L'échoppe du coiffeur, dans les villages de campagne, jouxtait souvent le cabaret. Parfois même, il ne s'agissait que d'un seul et même lieu : on attendait son tour en titillant la chopine ou en tapant le carton.
L'auberge de Marcilly-en-Villette était connue dans la Sologne entière. Sur son enseigne, on lisait ceci : Taphalot, PERRUQUIER, donne à boire et à manger. Potage à toute heure avec de la légume. ON COUPE LES CHEVEUX PAR-DESSUS. La formulation, en effet, ne cessait de surprendre.
Au vrai, il ne fallait voir là que le résultat d'une navrante méprise. À la commande du panonceau en question, le tenancier avait seulement spécifié au menuisier:
Tu inscriras "On coupe les cheveux" par-dessus. Sous-entendu: par-dessus les autres indications. Hélas, l'artisan avait la jugeote déficiente, ce jour-là. Le quiproquo donna la pancarte la plus drôle qu'on vit jamais dans les environs !
Les instruments du coiffeur
L'applicateur de poudre adoucissante et cicatrisante (mélange pulvérisé d'oxyde
de titane et d'alun calciné), le blaireau, les brosses, les ciseaux, les fers à friser, les fers à papillotes (ou fers à boucler), la gravoire (réglette en ivoire ou
en os servant à dessiner la raie des cheveux), les peignes,les rasoirs à main et leur affiloir, les tondeuses mécaniques.
Pour se raser, beaucoup d'hommes utilisent encore le "coupe-chou", une lame de rasoir montée sur un manche en corne ou en bois, même si les rasoirs de sûreté tout en métal et utilisant une petite lame souple et rectangulaire gagnent du terrain. Pour leurs clients, les coiffeurs utilisent exclusivement les coupe-chou dont ils aiguisent le fil sur un repasseur tendu de cuir. La pierre d'alun est là pour traiter les petites coupures et calmer le feu du rasoir.
Cosmétiques couramment employés:
La brillantine, la gomina, les lotions parfumées, les pommades capillaires, le portugal (eau parfumée à la bergamote). La "bandoline" était une solution mucilagineuse, obtenue des pépins de coing en macération; les coquettes l'utilisaient pour lisser leurs longs cheveux.
Façons.
Pour ces dames: le coup de peigne, la coupe de cheveux, les frictions, l'indéfrisable, la permanente. Pour ces messieurs : le coup de peigne, la coupe de cheveux (avec raie, rase ou en brosse), les frictions, le rasage, la taille de la moustache ou de la barbe. Un supplément était parfois exigé les mercredis, les samedis et les jours de marché, en raison de l'affluence. Un coiffeur "regradillait" quand il frisait les cheveux d'une cliente à l'aide d'un fer chaud.
Le coiffeur du début du siècle
En ce début de siècle, les salons de coiffure n'existent pas encore. Les femmes aisées reçoivent leur coiffeuse chez elle afin que celles-ci accomplissent leur prodige (on se souvient des coiffures extravagantes de Marie-Antoinette par exemple). Pour les grandes occasions, on confie sa tête aux atourneuses ou atourneresses tandis que les jours , ordinaires, c'est une chambrière qui coiffe longuement la chevelure. Les hommes les plus riches quant à eux avaient parfois recours à des peigneurs de perruque dont les instruments en corne, en bois ou en ivoire pouvaient être richement décorés !
À la campagne, il s'agit juste d'égaliser ou de raccourcir les pointes. On entretient son cheveu, mais il n'est pas question de le couper ou de le coiffer autrement qu'en chignon serré. La seule alternative qui s'offre aux femmes à cette époque-là est de porter le chignon lisse ou tressé, à l'arrière ou au sommet du crâne, suivant la coiffe qu'elle porte. Cela change du tout au tout après la Première Guerre mondiale où les femmes osent enfin se couper les cheveux et se coiffent à la garçonne. Mais cette mode ne dépassera pas les limites des grandes villes, car à la campagne, les paysans n'auraient pas hésité à chasser leurs filles si celles-ci avaient osé suivre la coupe de ces années vraiment "folles" ! D'ailleurs, les hommes ne se préoccupent guère de la mode. En Bretagne, par exemple, la coupe au bol est de rigueur, idéale à la fois pour maintenir en place leur chapeau et cacher un début de calvitie.
Lorsqu'ils ne coupent ou ne coiffent pas les cheveux de leurs clients, les coiffeurs proposent aux indigentes de leur acheter leur chevelure pour quelques francs. Ils rasent ainsi la tête de ces pauvres femmes et revendent ensuite leurs cheveux aux barbiers-perruquiers, qui détiennent le monopole du commerce des cheveux depuis 1718. Au début du XXe siècle, un kilo de cheveux se revend une centaine de francs.
Croyances et supertitions
Croyances.
En général, les hommes se faisaient ratiboiser la tignasse pendant le décours lunaire, car la repousse était plus lente; la même raison interdisait aux femmes d'en faire autant. Dans les Vosges, les cheveux coupés à la nouvelle lune poussaient dru, mais ils tombaient tôt.
Un Orléanais se gardait d'aller chez le coiffeur pendant le décroissant, s'il souhaitait préserver son abondance capillaire. Les Provençaux, atteints de la calvitie, pensaient que leur crâne avait des chances de se regarnir s'ils le lotionnaient quotidiennement avec du jus d'oignon. Mais un homme n'avait pas lieu de se faire des cheveux quand il devenait chauve de bonne heure, puisque c'était le signe de forte virilité.
Superstitions. Un frisson du cuir chevelu indiquait que le diable rôdait à l'entour. En Lorraine, on ne jetait
jamais ses cheveux, arrachés par le peigne, sans avoir craché trois fois dessus : cette précaution empêchait les sorciers de s'en servir à des fins malveillantes.