L'esclave est rentable, très rentable.
La croissance naturelle continue de fournir des bras, De 900 000 esclaves en 1800, les États du Sud sautent à 1 500 000 en 1820, à 2 500 000 en 1840, à 4 millions en 1860. En dépit des arguments qu'échangent les historiens d'aujourd'hui et les acteurs économiques d'hier, l'esclavage est rentable, très rentable. En 1795, un homme dans la force de l'âge coûte en Virginie aux environs de 300 dollars. Avec les mêmes caractéristiques, un esclave vaut 1 200 dollars dans la Caroline du Sud de 1860, et 1 800 dollars en Louisiane. Car, entre-temps, la suppression de la traite, les incertitudes de l'importation clandestine, l'essor du Nouveau Sud tirent les prix vers le haut. Des États, comme la Virginie, ne profitent pas de la manne du coton, mais pratiquent un « élevage » méthodique et fructueux.
Les conditions de vie des esclaves
Sur les 8 millions de Blancs que comptent les États esclavagistes, 385 000 seulement possèdent des esclaves, soit une proportion de 1 sur 20. La moitié ont moins de cinq esclaves, 10 000 planteurs en ont plus de 50 et 3 000 d'entre eux plus de 100. Ces planteurs jettent un regard concupiscent sur les terres de l'Ouest, qui permettront l'extension des plantations vieillies et susciteront des profits encore incalculables.
Peu importe à leurs yeux que des hommes, des femmes et des enfants subissent un traitement identique à celui des animaux, que des ventes aux enchères brisent les familles, que les conditions de vie des esclaves soient contraires à la dignité humaine.
Pour justifier les fondements de leur société, ils sont prêts à invoquer tous les arguments possibles et imaginables. Ils soutiennent que le sort des domestiques n'a rien de dramatique, qu'ils font partie de la famille, que les esclaves travaillent à leur rythme sur les plantations et n'ont qu'un faible rendement, qu'en dépit des séparations la famille noire est unie autour de la mère. En un mot, la condition des ouvriers, libres mais exposés au chômage et à la maladie, dépourvus d'une pension de retraite, abandonnés à eux-mêmes, serait bien pire que celle des esclaves. Ceux-ci auraient même grand intérêt à accepter les bienfaits de la servitude. L'esclavage serait ainsi l'avenir de l'homme, au moins d'une partie de l'humanité.
L'esclavage américain n'est que marginalement urbain
Une minorité d'esclaves est rattachée à la maison du maître. Ce sont les serviteurs, les cochers, les blanchisseuses ou les cuisinières... Sur les grandes plantations, il existe également une classe d'esclaves qualifiés : charpentiers, maçons, tonneliers, menuisiers ou forgerons. Dans l'ensemble, l'esclavage américain n'est que marginalement urbain, excepté à Charleston, en Caroline du Sud, à Richmond, en Virginie, et à Mobile, dans l'Alabama où les esclaves représentent plus du quart de la population totale. Les esclaves urbains disposent d'une liberté de mouvement importante par rapport aux esclaves des plantations rurales. C'est une des raisons pour lesquelles ils sont surreprésentés parmi les esclaves en fuite. Ce sont, par exemple, des boulangers, des coiffeurs ou des hommes à la journée, des cuisinières ou des couturières.
Organisation du travail dans les plantations
En 1860, la plupart des esclaves sont non qualifiés et travaillent aux champs. L'organisation du travail la plus courante est celle du gang labor, très bien adaptée au coton, au tabac et au sucre: les esclaves sont répartis en fonction de leurs aptitudes physiques, ils commencent à travailler au lever du soleil et cessent à la tombée de la nuit. Dans les plantations de riz, c'est le système du tank labor qui domine. Les esclaves ont des tâches bien définies à accomplir: le désherbage des parcelles, ou la réfection des digues. Une fois ces tâches terminées, ils sont libres de cultiver leur propre jardin et de s'occuper de leur maison