propengro De cette aventure il sort purifié, savonné, décrotté, récuré, épongé et rincé...