Quatre enfants morts en un mois
rideau
jeanne Weber

Au terme de ce rude hiver 1905 qui n'en finit pas de finir, les familles Weber se sont agrandies : Charles et Blanche ont eu deux filles, Suzanne, qui a trois ans, et Georgette, dix-huit mois; Pierre et Marie ont un garçon, Maurice, âgé de deux ans; Léon et Charlotte ont une fille, Germaine. A sept mois, elle est la préférée de Jeanne qui n'a pas eu ,d'autre enfant après Marcel.
Le 2 mars, Jeanne se rend chez Blanche. Là, pour permettre à sa belle-soeur d'aller au lavoir municipal faire sa lessive, elle propose de garder les enfants. Pendant que Suzanne joue dans un coin avec sa poupée, sa petite soeur dort. Soudain Jeanne sursaute. La respiration de l'enfant est devenue sifflante. Elle se précipite jusqu'au berceau, Georgette a le visage violacé. Jeanne alerte les voisins et prend la petite dans ses bras ne sachant trop quoi faire d'autre. La serre-t-elle trop fort comme le lui fait remarquer une voisine? Toujours est-il que cette dernière s'inquiète et propose d'aller chercher un médecin.
Lorsque celui-ci arrive, il est trop tard: Georgette est morte.
Blanche qui rentre précipitamment du lavoir a le visage en larmes. Jeanne est décomposée qui a senti dans ses bras les derniers sursauts de la petite.
— Votre enfant a été victime d'une pleurésie, conclut le médecin après avoir examiné le cadavre. Il y en a beaucoup en ce moment...
Toutes ses heures de liberté, Jeanne les passe maintenant auprès de sa belle-soeur, faisant tout ce qui est en son pouvoir pour la soulager. Ainsi se trouve-t-elle de nouveau chez elle le 11 mars, soit neuf jours après la mort de Georgette, à surveiller Suzanne en l'absence de sa mère.
Subitement, Jeanne se précipite dehors et appelle au secours.
— Allez prévenir ma belle-soeur, sa fille étouffe !

Et lorsque Blanche arrive tout essoufflée, Suzanne est violacée, au bord de l'asphyxie.
Pierre, qui, ce jour-là, travaille à côté, a été prévenu :
— Ça doit être le sirop d'éther qu'elle a bu par accident ce matin qui lui fait ça, dit-il.
De fait, après que l'on a fait vomir Suzanne, ses couleurs reviennent et sa respiration reprend un rythme normal.
L'alerte est passée. Rassurés, ses parents retournent à leur travail. Quant à Jeanne, elle reprend sa garde vigilante. Cependant, lorsque le soir venu, Pierre Weber rentre chez lui, il trouve sa fille en train de rendre son dernier soupir. Suzanne a succombé si vite que cette fois Jeanne n'a même pas eu le temps d'appeler au secours. Quelque peu troublé par cette nouvelle mort subite, le médecin du quartier que l'on a fait venir refuse le permis d'inhumer. Il demande une enquête. Elle conclut au décès naturel, causé d'après l'expert par une crise de convulsions.
Pierre et Blanche, accompagnés de toute leur famille, reprennent le chemin du cimetière. La terre dans laquelle on ensevelit Suzanne est gelée. Comme la semaine précédente pour Georgette.

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Jeanne Weber