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Les métiers oubliés...

Ouvrières en 1900

Comment vivaient
nos ancêtres

La plus utile et honorable science et occupation à une femme, c'est la science du ménage. Cette opinion, émise par Montaigne, est toujours d'actualité au début du XXe siècle, comme elle le fut tout au long des siècles précédents. Mais, indépendamment de l'avis que chacun peut avoir sur le propos de Montaigne, force est de constater que la femme occupe hors de chez elle, et notamment dans la grande industrie, une place sans cesse plus importante. « Il n'est pas d'industrie, constate en 1900 Mme Camille Pert, tout en le déplorant, où les femmes ne soient pas employées. » De fait, en 1906, les femmes représentent 37 p. 100 de la population active, soit près de 8 millions de salariées.

Il n'est tenu aucun compte de leur condition de femme

les ouvrières en 1900
Il existe, naturellement, de fortes disparités selon les secteurs. Mais, à y regarder de plus près (et les cartes postales illustrées sont d'excellentes révélatrices du phénomène), on s'aperçoit que les femmes sont présentes, en tant qu'ouvrières, aussi bien dans des professions dites féminines que dans la métallurgie, les mines ou les carrières. Elles y sont, il est vrai, relativement peu nombreuses, mais elles y occupent des postes pénibles, où il n'est tenu aucun compte de leur condition de femme.
Jean-Baptiste Dumay, mécanicien chez Schneider, au Creusot (il deviendra député de Paris-Belleville puis régisseur de la Bourse du travail), remarque que, sur 400 femmes employées sur les chantiers, à peine 10% d'entre elles font un travail qui n'excède pas leurs forces. Il s'agit des veuves d'ouvriers de l'usine, âgées de 45 à 50 ans. Ce sont les seules à exercer une tâche considérée comme un travail de femme : le balayage des parquets dans les locaux où sont installées les machines fixes, notamment les lavoirs ou les broyeuses à charbon.
Des veuves plus jeunes, qu'il rencontre sur d'autres chantiers, sont occupées à des tâches plus rudes, dans l'exploitation des hauts-fourneaux par exemple, où ces femmes, en compagnie de jeunes ouvrières, charrient le minerai de fer dans des brouettes excessivement lourdes. Il y a deux équipes : l'une de jour, l'autre de nuit. Les surveillants sont d'anciens sous-officiers et, souligne Jean-Baptiste Dumay, « la chronique scandaleuse ne chôme pas ! »
Attentives à ce que le salaire de l'une ne dépasse pas le salaire de l'autre, les femmes se jalousent et se disputent entre elles. Les laveuses de charbon gagnent 35 centimes par wagon ; elles lavent en douze heures 4 ou 5 wagons, quand tout va bien, ce qui leur procure, en été, un gain journalier de 1,40 F ou de 1,75 F. Mais, en hiver, la glace gêne le fonctionnement du lavoir et il est rare que leur rendement atteigne 4 wagons. Le salaire moyen journalier se réduit alors à 1,25 F. Dans les périodes de fortes gelées, le lavage est un véritable supplice. Les femmes doivent pousser le wagon devant le lavoir. Il leur faut un temps infini pour, à l'aide de pinces en fer, dégager les roues gelées du véhicule et le faire avancer de quelques mètres sur la voie.
En dehors de l'usine se trouve un grand dépôt de charbon au chargement et au déchargement duquel sont employées des jeunes filles, payées 15 centimes de l'heure. Mais seul le travail effectif est rémunéré, le temps d'attente entre deux wagons ne l'est pas. Quelques femmes âgées sont aussi employées aux fours des grosses forges et aux fours à coke, où, les mains enveloppées dans des chiffons, elles cherchent dans les cendres chaudes les escarbilles assez grosses pouvant encore servir à la combustion.

Un salaire sensiblement inférieur à celui des hommes

ouvrière dans une usine de tissage en 1900
Dans la métallurgie et la sidérurgie, les femmes n'occupent pas seulement des postes de manoeuvres. On trouve au sein de ces industries aussi bien des tailleuses de limes que des conductrices de machines. Pour la fabrication des vis, des clous, des épingles, du matériel de serrurerie, des toiles métalliques, des lampes électriques, des cigarettes ou des cartouches dans les manufactures d'armes, les employeurs ont généralement recours à un personnel féminin, qu'ils considèrent comme particulièrement habile et actif.
C'est aussi le cas dans l'industrie alimentaire, où les femmes sont majoritaires, de même que dans les usines de caoutchouc, de papeterie, de cartonnerie ou de coutellerie. Et l'on sait l'extrême importance des effectifs féminins dans les filatures en tous genres, les usines de tissage, les fabriques de gants, de rubans, de chemises, les manufactures de corsets, de confection, de chaussures, etc.
Quels que soient les emplois occupés, et à l'exception de rares industries comme celle de la taille du diamant, les ouvrières perçoivent touiours un salaire sensiblement inférieur à celui des hommes. À Paris, dans l'industrie, la moyenne des salaires masculins est de 6 F par jour tandis qu'elle n'est que de 3 F pour les femmes.

