Les cheminots... Chauffeurs et mécaniciens
rideau
cheminot en 1930

Une étude entreprise en 1900, analyse avec une minutie trés scientifique, le travail du mécanicien de locomotive. Il nécessite de rares qualités.
Nous aurions pu étudier graphiquement la force musculaire dépensée au cours de la conduite d'une machine et dans le travail de la chauffe. Mais nous n'avons pas cru utile de choisir ce procédé de sélection, car tout agent devenu chauffeur, puis éventuellement mécanicien, a subi au Service médical un examen sévère. Au surplus, sans une force physique suffisante, il se serait fatalement éliminé lui-même de la profession.
Toutefois, nous avons calculé l'effort demandé à un chauffeur au cours d'un des plus longs trajets qu'il ait à accomplir dans les conditions de travail actuellement imposées.
Cet agent procède parfois à la manutention de 30 kg de charbon par minute. Le calcul du travail théorique serait d'ailleurs loin d'exprimer la valeur réelle de l'énergie mécanique dépensée, car l'effort du chauffeur est distribué sur de nombreuses mais courtes périodes de travail et dans des conditions particulières ou interviennent
1° la résistance à la fatigue provenant de la température élevée;
2° la position courbée ou debout et le maintien de l'équilibre du corps. Ce maintien de l'équilibre, lorsque le corps est sans cesse projeté d'un côté et de l'autre par les trépidations de la plaque réunissant la machine au tender sur laquelle les hommes accomplissent presque tous leurs travaux, exige un effort qui n'est peut-être pas exclusivement physique, mais qui fait appel à une aptitude/ particulière.
Au surplus, le chauffeur doit faire d'autres efforts physiques, pour casser des briquettes, mouiller le charbon, nettoyer le sol du tender, etc.
En outre, il prend part au travail du mécanicien, qui comporte la surveillance du manomètre de la chaudière, la surveillance du niveau d'eau et du robinet de jauge. Enfin, il doit assurer et régler l'alimentation de la chaudière (parfois 100 litres au km).
Le chauffeur doit enfin participer à la surveillance des signaux. Bien que cette surveillance se fasse sous la responsabilité du mécanicien, elle n'en exige pas moins un effort d'attention qui, en principe, ne se relâche jamais et s'ajoute aux efforts physiques.
Ces derniers, qui mettent en jeu des groupes de muscles déterminés, sont parfois inopinés et nécessitent une endurance générale et une possibilité de réparation organique rapide. L'aptitude physiologique en question est différente de la force musculaire proprement dite.

