Les nourrices
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En ce début de siècle, les nourrices jouent encore un rôle important. Un ordre spécial des nourrices a même été créé par le conseil général de la Seine pour récompenser les plus méritantes d'entre elles. On parle d'elles au théâtre et dans la littérature. Mais, il est vrai, en des termes qui ne sont pas toujours élogieux. La pièce d'Eugène Brieux, les Remplaçantes, et le livre qu'en a tiré Marcel Luguet décrivent de sinistres bureaux de placement dans lesquels les mères de substitution, traitées comme du bétail humain, humiliées, seraient livrées aux trafics les plus sordides.
Toute femme se présentant comme nourrice doit subir un examen médical. Sont rejetées les candidates au teint trop pâle ou aux dents cariées, signes d'une mauvaise alimentation. Les femmes trop grasses se voient également refusées, de même que celles qui dégagent de trop fortes odeurs.
Il existe à Paris, en 1906, une vingtaine de bureaux de nourrices où se recrutent les « nourrices sur lieu » et les « nourrices au loin ». Les premières viennent habiter dans la famille de l'enfant. Les secondes emmènent le nourrisson chez elles, à la campagne. La nourrice sur lieu a la préférence, car elle offre infiniment plus de garanties. Mais elle coûte plus cher.

Pour être agréée, une nourrice doit, en principe, présenter un certificat du maire de son lieu de domicile, constatant que son dernier enfant vivant est âgé de 7 mois révolus ou, s'il n'a pas atteint cet âge, qu'il est allaité par une autre femme. Ces dispositions, inscrites dans la loi Roussel en 1874, restent cependant encore bien souvent lettre morte en ces premières années du xxe siècle. Bien que la stérilisation du lait soit de nature à propager l'usage du biberon, l'allaitement maternel ou son remplacement par le lait de la nourrice sont toujours prépondérants, et ce jusqu'à un âge avancé du nourrisson, le sevrage total ne se pratiquant pas avant le dixième ou le douzième mois et parfois même au-delà (souvent à l'âge de 2 ans). « Lorsque la nourrice est bien constituée et que l'enfant trouve en elle une alimentation suffisante, estime-t-on alors, il n'y a aucun inconvénient à prolonger l'allaitement. »

Le premier texte législatif réglementant le service des nourrices est très ancien puisqu'il remonte au 30 janvier 1350. Il s'agit d'une ordonnance du roi Jean II ayant trait aux « recommanderesses », nom sous lequel étaient désignées les femmes tenant des bureaux de nourrices. Ces dernières bénéficiaient d'un salaire fixe et avaient interdiction, sous peine d'amendes, et même du pilori en cas de récidive, de confier aux nourrices plus d'un enfant par an. Des meneurs recrutaient les nourrices dans les campagnes, les amenaient à Paris en voiture et les déposaient au bureau des recommanderesses. Puis, lorsque ces femmes s'étaient pourvues en nourrissons, ils les raccompagnaient dans leur village. Les meneurs n'avaient pas le droit de conduire des nourrices ailleurs que dans les bureaux des recommanderesses. Il était également défendu aux sages-femmes et aux aubergistes de recevoir, de loger et de louer des nourrices. Les transports de la province à Paris se faisaient dans des conditions lamentables, entraînant une forte mortalité infantile. Une succession d'ordonnances royales et d'arrêts du parlement règlementera la fonction des nourrices, mais la situation de celles-ci n'évolua pas considérablement au cours des siècles suivants. Au XVe siècle, certains peintres donnè rent une image attendrissante, idyllique de ces
femmes aux soins de qui étaient confiés les nourrissons (le mot « bébé », venu d'Angleterre, ne se répandit en France qu'à la fin du xi.xe siècle).

Au début du XXe siècle, comme au siècle précédent, c'est dans les départements du Nord et en Bretagne, où la misère pousse les femmes à venir chercher un emploi dans la capitale, que se recrutent les nourrices. Mais le Morvan reste encore un grand pourvoyeur de « nounous ».
" L'élevage humain est la plus grande industrie du Morvan, plus encore, peut-être, que l'exploitation et le flottage du bois », écrit Ardouin- Dumazet dans sa suite d'ouvrages Voyage en France parus au début du siècle. Il poursuit : « De tout temps les Morvandelles ont eu la réputation d'excellentes nourrices. C'est dans la race. Même chez les jeunes filles presque bourgeoises des petites villes et des bourgs on trouve l'allure massive qu'aura plus tard la matrone. Par un phénomène d'atavisme, semble-t-il, la souche a été ainsi marquée. »

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