Le congé de maternité

En cette période où la France connaît une dénatalité inquiétante, la maternité fait l'objet d'une attention toute particulière. Mais celle-ci se manifeste surtout dans la littérature et les beaux-arts, et un député est amené à constater que l'État français alloue chaque année six fois plus de subventions pour combattre la mortalité du bétail que pour enrayer celle des enfants. La loi Enguerrand, votée en 1909, accorde aux femmes salariées un congé de maternité d'une durée totale de 8 semaines, avant et après l'accouchement, et permet aux mamans de retrouver leur emploi. Mais, à l'exception d'une faible allocation octroyée aux mères nécessiteuses, aucune indemnité n'est versée pendant le congé. Seules les institutrices et les employées des P.T.T. bénéficient d'un congé de maternité de 2 mois à plein traitement. Cette mesure sera étendue en 1928 à l'ensemble de la fonction publique.
Des sociétés de bienfaisance s'emploient, ici et là, à adoucir le sort des prolétaires les plus démunies, et le paternalisme, apparu sous le second Empire dans la grande industrie, continue d'être largement pratiqué par un patronat soucieux de paix sociale. C'est à cette sollicitude intéressée que l'on doit, dans les usines du nord de la France, l'organisation par quelques industriels de chambres d'allaitement, destinées à lutter contre la mortalité infantile.

L'amélioration du sort des ouvrières

amélioration du sort des ouvrières
Les dernières années du XIXe siècle ont été marquées par certaines améliorations du sort des ouvrières. Ainsi la loi du 2 novembre 1892 a-t-elle voulu mettre un frein à l'exploitation sans limites des femmes et des enfants dans l'industrie. Il fallait que cessent les journées de 12 ou 13 heures et même davantage. Il fallait en finir avec le travail souterrain des femmes et des enfants dans les mines et les carrières. Il fallait aussi leur épargner le travail de nuit comme les tâches dangereuses et insalubres. Il était souhaitable, enfin, que leur soit concédé ce jour de repos hebdomadaire depuis si longtemps réclamé par les organisations ouvrières. C'est ce que fit la loi de 1892.
Mais ce que fait une loi, une autre peut le défaire. En 1904, afin de mieux concilier la réduction du travail avec les nécessités de l'industrie, le Sénat apporte à la loi de 1892 de profonds remaniements qui remettent en cause nombre de ses dispositions ;depuis le vote de cette loi, beaucoup de dérogations accordées aux entreprises en ont déjà atténué les effets.
C'est ainsi qu'on a autorisé le travail de nuit des femmes et des enfants dans les usines à four continu, dans les conserveries de fruits, de légumes et de poissons, dans les confiseries, dans les fabriques de parfums, de pâtes alimentaires et de biscuits à base de beurre frais ou pour les réparations urgentes sur les navires et les machines motrices. Les dérogations au travail de nuit touchent également les imprimeries, les ateliers de reliure, l'industrie du jouet, la fabrication mécanique des tulles et des dentelles, le dévidage de la soie pour les étoffes et les articles de mode, certains travaux du bâtiment, l'industrie betteravière, etc. Ces dérogations sont toutefois limitées : elles ne doivent pas porter sur plus de 60, 90 ou 120 jours par an, selon les industries concernées. En outre, les chefs d'entreprise sont tenus d'informer les inspecteurs du travail lorsqu'ils font travailler leurs salariées jusqu'à 11 heures du soir...
Le spectacle des femmes et des enfants ployant sous le poids de fardeaux excessifs ou poussant et tirant de lourdes charges finit par émouvoir l'opinion. Fernand Pelloutier, le secrétaire de la Fédération nationale des Bourses du travail, évoque la situation des casseuses de sucre de la Raffinerie parisienne de Saint-Ouen, auxquelles on fait porter, du matin au soir, des plaquettes de sucre pesant 16 kilos, d'un bout à l'autre d'un atelier de 25 mètres de long.
Chaque jour, ces femmes transportent ainsi, à la force des bras, entre 700 et 800 de ces plaquettes. Là encore ont été mises en place des réglementations, mais elles sont, pour la plupart, restées lettre morte. Il faut attendre 1908 pour qu'une loi précise de façon détaillée les charges qu'un patron est autorisé à faire manipuler par les femmes et les enfants, en fonction de leur âge. Dès lors, on ne pourra plus exiger d'une ouvrière qu'elle pousse des wagonnets d'un poids supérieur à 600 kilos ! Cette charge étant ramenée à 300 kilos pour les jeunes filles de 16 à 18 ans.
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