cheminots 1930

Afin d'étudier le rôle exact de la coordination des mouvements dans le travail du chauffeur et du mécanicien, nous avons procédé avec l'aide de techniciens de ces métiers à l'analyse approfondie de tous les gestes faisant appel à cette coordination.
A) Préparation de la machine
1° Chargement du tender en briquettes et rangement dans les casiers :
Les briquettes glissent sur une planchette inclinée, toutes les 4 à 5 secondes. Le chauffeur doit les attraper, au fur et à mesure, des deux mains et les ranger dans les casiers (mouvements simultanés des deux bras dans le plan vertical). Le rythme est imposé par un facteur extérieur; une briquette pesant 10 kg. le chauffeur ne doit pas s'exposer au danger de la recevoir sur le pied.
2° Chargement du tender en charbon : Lorsque le chargement se fait à l'aide du toboggan, le chauffeur doit quelquefois déplacer au préalable la goulotte pour qu'elle soit dans l'axe du tender; cette manoeuvre s'effectue des deux mains dans le plan horizontal.
3° Remplissage du tender en eau :
Le chauffeur doit ajuster le col de la grue hydraulique au droit du regard de la caisse à eau (mouvements simultanés des deux mains dans le plan horizon).
B) Opérations en cours de route 1° Conduite du feu :
a) L'ouverture de la porte du foyer se fait de la main gauche dans le plan vertical en tirant vers soi.
b) Pelletage : Mouvements simultanés des deux bras dans le plan horizontal (pour ne pas lever 7 à 8 kg de charbon en l'air). La main gauche sert de support, la main droite guide la pelle afin de disposer correctement le charbon dans le foyer; elle est tantôt levée, tantôt abaissée suivant que le charbon doit être lancé plus ou moins loin de l'ouverture du foyer. Le combustible doit être disposé au mieux d'une façon homogène sur toute la surface. Chaque chargement comporte 6 jets de pelle en moyenne. Au cours d'un trajet, le chauffeur en effectue environ 150.
Parmi ces 150 chargements, 15 comportent des briquettes. Avant de procéder à un chargement de briquettes, le chauffeur en prend une dizaine dans les casiers, les pose sur le plan de charbon (mouvements simultanés des bras dans le plan vertical), les casse en morceaux (mouvement d'un bras dans le plan vertical). Le chargement se fait à la pelle comme pour le charbon toutefois, certains chauffeurs prennent à la main les gros morceaux de briquettes pour les jeter directement dans le foyer
c) Fermeture de la porte du foyer (mouvement inverse de l'ouverture, toujours dans le plan vertical); se fait soit avec la main gauche, soit avec la main droite
d) Manoeuvre du crochet. Se fait 3 à 4 fois au cours d'un voyage. Le crochet est long (5 m 10) et lourd (20 kg environ). Au repos, il est fixé sur une des parois latérales du tender. Le chauffeur le décroche de la façon suivante : il attrape la partie amère du crochet de la main droite et le décroche dans le plan vertical, l'amène dans l'axe du tender dans un espace très limité de façon à ne pas dépasser le gabarit de la machine aussi bien en hauteur qu'en largeur. Un instant après, il décroche de la main gauche la partie avant, il la tire vers lui (plan horizontal). Il pose par terre le crochet. Puis de la main gauche, il prend un chiffon pour se préserver du contact de la partie avant du crochet qui sera portée au rouge à- la fin de l'opération; la main droite soutient toujours la partie arrière. Il laboure, il pioche et il ratisse pour égaliser la masse du combustible et le disposer à hauteur constante sur la totalité de la surface. Le crochet est comme le prolongement de ses doigts. Il sent les bosses et les trous. Les mouvements les plus divers des deux bras se font toujours simultanément dans différentes directions. Ce sont des mouvements d'ajustement, de palpation, car il est impossible, par suite de la radiation, de distinguer quoi que ce soit dans le foyer.
2° Manoeuvre des robinets de la caisse à eau du tender :
Vérification occasionnelle du niveau de l'eau restant dans le tender par manoeuvre de plusieurs robinets placés verticalement à intervalles réguliers.
3° Alimentation de la chaudière :
Le chauffeur surveille constamment le niveau d'eau qu'il doit maintenir à une hauteur convenable. A cet effet, il dispose de la pompe et d'un injecteur.
La pompe fonctionne d'une façon continue. Le chauffeur imprime de très légers mouvements à son volant de commande, de , manière à ralentir l'admission d'eau dans les postes ou à l'accélérer dans les rampes.
L'injecteur fonctionne de façon discontinue (10 minutes environ quand le besoin s'en fait sentir). Pour le mettre en action, on procède de la manière suivante : de la main droite, on ouvre le robinet de prise d'eau (mouvements dans le plan horizontal). De la main gauche, on manoeuvre progressivement le robinet d'admission de vapeur avec un certain doigté. On se guide avec l'oreille : la manoeuvre est terminée quand on entend un son particulier. Les deux mouvements ne doivent pas être simultanés : la commande de l'arrivée d'eau se fait dans le plan horizontal par un mouvement à amplitude assez réduite l'arrivée de la vapeur, par le mouvement du volant à grande amplitude, 3 à 4 tours du volant.
4° Arrosage : De temps à autre, le chauffeur décroche une lance d'arrosage qu'il saisit de la main droite, ouvre de la main gauche un petit robinet et arrose le charbon pour éviter la poussière. Il garde la main gauche sur le robinet pendant qu'il arrose de la main droite.

conducteur de locomotives
conducteur de train en 1930
anecdote
accueil
Accueil
Les métiers d'autrefois