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Les métiers oubliés...

Au bureau de tabac
en 1900

Comment vivaient
nos ancêtres

La vente du tabac fut très tôt réglementée. Pour avoir droit de débit, il fallait l'autorisation des fermiers généraux. seuls habilités à le vendre en gros. Le marchand achetait le tabac en rouleau. pour le rouler lui-même ou le vendre en carottes. Dès le XVe siècle, il fut à la mode de priser ou de chiquer. La pipe était du plus mauvais effet et rares étaient les gentilhommes
qui osaient la porter à la bouche.
En revanche, personne ne se
départissait de sa tabatière et les femmes comme les hommes prisaient de compagnie.
« Le tabac est une chose horrible ; je suis furieuse quand je vois ici toutes les femmes avec le nez sale, comme si elles l'avaient plongé dans l'ordure ; elles mettent leurs doigts dans les tabatières de tous les hommes. »
Les marchands de tabac s'installaient
dans de petites échoppes, très souvent autour du Palais-Royal, et vendaient le tabac roulé dans du papier marbré ou du papier de fantaisie.

Un peu d'histoire

Le 12 octobre 1492, parmi les "Indiens" qu'il approcha sur la plage de Guanahani, une île de l'archipel des Lucayes, Christophe Colomb remarqua deux sauvagesses dont les gestes le surprirent. Elles portaient à leur bouche un bâtonnet d'herbes sèches qu'auparavant elles avaient allumé, et elles en rejetaient la fumée par les narines. Le découvreur, prenant cette façon pour unamusement de primitif, n'y prêta guère attention. Lors de la conquête du Mexique, Fernand Cortez observa la même cérémonie chez l'empereur aztèque Moctezuma.
Les marins et les soldats espagnols ne tardèrent pas à se mettre aux goûts du Nouveau Monde. Bientôt, dans les équipages et les régiments, on chiqua, on prisa, on pétuna.      Vers 1585, sir Walter Raleigh vit là une opportunité prometteuse pour les colonies qu'il possédait en Virginie : fort de ce que la reine Elisabeth le tenait pour son favori, il s'employa à lancer la mode de la pipe auprès des nobles d'Angleterre. En France, un moine franciscain, André Thevet, avait rapporté, dès 1556, des feuilles de "tabacco" et une poignée de graines qu'il avait semées dans son jardin d'Angoulême.
L'ambassadeur de François II au Portugal, l'érudit Jean Nicot de Villemain, s'intéressa de près au plaisir que pouvait procurer l'étonnante habitude de fumer les "tisons" de cette "herbe angoumoisine". Il nomma la plante "nicotiane", en toute modestie, et la présenta à Catherine de Médicis comme une "herbe de merveilleuse vertu contre toutes plaies, ulcères, dartres et autres telles choses". La reine mère en fit maints usages pour calmer ses fréquentes migraines et, à son tour, rebaptisa la miraculeuse médication : ce devint l'herbe "à la Reine", ou l'herbe "médicée". Dès lors, les gentilshommes s'adonnèrent volontiers au pétun, quoique certaines courtisanes s'en plaignissent. "Mieux vaut humer le derrière du diable que l'haleine des galants !" confessèrent les plus damnées. Il n'empêche ! devant le succès remporté par ce fameux tabac, Colbert décréta en 1674 le monopole d'État. Au fil des ans, "l'herbe à la Reine" bénéficia d'une vogue croissante.
Sous l'Empire, les grognards embouchèrent volontiers le brûle-gueule. Le Petit Tondu se contentait de priser, mais la plupart de ses généraux fumaient : l'imagerie napoléonienne montrait Lassalle chargeant la bouffarde au bec, et Lannes, blessé à mort, réclamant une ultime pipée. Les Romantiques souscrivirent à la fumerie. L'audacieuse George Sand n'hésitait pas à paraître en public la pipe aux lèvres. En 1843, le tabac suscita un profond intérêt populaire avec l'apparition de la cigarette. Ces petits rouleaux de papier, remplis de tabac finement haché, furent d'abord vendus par charité, pour venir en aide à la Guadeloupe, saccagée par un tremblement de terre. Cinquante ans plus tard, fut créée la célèbre Gauloise.

