La mort de Ben Boulaïd
rideau
commandos en embuscade

Six jours auparavant, le capitaine Krotoff, figure légendaire du 11eme choc avait trouvé la mort au cours d'un accrochage et l'opération de parachutage à laquelle se livrait le DC-3 devait venger les paras de la disparition de leur chef bien-aimé. L'avion largua d'abord deux chargements de riz. Suspendus aux corolles gracieuses des parachutes, les énormes ballots de ravitaillement atterrirent presque aux pieds des hommes des paras.. Mais, au troisième passage, ce fut l'incident. Le parachute soutenant le troisième colis s'accrocha à la roulette de queue de l'appareil. Le parachutage était loupé. S'il parvenait à se détacher, le chargement atterrirait à des kilomètres de la dropping zone  prévu en pleine zone rebelle. L'appareil radio perfectionné qui pendait au bout des suspentes du parachute allait grossir le butin des maquisards du chef rebelle Ben Boulaïd. Cette éventualité ne sembla émouvoir ni les officiers ni les hommes qui observaient la manoeuvre avec curiosité mais sans fébrilité.
Et pour cause. Toute cette opération était le fruit d'une soigneuse mise en scène imaginée par les services spéciaux français. Pour frapper à la tête l'état-major insaisissable de la zone rebelle de l'Aurès, le service Action du S.D.E.C.E. avait mis au point une opération très particulière que le capitaine commandant avait expliquée à ses hommes au bivouac de Menaa.:

On va quitter Menaa comme si on partait pour une opération de quelques jours. On sera observés. Mais c'est ce qu'il nous faut. Ils ont trop la trouille pour nous attaquer. On va grimper sur un piton au sud de Tamchet et s'y installer. Puis un avion nous parachutera trois colis. Les deux premiers seront récupérés, mais le troisième, un poste de radio, tombera hors de notre portée. Il sera récupéré par les fells ! Et comme c'est un poste ultra-moderne, ils vont le porter d'autorité au chef le plus important de la région. peut-être Ben Boulaïd ! Une patrouille de chez nous partira pour faire semblant de récupérer le zinzin. Elle partira... pas trop vite. En route, vous direz aux fellahs que c'est un poste très important pour nous. Qu'il y aura une bonne récompense pour celui qui nous permettra de le récupérer. Raison de plus pour que les fells  l'apportent à un chef important et que celui-ci ait envie de l'essayer... Et alors... !
Car ce poste émetteur-récepteur avait été fabriqué au centre de Cercottes, où des spécialistes fabriquaient mille et un gadgets dont les agents du service ou les paras profitaient. Ce poste était piégé et devait exploser dès qu'on le mettrait en route sur batterie ou sur courant. Sur piles, il fonctionnait tout à fait normalement. Et seul un chef important pouvait avoir à sa disposition une cache où il y eût du courant électrique ! Enfin, le plus méfiant des rebelles ne pourrait se douter du piège. Même en ouvrant l'émetteur ! L'explosif ne se trouvait pas dans le poste. C'était le poste lui-même, sa carcasse, qui était en explosif !...
Dans le ciel, le DC-3 tournait inlassablement. Enfin, le parachute se détacha. Vu du sol, cela paraissait le fruit du hasard. En réalité, dans la carlingue, un agent du centre de Cercottes venait de couper le filin qui retenait le parachute à la roulette de queue. L'opération était parfaite. Le pilote avertit par radio que le plan avait réussi. Je les vois, cria-t-il. Les  fells  sortent de la forêt. Ils courent vers le pépin. Ils l'embarquent. Le poste est pris !
Comme prévu, la patrouille de  récupération arriva trop tard.

C'est le 4 novembre 1955 que Ben Boulaïd, l'un des six fils de la Toussaint, avait réussi à s'évader de la prison de Constantine après neuf mois d'incarcération. Beaucoup de bruits avaient circulé à l'époque.
 Quoi qu'il en soit, c'est un Aurès en pleine anarchie que retrouve Ben Boulaïd après son évasion.
En trois mois, Ben Boulaïd réussit non seulement à redonner une unité à la zone de l'Aurès, mais à établir des liaisons avec Zighout Youssef et son adjoint Ben Tobbal, chefs de la zone de Constantine. Sous sa direction, les diverses bandes acceptèrent d'oublier leurs griefs et leurs traditions tribales pour concentrer leurs efforts sur la lutte contre l'armée française. Les mois de février et mars virent se multiplier les accrochages entre les djounoud de Ben Boulaïd et les meilleures unités de la légion et de parachutistes que le commandant de la Xe région militaire avait envoyées pour réduire les  bandes rebelles. Loin de les réduire, légionnaires et parachutistes, s'ils avaient porté de sérieux coups aux unités F.L.N., avaient essuyé un certain nombre d'échecs et de pertes. C'est au cours d'un de ces engagements que six légionnaires allemands, séduits par la propagande F.L.N. qui leur promettait, s'ils livraient leurs armes, de les rapatrier en Allemagne sains et saufs,  avaient déserté. C'est également au cours d'un accrochage particulièrement violent, le 9 mars, que le capitaine Krotoff avait trouvé la mort.
Devant cette série de revers et surtout devant l'incapacité de l'armée de remonter jusqu'à ces chefs insaisissables qui chaque jour contaminaient un peu plus l'Aurès, les services spéciaux montèrent l'opération poste piégé à laquelle nous avons assisté.
Ce n'est que plusieurs mois après que les services spéciaux et les hommes du 11e  « choc » apprirent le succès total de l'opération.
Comme prévu, les maquisards sortis de la forêt récupérèrent le poste et le firent parvenir à l'autorité suprême de la région, Ben Boulaïd. Le 27 mars 1956, celui-ci brancha le poste sur une batterie et tenta d'établir le contact. On ne retrouva rien du corps de Ben Boulaïd.
Les spécialistes de Cercottes avaient remporté leur plus belle victoire. Car après la mort de Ben Boulaïd, l'Aurès, berceau de la révolution, allait retomber dans l'anarchie. Il faudra attendre 1958, et encore, pour que l'Aurès retrouve un vrai chef et un semblant d'unité !

ben boulaid
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Les coups tordus