Toujours à propos de l'aspect physique du Duce, je dois dire la vérité sur deux points qui sont devenus historiques : on a beaucoup épilogué sur le crâne romain de mon mari et sur le malin plaisir qu'il prenait à grimper les marches quatre à quatre, entraînant derrière lui tout un cortège de généraux et autres dignitaires essoufflés.
En fait le crâne rasé a eu pour origine la chute des cheveux de mon mari, due selon lui — au port du casque pendant la Première Guerre mondiale. Pendant une certaine période, il s'était convaincu que l'emploi de certaines lotions arrêterait cette chute, voire même les ferait repousser. Chaque matin, il observait les effets de ces lotions d'un oeil critique, mais, au bout de quelques semaines, ne voyant aucun résultat positif, il avait opté pour une solution radicale : se raser complètement la tête. C'est ainsi que naquit l'image du Duce, au crâne d'empereur romain. Je reconnais que cela lui allait assez bien mais les plus heureux furent nos enfants, puis nos petits-enfants, qui avaient trouvé leur passe-temps favori : jouer avec la verrue de mon mari, comme je l'ai déjà raconté.
Quant aux marathons dans les escaliers, ils étaient dus au fait qu'un jour Benito s'était trouvé bloqué dans un ascenseur. Depuis cette mésaventure, il n'utilisait ce genre d'engin qu'avec une certaine réticence, préférant grimper les escaliers à pied. Et comme ceux qui l'accompagnaient n'osaient faire autrement, tout le monde suivait. Je dois dire qu'il éprouvait assez de plaisir à les voir souffler, lui qui aurait voulu faire pratiquer le sport à toute la nation.