Murat fait mitrailler la foule
Dans son palais, Murat reçoit les échos de l'insurrection. S'il ne veut pas être débordé, il sent qu'il doit réagir sur-le-champ. Il dispose de trente mille hommes bien armés. C'est assez pour venir à bout de la canaille. Dans l'instant, les ordres partent et ils sont implacables. Pour commencer, les grenadiers de la garde amènent sur l'esplanade du palais deux canons. On tire une première salve en l'air. La foule ne bouge pas. Alors, on tire dans les rangs compacts.
La mitraille fait des trous béants dans cette chair offerte. Terrorisée, la foule s'est égaillée. Elle se retrouve vers la Calle Mayor et dans les rues voisines. Chacun s'est armé comme il a pu. Des hommes brandissent des piques, des femmes tiennent en main des haches. Des enfants agitent des bâtons. Tout est bon pour se défendre : barres de fer, couteaux. De nouveaux renforts se joignent sans cesse à l'émeute.
Et toujours ce même cri: mort aux français !
Murat, accompagné de son état-major, s'est porté près de la porte San Vicente, non loin du palais royal. De là, il fait face et commande de sa voix de tonnerre où roule l'accent du Lot. Il ordonne que quatre colonnes s'avancent vers la Puerta del Sol et que soit brisée toute résistance. Car c'est là, à la Puerta del Sol, que l'insurrection trouve son épicentre. Or, au 9 de la place, Goya, horrifié, va assister à la tragédie. D'immortels chefs-d'oeuvre naîtront de cette confrontation.
A travers Goya, nous voyons charger les lanciers , les mamelouks aux uniformes exotiques. Nous voyons le peuple résister par tous les moyens, continuer à écraser les Français sous tous les projectiles existants. Des insurgés ont pris place dans les caves. A travers les soupiraux, ils tirent presque à bout portant sur les hommes de Murat. D'autres, sautant en croupe derrière les mamelouks, les poignardent. En revanche, cavaliers et mamelouks sabrent avec furie. De part et d'autre, on abat l'adversaire dans une horreur sanglante.
Et toujours ce même cri : Mort aux gavachos !