Premières bouffées

bureau de tabac en 1900
Lorsque nous étions gamins, nous fumions des joncs en cachette. Quand j'ai eu l'occasion de fumer sans que mes parents le sachent, j'ai voulu en profiter. J'ai acheté pour deux sous de tabac, du papier à cigarette et une boîte d'allumettes. Comme c'était un dimanche après-midi et que j'étais libre, j'allai dans le hangar aux voitures. J'y ai fumé peut-être trois ou quatre cigarettes de suite, maisje vous prie de croire que j'ai été malade. Je me suis couché dans un tombereau et je me suis endormi. Si bien que le soir  venu, les vaches se sont mises à beugler pour réclamer leur ration. Le fils du patron, qui me cherchait partout, a  fini par me trouver dans le tombereau. Il m'a dit: "Alors, on ne soigne pas les vaches aujourd'hui ?" Je lui ai répondu que j'étais malade, en ayant bien soin de ne pas lui préciser la cause de la maladie. Savez-vous quej'ai fait un bon placement ce  jour-là ? Le tabac, le papier à cigarette et les allumettes: ces cinq sous, dépensés en 1903, m'ont rapporté gros, tous comptes faits.
Car je n'ai plus jamais fumé de ma vie, qui a été longue. À seulement un paquet de cigarettes par semaine, faites le calcul !

Le bureau de tabac

Le bureau de tabac  en 1900
Madame Victoire est veuve de guerre, c'est pourquoi elle a obtenu du gouvernement la tenue du bureau de tabac de la place de l'Église. Sa boutique est souvent ouverte tard. Quand je rentre de l'école, j'aime bien regarder sa vitrine : les paquets de tabac gris, tout carrés, les boîtes d'allumettes, les petits blocs de papiers à cigarettes, les pots et les blagues à tabac, les briquets à essence et à amadou... Une chose me fascine ce sont les petites boîtes rondes de pierres à briquet. Chaque pierre est isolée dans une petite case avec un couvercle percé d'une fente que tu fais tourner...
Madame Victoire fabriquait des "roulées", des "cousues" comme on disait à l'époque, c'est-à-dire des cigarettes toutes prêtes. Beaucoup de fumeurs roulaient eux-mêmes leurs cigarettes. Acheter des paquets de cigarettes était un luxe aussi Madame Victoire s'était-elle fait une petite clientèle d'habitués qui lui achetaient des "cousues" par 10. Pour ce faire, elle utilisait une précieuse machine qui tenait dans une boîte recouverte de bois précieux.
Dans le plateau de son comptoir se trouvait une niche fermée par un couvercle dans laquelle elle mettait le tabac vendu au détail. Madame Victoire vendait aussi des petits blocs de papier à rouler, des allumettes, des briquets, des pipes et des petites boîtes rondes de tabac  à priser. J'avais essayé une fois avec l'oncle Georges qui 'avait mis une petite pincée dans le creux de mon pouce. Je m'en souviens encore.

Restriction pendant l'Occupation

Restriction de tabac  pendant l'Occupation
Pendant l'Occupation, afin d'en faire de méchantes cibiches, les manufactures en vinrent à broyer les tiges qu'auparavant elles refusaient. Il fut commandé aux cultivateurs d'entasser les feuilles, toutes qualités mélangées, et de les fouler aux pieds pour en activer la fermentation. Durant ces sombres années, le tabac
fit cruellement défaut à ceux qui n'avaient aucune combine pour en dégoter au marché noir. Or, il suffit qu'une chose devienne introuvable pour qu'elle semble indispensable. Les fumeurs invétérés se mirent à rouler toutes sorte: d'herbes, de feuilles, de pailles, des barbes de maïs et des graines de trèfle. Ça leur irritait la gorge, ça leur brûlait les poumons, mais ils se disaient que c'était toujours mieux que rien. La Libération ne fit pas cesser les pénuries comme par enchantement.  En septembre 1946,  il faut encore des tickets de rationnement pour acheter du tabac. On est inscrit dans le bureau le plus proche de son domicile où l'on va chercher, tous les jours, les deux ou trois paquets de cigarettes auxquels on a droit.
bas
Croyances
Un homme sombrait dans un sommeil profond, pendant une journée entière, après avoir fumé un tabac qu'on avait saupoudré d'un os de crapaud, finement broyé. Les sorciers de Sologne décuplaient leurs pouvoirs en bourrant le fourneau de leur pipe avec du tabac auquel ils avaient ajou­té du foie de loup, séché et pulvérisé.
Les Gascons croyaient que le tabac volé donnait un jus qui soignait l'inflammation des gencives. Un Breton ne pourrait jamais faire des enfants si, par mégarde, il avait fumé le jour de ses noces.