Les blessés dans ce carnage ? Martyrisés dans leur chair ensanglantée ils n’avaient d’autre idée que de fuir le champ de bataille et d’atteindre quelque poste de secours. Tant mieux si le blessé
peut marcher.
Il ira lentement de trou d’obus en trou d’obus puis d’abri en abri, faisant halte pour échapper aux obus, attendant une accalmie pour franchir une autre étape. Mais ceux qui doivent être transportés ?
Ils sont cahotés sur les brancards
qui tanguent au rythme de la marche des courageux brancardiers. Impuissants, inertes, incapables du moindre effort pour se
sauver, ils sont à la merci de leurs sauveurs.
Notre poste de secours regorge de blessés. Nous faisons des pansements sans discontinuer... Le lieutenant M… arrivé au régiment en renfort il y a quelques jours, vient d’être tué, mutilé affreusement, deux minutes
après m’avoir serré la main ; un éclat est arrivé sur sa musette pleine de grenades et l’a mis en bouillie.
Le lieutenant D… de la 23e, a chargé en tête de ses hommes, tout habillé de neuf, et n’a pas voulu mettre sa capote de poilu ;
il se fait descendre et est mortellement blessé au fond d’un trou.
L’aspirant a… (19 ans) est tué. L’aspirant M…, même âge et l’adjudant C…le sont également. Ils sont là tous les trois, mes
pauvres camarades, allongés côte à côte, tout raides, devant mon poste de secours.